Lois Auroux, droit du travail et droits humains, Michel Miné*

« Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise », dit le rapport Auroux. Les lois Auroux inscrites dans le Code du travail font partie des rares textes à avoir amélioré les garanties des salariés : création des CHSCT, droit d’expression, instauration d’un droit de retrait en cas de situation de danger grave et imminent. Ces lois visent à positionner le droit du travail comme élément essentiel de la démocratie et lieu d’application des droits humains.

*Michel Miné, avocat (barreau de Paris), est professeur du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne (LISE/CNAM/CNRS). Il fut inspecteur du travail de 1982 à 2017.

Dans l’entreprise et dans le travail, le travailleur doit être en capacité d’exercer ses droits de citoyen et de personne, ses droits humains. Pour que la démocratie soit complète, elle doit exister dans la sphère politique et également dans la sphère économique. Et la démocratie implique de reconnaître l’importance du travail.

Ainsi, les lois Auroux constituent une législation du travail portée par un projet politique. Au cours des quarante dernières années, les lois modifiant le Code du travail, à de rares exceptions près, ont le plus souvent affaibli les garanties des salariés au prétexte de développer l’emploi, sans résultat probant pour l’emploi mais avec des effets négatifs réels sur les conditions du travail.

La nuit du 4 août 1789, l’Assemblée nationale constituante vote l’abolition de privilèges d’Ancien Régime. (Estampe par Charles Monnet.)

Il convient de replacer les lois Auroux dans leur environnement juridique. Le droit du travail a plusieurs fonctions. Il a une utilité et sociale et économique, ces deux dimensions n’étant pas séparables. Ainsi, en préservant la personne au travail (règles de santé et de sécurité), en accroissant le niveau de qualification (formation professionnelle), en favorisant la négociation collective, etc., il contribue à une plus grande efficacité du travail humain. Le droit du travail organise les relations professionnelles en fixant des règles impératives, en prévoyant un tissu de droits et d’obligations sur les plans individuel et collectif entre les parties, en fournissant un langage commun (les grilles de classification…) et en proposant un modèle de conduite. Il cherche à concilier les différents intérêts légitimes en jeu et à régler les conflits d’intérêts (à défaut, la violence resurgit, économique, symbolique ou physique). Dans les relations employeurs/salariés, le droit du travail est ambivalent1Gérard Lyon-Caen et al., le Droit capitaliste du travail, PUG, 1980.. D’une part, il reconnaît le pouvoir de l’employeur tout en le limitant (modification du contrat et des conditions de travail, discipline, etc.). D’autre part, il garantit des droits aux travailleurs (règles légales protectrices, accords plus favorables que la loi avec le principe de faveur, etc.).

Au cours des quarante dernières années, les lois modifiant le Code du travail, à de rares exceptions près, ont le plus souvent affaibli les garanties des salariés au prétexte de développer l’emploi, sans résultat probant pour l’emploi.

Les lois Auroux sont venues intensifier la fonction « émancipation de la personne du travailleur », et limiter la portée du lien juridique de subordination imposé au XIXe siècle. Ces lois constituent un vecteur novateur de rencontre entre le droit du travail et les droits humains, rencontre perturbée par certaines dispositions.

QUAND LE DROIT DU TRAVAIL FAVORISE L’EFFECTIVITÉ DES DROITS HUMAINS

Les textes initiaux ayant favorisé la mise en œuvre des droits humains se sont épanouis avec de nouvelles dispositions et avec la jurisprudence.

Les normes fondatrices

La première loi Auroux, loi no 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, édicte une affirmation novatrice dès son intitulé même : les travailleurs sont titulaires de libertés et ils peuvent exercer leurs libertés au sein de l’entreprise.

La loi porte ainsi un dépassement du compromis, fordiste et taylorien, dans lequel les travailleurs sont enfermés depuis des décennies : le versement de salaires en contrepartie de prestations de travail dans le cadre d’un emploi. Dans cette configuration, la question de la justice sociale est limitée à l’avoir, à partager au mieux. En revanche, la liberté dans le travail et sur le travail, l’être et l’agir ont été évacués.

La date de la loi fait écho à la nuit du 4 août 1789, au cours de laquelle l’Assemblée nationale constituante vote l’abolition de privilèges d’Ancien Régime. En 1982, il s’agissait d’abolir des privilèges patronaux.

Les lois Auroux, en affirmant les libertés des travailleurs dans l’entreprise, instituent la rencontre entre le droit du travail et les droits humains. Au-delà des normes techniques, importantes, inscrites dans le Code du travail par ces lois, la construction législative d’ensemble permet l’organisation d’une nouvelle branche au sein du droit du travail avec les droits de la personne et les libertés individuelles et collectives, ces « bornes indiquant à tous et en tous domaines les limites à ne pas franchir, et parfois la direction où s’engager », selon l’expression de Mireille Delmas-Marty (Libertés et droits fondamentaux, Points Essais, 2e éd., 2002), formulations travaillistes des droits humains. Il s’agit en particulier, mais sans exclusive, les droits humains étant indissociables du versant socioéconomique de ces droits : les droits économiques, sociaux et culturels.

La loi reconnaît aux travailleurs des libertés et des droits, des libertés de (prérogatives de la personne) et des droits à (droits-créances) dans l’entreprise.

S’inspirant de la jurisprudence administrative, la loi affirme que le règlement intérieur « ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (Code du trav., art. L. 1321-3; anc. art. L. 122-35). Les libertés et droits des travailleurs sont affirmés face au pouvoir patronal pour le limiter et s’opposer à l’arbitraire et aux décisions liberticides.

Ainsi, après la ratification en 1981 par la France de la convention OIT no 111 (1958) concernant la discrimination, la loi affirme que le règlement intérieur « ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi ou leur travail, en raison de leur sexe, de leur situation de famille, de leurs origines, de leurs opinions ou confessions, ou de leur handicap». Ces premières prescriptions à portée générale seront prolongées par plusieurs dispositions ultérieures, dont la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations et les textes destinés à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (depuis la loi Roudy du 13 juillet 1983).

La date de la loi fait écho à la nuit du 4 août 1789, au cours de laquelle l’Assemblée nationale constituante vote l’abolition de privilèges d’Ancien Régime. En 1982, il s’agissait d’abolir des privilèges patronaux.

La loi crée un nouveau droit, le droit d’expression, une véritable innovation; désormais : « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail » (Code du trav., art. L. 2281-1; anc. art. L. 461-1). Point essentiel, le texte se focalise sur le travail, en particulier sur son contenu. Avec cette disposition, le droit du travail s’intéresse, enfin, à l’activité humaine au travail, plus seulement à son environnement et à ses contreparties. Pourtant ce droit fut trop ignoré, et même combattu (par certaines initiatives patronales avec les « cercles de qualité »), puis oublié au risque de tomber en désuétude. On pense dès lors à la formule de Henri Krasucki, « les droits ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas » (Des droits pour s’en servir, Préface, Messidor, 1984).

Parmi les droits les plus fondamentaux de la personne du travailleur figure le droit à la santé, à la préservation de sa santé. En application de la convention OIT no 155 concernant la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail (1981), la loi Auroux du 23 décembre 1982 crée le droit de retrait : le travailleur peut se retirer « de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » (Code du trav., art. L. 4131-1-1; anc. art. L. 238-8-1). Le travailleur apprécie, de façon subjective, tout danger et bénéficie ici, de façon exceptionnelle, du privilège du préalable : il peut décider de se retirer et se retirer. Il est protégé contre toute mesure de rétorsion, y compris le licenciement. La loi reconnaît également aux représentants élus du personnel un droit d’alerte pour « une cause de danger grave et imminent » (Code du trav., art. L. 4132-2; anc. art. L. 231-9).

Ces lois constituent un vecteur novateur de rencontre entre le droit du travail et les droits humains, rencontre perturbée par certaines dispositions.

Concernant les droits collectifs, les lois du 28 octobre et du 13 novembre 1982 prévoient des dispositions pour favoriser l’exercice des droits humains en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Ainsi, la loi précise des dispositions constitutionnelles figurant notamment aux alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946. Ces droits collectifs sont nécessaires pour rendre effectifs les droits humains.

L’épanouissement des normes

Au sujet des libertés des travailleurs dans l’entreprise, le catalogue, toujours en cours d’écriture, se précise avec les affaires jugées. Il s’agit des libertés et droits de la personne à décliner dans le travail, et des libertés et droits spécifiques aux travailleurs, notamment la liberté d’expression, la protection de la vie privée et de la vie personnelle, le droit de mener une vie familiale normale, l’égalité de traitement et la non-discrimination, le droit d’agir en justice, les libertés et droits individuels d’exercice collectif (liberté syndicale, droit à la négociation collective, droit d’élire ses représentants, droit d’expression, droit de grève). Dans une affaire emblématique de confrontation droits humains versus pouvoir patronal, un ouvrier a été licencié pour avoir commenté de façon critique ses conditions de travail, notamment en matière de travail de nuit, dans un entretien publié dans l’Humanité. Après un débat juridique intense, le juge décida de prononcer la nullité du licenciement, en se référant à la disposition de la loi sur le droit d’expression. Depuis cet arrêt 2Cour de cassation, chambre sociale, 28 avril 1988, M. Clavaud c/ Sté Dunlop., acte de naissance de la jurisprudence protectrice des libertés fondamentales au travail, toute disposition ou tout acte liberticide de l’employeur est juridiquement nul, le salarié bénéficiant de la réparation intégrale des préjudices. Ainsi, tout licenciement portant atteinte à une liberté fondamentale étant nul, le salarié peut bénéficier de la poursuite de son contrat de travail dans l’entreprise (réparation en nature et réintégration) et du versement de dommages-intérêts au regard des différents préjudices (réparation indemnitaire), comme ce fut le cas dans cette affaire innovante. Depuis, la jurisprudence assurant la protection de la liberté d’expression, dans l’entreprise et en dehors, s’est développée 3Exemple : Cour de cassation, chambre sociale, 30 juin 2016 (lanceur d’alerte). en s’appuyant notamment sur des textes internationaux des droits humains.

La loi Auroux du 23 décembre 1982 crée le droit de retrait : le travailleur peut se retirer « de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ».

Dans le prolongement de la loi du 4 août 1982, à la suite du rapport « Les libertés publiques et l’emploi » de Gérard Lyon-Caen, la loi Aubry du 31 décembre 1992 prévoit des dispositions relatives aux libertés individuelles. La loi élargit la protection des droits et libertés de façon générale, au regard de toute mesure et par rapport à tout acteur : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (Code du trav., art. L. 1121-1; anc. art. L. 120-2). L’exercice des droits humains peut faire l’objet de restrictions dans l’activité professionnelle, justifiées et proportionnées, pas d’interdiction. Et la loi institue, en reprenant une proposition du rapport, un délégué aux libertés individuelles, en la personne d’un représentant élu du personnel, le délégué du personnel devenu le membre de la délégation du personnel au comité social et économique. Le délégué élu se voit attribuer un droit d’alerte concernant les « droits des personnes » et les « libertés individuelles dans l’entreprise » (Code du trav., art. L. 2312-59 ; anc. art. L. 422-1-1).

La loi crée un nouveau droit, le droit d’expression, une véritable innovation; ainsi : « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ».

En cas d’atteinte à ces droits et libertés, il en saisit immédiatement l’employeur ; celui-ci doit alors procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. La procédure peut s’arrêter là, avec la prise de mesures pertinentes. Cependant, en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée, le délégué peut saisir le conseil de prud’hommes, selon une procédure accélérée et efficace. Le juge peut ordonner à l’employeur toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte.

Selon la jurisprudence protectrice des libertés fondamentales au travail, toute disposition ou tout acte liberticide de l’employeur est juridiquement nul, le salarié bénéficiant de la réparation intégrale des préjudices.

La première mise en œuvre contentieuse de ce texte a eu lieu dans une entreprise où des salariés, en majorité des femmes ouvrières, travaillaient debout dans un atelier de désossage. L’employeur prétendait inscrire dans le règlement intérieur l’interdiction de se rendre aux toilettes en dehors des trois pauses fixes de la journée. Les salariées ont protesté contre cette mesure qui ignorait leurs contraintes liées aux menstruations et ont mobilisé ce droit d’alerte. Le juge du contrat, saisi par les délégués, a ordonné le retrait de cette réglementation patronale liberticide et attentatoire à la dignité 4Conseil de prud’hommes, Quimper, départage, 18 mars 1996, SA Bigard.. Depuis, ce droit performant est mis en œuvre notamment dans des affaires d’atteinte aux libertés et de discrimination.

L’employeur ne doit pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux des salariés. Au-delà, il a une obligation de faire : il doit faire respecter ces libertés et droits, à défaut, sa responsabilité peut être engagée. En effet, l’employeur est « investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarie 5Cour de cassation, chambre sociale, 22 novembre 2017, sté Micropole. ».

L’employeur ne doit pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux des salariés. Au-delà, il a une obligation de faire : il doit faire respecter ces libertés et droits.

Les droits humains au travail sont à l’ordre du jour. Ils inspirent des textes, nationaux (législatifs et conventionnels), européens et internationaux, et des solutions de la jurisprudence, nationale et européenne.

Le droit d’expression redevient d’une grande actualité. En effet, des transformations du travail sont en cours et à venir, liées à la transition écologique, aux évolutions technologiques, sociologiques et démographiques. Au regard de ces bouleversements, il est nécessaire de donner toute sa place à « l’intelligence des travailleurs » – cette belle formule est d’Alain Wisner, professeur d’ergonomie du CNAM –, à l’expression par les travailleurs de leurs expériences du travail réel.

Se manifeste ici une conception de la liberté. La liberté ne se réduit pas à la possibilité pour chaque individu de faire ce que bon lui semble, dans certaines limites 6Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, art. 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui […] ».. Cette liberté signifie, depuis la Grèce antique, depuis les réformes de Clisthène à Athènes (508 av. J.-C.), participer à l’élaboration de la loi commune; la liberté implique de participer. Il en est ainsi concernant les décisions portant sur son travail. Le droit d’expression est un vecteur de liberté sur et dans le travail. Ce droit est de nature à favoriser « un régime de travail réellement humain» 7OIT, Traité de Versailles, 1919 (partie XIII, « Travail »).. Dans cette perspective, l’OIT demande aux États la mise en œuvre de programmes propres à réaliser « l’emploi des travailleurs à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun » 8OIT, Déclaration de Philadelphie, 10 mai 1944.. Prenant le relais de ces dispositions, le droit de l’Union européenne formule une obligation juridique s’appliquant à l’employeur : « adapter le travail à l’homme », en particulier en ce qui concerne « le choix […] des méthodes de travail et de production» (Code du trav., art. L. 4121-2). La nécessité de donner toute sa place à l’expression des travailleurs sur leur travail, qui demeure une obligation légale, est aujourd’hui de nouveau soulignée.

Sur le terrain politique, il s’agit là d’un enjeu essentiel : la liberté dans le travail favorise la citoyenneté dans l’entreprise et dans la cité; l’absence de liberté dans le travail étant une cause de la crise de la démocratie.

QUAND LE DROIT DU TRAVAIL FRAGILISE L’EFFECTIVITÉ DES DROITS HUMAINS

La construction issue des lois Auroux se révèle, par certains aspects, ambivalente, prévoyant des normes paradoxales et perturbantes.

Des normes paradoxales

Le pouvoir patronal bénéficie d’une reconnaissance juridique : « […] il n’est pas question de remettre en cause dans le secteur privé l’unité de direction et de décision dans l’entreprise […] », pouvait-on lire dans le rapport Auroux (1981). Cette affirmation limite l’ambition de « faire que les travailleurs soient les acteurs du changement, c’est-à-dire qu’ils puissent peser et influer sur les décisions qui les intéressent directement ».

Ainsi, en matière de droit disciplinaire, l’employeur est juge et partie : il peut sanctionner le salarié « à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif » (Code du trav., art. L. 1331-1). En effet, « Il ne faut pas retirer à l’employeur, dans une entreprise privée, la possibilité de sanctionner le manquement par des salariés à leurs obligations ». Dans une société démocratique, où s’applique le principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens, une personne se voit reconnaître le droit de sanctionner, jusqu’au licenciement, de façon unilatérale, une autre personne.

Des normes perturbantes

À côté des lois Auroux, plusieurs ordonnances ont été adoptées. Parmi celles-ci figure l’ordonnance du 16 janvier 1982. Avec ce texte, s’inspirant d’un accord interprofessionnel de 1981 sur la durée du temps de travail, les employeurs obtiennent la possibilité de calculer la durée du travail sur l’année, par le biais d’accords dérogatoires. Bouleversement majeur fragilisant l’ordre public social : des accords collectifs de droit privé vont être licites bien que leurs contenus soient moins favorables aux salariés que la loi. Les salariés obtiennent en échange la 5e semaine de congés payés et une réduction de la durée légale du travail à 39 heures « pour atteindre l’objectif d’une durée hebdomadaire de trente-cinq heures en 1985 »9Loi du 6 janvier 1982 : « la semaine le travail devant être progressivement réduite pour autant que l’augmentation de la productivité et les autres facteurs entrant en jeu le permettent »..

En matière de droit disciplinaire, l’employeur est juge et partie. En effet, « Il ne faut pas retirer à l’employeur, dans une entreprise privée, la possibilité de sanctionner le manquement par des salariés à leurs obligations ».

La possibilité de conclure des normes conventionnelles moins favorables que la loi pour les salariés, en écartant le principe de faveur, en particulier en matière de temps de travail, va s’intensifier avec les lois Delbarre (1986), Séguin (1987), Balladur (1993), puis continuer en prévoyant la primauté de ces accords sur la loi, devenue supplétive, avec les lois Larcher- Fillon (2004), Sapin (2013), Rebsamen (2015, représentation du personnel), Valls-Macron (2015, repos dominical), Valls-El Khomri (2016, temps de travail), Macron (2017, représentation du personnel, etc.).

Des accords collectifs de droit privé vont être licites bien que leurs contenus soient moins favorables aux salariés que la loi

Cette production conventionnelle de branche et, surtout, d’entreprise ignore trop souvent les droits humains, notamment le droit de mener une vie familiale normale. Des accords conclus s’avèrent illicites au regard du droit applicable (national, européen et international). Des clauses de ces accords sont invalidées par le juge quand il est saisi (notamment par des organisations syndicales non-signataires), en particulier au regard de la santé au travail. En l’absence de contentieux, les accords collectifs illicites produisent leurs effets au détriment des salariés couverts par ces accords 10Exemple : les accords de branche sur le travail à temps partiel autorisant des avenants temporaires individuels (discrimination indirecte à l’encontre des femmes, CJCE. et au profit des dirigeants et des actionnaires.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.