Lâauteur recense ici les prises de positions de chercheurs contredisant la thĂ©orie du big bang, et en prĂ©sente les principaux arguments. LâĂ©clairage de cette controverse scientifique est ainsi lâoccasion pour le directeur de recherche honoraire au CNRS dâune prise de position sur lâĂ©tat de la recherche sur la physique des hautes Ă©nergies et la cosmologie.

Des signes multiples apparaissent dâune crise dans la physique des hautes Ă©nergies et la cosmologie.
Lee Smolin, thĂ©oricien connu, publie livre sur livre (dont Rien ne va plus dans la physique). Pour lui, la thĂ©orie des cordes, qui a mobilisĂ© depuis trente ans certains des meilleurs thĂ©oriciens du monde, aboutit Ă une impasse. Cette thĂ©orie gĂ©omĂ©trique requiert, pour dĂ©crire les particules Ă©lĂ©mentaires, dix ou onze dimensions dâespace-temps, invoque des supercordes ou des branes inaccessibles Ă lâexpĂ©rience ; la thĂ©orie des cordes Ă©choue Ă dĂ©crire les particules connues⊠Aucune expĂ©rience ne vient Ă son appui.
Prix Nobel de physique 1998, Robert Laughlin dĂ©clare en 2008 : « Le big bang câest du marketing. » Avec un autre thĂ©oricien Ă©tatsunien cĂ©lĂšbre, David Pines, il publie en 2000 un texte sur « The Theory of Everything » qui attaque tout un courant thĂ©orique qui veut trouver les Ă©quations fondamentales du monde. Les auteurs caractĂ©risent cette tentative comme un avatar du rĂ©ductionnisme. Sâils tirent un coup de chapeau Ă ce dernier, qui a permis de grandes avancĂ©es dans la connaissance de la matiĂšre, ils parlent aussi de toutes sortes de phĂ©nomĂšnes physiques Ă©mergents, bien compris, que la « thĂ©orie du tout » ne saurait expliquer. Ils notent : « Le rĂŽle essentiel que jouent des principes dâorganisation de plus haut niveau pour dĂ©terminer des comportements Ă©mergents continue dâĂȘtre ignorĂ© par de si nombreux physiciens. Ce fait constitue un trait consternant de la science moderne. »
POURQUOI LA CRISE DE LA THĂORIE BIG BANG ?
En 1887, Albert Abraham Michelson et Edward Morley tentent de dĂ©tecter un « Ă©ther luminifĂšre ». Devant le fait expĂ©rimental de lâinvariance de la vitesse de la lumiĂšre dans tout rĂ©fĂ©rentiel, les physiciens concluent que lâĂ©ther matĂ©riel nâexiste pas et que lâespace est vide.
Une des plus connues est la dĂ©couverte dâune accĂ©lĂ©ration de lâexpansion de lâUnivers. Une autre est la vitesse de rotation des galaxies en contradiction avec la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale.
Toute la pensĂ©e de lâhistoire de lâUnivers sâest fondĂ©e pendant plus dâun siĂšcle sur lâidĂ©e que les objets du cosmos se meuvent dans un espace vide. Les « preuves » expĂ©rimentales du big bang sont surtout le dĂ©placement vers le rouge des frĂ©quences de photons Ă©mises par les corps stellaires, les galaxies…, et le « fond diffus cosmologique » dĂ©couvert par Arno Penzias et Robert Wilson en 1965, la radiation micro-onde de lâespace. Le dĂ©placement des frĂ©quences vers le rouge, dĂ©couvert par Hubble, est attribuĂ© Ă lâexpansion de lâUnivers et Ă lâeffet Doppler dĂ» Ă la vitesse dâĂ©loignement des sources lumineuses. Le fond diffus cosmologique serait, lui, dĂ» Ă un rĂ©sidu thermique de lâUnivers primordial et du big bang initial.
LES DIFFICULTĂS DE LA THĂORIE DU BIG BANG
Des objections, nombreuses, Ă la thĂ©orie du big bang ont Ă©tĂ© dĂ©crites par plusieurs auteurs, comme Laughlin citĂ© ci-dessus, et bon nombre dâautres, parmi lesquels Christian Jooss en 2020 dans son livre Self Organization of Matter â A Dialectical Approach to Evolution of Matter in the Microcosm and Macrocosm.

Une des plus connues est la dĂ©couverte dâune accĂ©lĂ©ration de lâexpansion de lâUnivers. Une autre est la vitesse de rotation des galaxies en contradiction avec la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale : elle pourrait indiquer une modification de la dynamique de Newton Ă grande distance. Lâinvocation dâune « Ă©nergie noire », dont on ne connaĂźt rien, dans un cas et dâune matiĂšre noire dans un autre permet de rester dans le cadre du big bang. On ne connaĂźtrait Ă lâheure actuelle quâune petite fraction de la matiĂšre totale de lâUnivers, celle des Ă©toiles, et des galaxies notamment, qui Ă©mettent de la lumiĂšre.
En ce qui concerne le dĂ©placement vers le rouge, la loi de Hubble, qui en lie lâintensitĂ© Ă la distance de lâĂ©metteur lumineux, requiert une expansion homogĂšne et uniforme du cosmos, alors que la distribution inhomogĂšne de matiĂšre dans des structures galactiques de grande taille devrait entraĂźner des dĂ©viations mesurables de la loi. Par ailleurs, les dĂ©viations mesurĂ©es de la loi de Hubble sont en accord, selon Jooss, avec une hypothĂšse dâĂ©crantage partiel de la gravitation, sans expansion cosmique.
Christian Jooss discute en dĂ©tail les diffĂ©rentes explications alternatives au dĂ©placement vers le rouge ou les diffĂ©rentes contributions au fond diffus cosmologique du spectre de radiations. LâhomogĂ©nĂ©itĂ© et lâisotropie de ce fond est interprĂ©table en termes dâĂ©quilibre thermique du cosmos, avec des inhomogĂ©nĂ©itĂ©s dues aux fluctuations autour de lâĂ©quilibre. Dâautres aspects de la thĂ©orie du big bang sont Ă©galement questionnĂ©s, cet article se concentre nĂ©anmoins sur ceux prĂ©alablement exposĂ©s.
Face Ă la conclusion incontournable, celle de lâexistence dâun Ă©ther quantique douĂ© dâĂ©nergie, et donc de masse, comment une thĂ©orie du big bang et dâune expansion de lâUnivers dans un espace vide peut-elle survivre?
Il est frĂ©quent, lorsquâune thĂ©orie rencontre des difficultĂ©s parce que telle ou telle de ses prĂ©dictions est dĂ©mentie par lâexpĂ©rience, que ses auteurs recourent Ă des hypothĂšses ad hoc pour la prĂ©server. Lâautre choix pourrait ĂȘtre de renoncer Ă cette thĂ©orie et dâen chercher une meilleure, et dâen vĂ©rifier les consĂ©quences et les prĂ©dictions. Câest la premiĂšre branche de lâalternative qui semble ĂȘtre choisie parmi les tenants du big bang.

Y aurait-il des raisons idĂ©ologiques Ă la dĂ©fense dâune thĂ©orie qui a le mĂ©rite, aux yeux de certains, de relever du crĂ©ationnisme ? Car pour les tenants du big bang, lâUnivers a surgi de rien. Câest surprenant quand on se reporte Ă la loi universellement connue et vĂ©rifiĂ©e de la conservation de lâĂ©nergie et de la quantitĂ© de mouvement dans un systĂšme isolĂ©. Quoi quâil en soit, la critique du big bang ne peut pas se fonder sur une critique idĂ©ologique, mais sur des faits expĂ©rimentaux et des explications thĂ©oriques relevant de la dĂ©marche scientifique.
MAIS LâESPACE NâEST PAS VIDE !
Le dĂ©veloppement de la mĂ©canique quantique depuis cent ans aurait dĂ» modifier ces conceptions : les oscillateurs quantiques que sont les photons, mais aussi les bosons porteurs de lâinteraction forte (les gluons) ou Ă©lectrofaible (les faiblons, weakons en franglais) ont, en plus de leurs excitations stables, des « oscillations de point zĂ©ro », des excitations instables jusquâĂ tempĂ©rature nulle. La physique contemporaine parle dâun vacuum (« vide » en latin) qui est⊠rempli dâoscillations de points zĂ©ro. Le terme dâĂ©ther quantique est plus appropriĂ©. Nous vivons dans un espace empli de fluctuations quantiques. Leur existence est expĂ©rimentalement prouvĂ©e par lâeffet Casimir, le dĂ©placement de Lamb du spectre de lâhydrogĂšne ou les forces de Van der Waals entre molĂ©cules, entre autres. Ces fluctuations ont une Ă©nergie, et donc une masse, suivant la relativitĂ©. Elles sont prĂ©sentes partout : dans les atomes, dans lâespace autour de nous, dans le cosmos. Nous baignons dans un Ă©ther formĂ© de fluctuations quantiques.
Prix Nobel de physique 1998, Robert Laughlin dĂ©clare en 2008 : « Le big bang câest du marketing. »
Face Ă la conclusion incontournable, celle de lâexistence dâun Ă©ther quantique douĂ© dâĂ©nergie, et donc de masse, comment une thĂ©orie du big bang et dâune expansion de lâUnivers dans un espace vide peut-elle survivre ? La densitĂ© dâĂ©nergie de lâĂ©ther quantique est plus grande de 120 ordres de grandeur que celle calculĂ©e dans une thĂ©orie du big bang !
COMME LE FER DES AIMANTS, LâĂTHER QUANTIQUE A DES PHASES DIFFĂRENTES
La dĂ©couverte expĂ©rimentale du boson de Brout-Englert-Higgs en 2012 a des consĂ©quences importantes sur notre conception du cosmos. Elle confirme une hypothĂšse : celle dâune transition de phase de lâĂ©ther quantique Ă trĂšs haute tempĂ©rature (200 GeV, des millions de milliards de degrĂ©s !) entre une phase de haute Ă©nergie (haute tempĂ©rature) oĂč tous les bosons ont une masse nulle, et une phase superfluide de plus basse Ă©nergie. Le boson de Brout-Englert-Higgs est la particule de masse nulle dans la phase (dite Ă©lectrofaible) Ă haute tempĂ©rature dont le caractĂšre massif à « basse » Ă©nergie restait Ă confirmer jusquâen 2012.

Il est fascinant que lâidĂ©e dâune transition Ă haute Ă©nergie de lâĂ©ther quantique Ă une phase superfluide, idĂ©e qui a Ă©mergĂ© en 1964, ait Ă©tĂ© inspirĂ©e de la thĂ©orie de 1958 de la supraconductivitĂ© dans nos mĂ©taux terriens, Ă trĂšs basse tempĂ©rature (â 150 °C). Celle-ci rĂ©sulte dâune « brisure spontanĂ©e de symĂ©trie » de la phase mĂ©tallique normale. Dans le supraconducteur, le photon, notre « photon habituel » de masse nulle, acquiert une masse Ă cause de son interaction avec le milieu supraconducteur. La thĂ©orie de Brout-Englert-Higgs, Ă des dĂ©tails techniques prĂšs, est inspirĂ©e par la physique du supraconducteur. En ordre de grandeur, la diffĂ©rence quantitative est Ă©norme. La masse du photon dans un supraconducteur est de lâordre dâune dizaine de milliĂ©lectronvolts, celle du boson dans la phase superfluide de lâĂ©ther quantique dâune centaine de gigaĂ©lectronvolts ! Mais la physique est peu ou prou la mĂȘme (une symĂ©trie un peu plus compliquĂ©e que celle de la supraconductivitĂ©) : la thĂ©orie quantique non relativiste en matiĂšre condensĂ©e a une parentĂ© Ă©troite avec la thĂ©orie de la physique des hautes Ă©nergies.
Le nom de « particule de Dieu » dont on a affublĂ© le boson de Brout-Englert-Higgs, frĂ©quemment Ă©voquĂ© dans la presse grand public, montre le degrĂ© de dĂ©lire irrationnel qui rĂšgne dans certains mĂ©dias et chez certains commentateurs scientifiques. Le boson de Brout-Englert-Higgs nâest pas plus divin que le photon dans un supraconducteur.
LâORIGINE EXPLIQUĂE DES PARTICULES ĂLĂMENTAIRES ?
Le modĂšle standard, Ă partir de 1974, classe de façon remarquable le « zoo » des quelque 200 particules du microcosme, trouvĂ©es expĂ©rimentalement, Ă partir des combinaisons de 24 fermions et 4 bosons, particules considĂ©rĂ©es comme Ă©lĂ©mentaires : quarks, Ă©lectrons, gluons, photons, neutrinos⊠Reste Ă approfondir une explication fondamentale pour lâapparition de ces objets.
Il reste que si lâon connaĂźt des Ă©lĂ©ments constitutifs de cet Ă©ther quantique, par exemple la phase superfluide de Higgs (celle qui donne des masses aux bosons, sauf au photon) ou la soupe de gluons superfluide, la structure dĂ©taillĂ©e de lâĂ©ther quantique reste, Ă ma connaissance, Ă dĂ©terminer.
Dans notre monde non relativiste, nous connaissons aussi toutes sortes de particules quantiques qui Ă©mergent des matĂ©riaux organisĂ©s : dans un cristal apparaissent des phonons, vibrations collectives des atomes du cristal. Dans un supraconducteur sous champ magnĂ©tique Ă©mergent des tourbillons, les vortex ; ils portent un filament de champ magnĂ©tique, qui est un quantum de flux ; hors des vortex, le champ magnĂ©tique est nul dans le fluide supraconducteur. Dans les Ă©tats de Hall quantique apparaissent des skyrmions, sortes de hĂ©rissons dâaimantation, eux aussi quantifiĂ©s en fractions de charge Ă©lectrique et en quanta de flux. Un physicien thĂ©oricien russe, Grigori Volovik, a fait une proposition brillante : dans son livre Universe in a Helium Droplet, publiĂ© en 2003, il montre que les excitations Ă©lĂ©mentaires et dĂ©fauts topologiques des phases superfluides de lâhĂ©lium 3 ont des analogies Ă©troites avec les excitations et particules du modĂšle standard ; il Ă©tudie lâidentitĂ© et la diffĂ©rence entre les diffĂ©rentes formes de mouvement dans le superfluide quantique hĂ©lium 3 et dans lâĂ©ther quantique. Sur cette base, comme le discute Christian Jooss dans son livre, on peut Ă©baucher une genĂšse des particules subatomiques du modĂšle standard Ă partir des excitations et des dĂ©fauts topologiques de lâĂ©ther quantique. La prise en compte de lâĂ©ther quantique permet aussi, Ă partir de la physique des superfluides quantiques, de proposer un scĂ©nario pour la formation des trous noirs, dont lâactualitĂ© nous a donnĂ© de magnifiques images.
Il reste que si lâon connaĂźt des Ă©lĂ©ments constitutifs de cet Ă©ther quantique, par exemple la phase superfluide de Higgs (celle qui donne des masses aux bosons, sauf au photon) ou la soupe de gluons superfluide, la structure dĂ©taillĂ©e de lâĂ©ther quantique reste, Ă ma connaissance, Ă dĂ©terminer. Un champ de connaissance passionnant Ă dĂ©fricher, qui intĂ©resse Ă la fois le microcosme, la matiĂšre condensĂ©e et le macrocosme.
Pas toujours lisible par le citoyen moyen mĂȘme disposant de connaissances minimales en Physique newton. MAIS INDISPENSABLE car il rappelle et CONFIRME que la science zigue-zague (au moins) si l’idĂ©ologie la domine. lAa crise du Capitalisme bouleverse la totalitĂ© de la Connaissance.