SCIERIES PYRÉNÉENNES : RECUL DU GROUPE FLORIAN
Les Pyrénées ont eu chaud. Mais le collectif Touche pas à ma forêt (TPMF) a réussi, grâce à la citoyenne remarquable mobilisation de quelque 3 500 citoyens, à faire reculer le groupe Florian, spécialisé dans la scierie industrielle, qui comptait tout simplement transformer les Pyrénées en vaste gisement de biomasse, au détriment de l’équilibre économique et écologique d’une région boisée, et ce à partir du site de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées. Les communistes avaient lancé l’alerte par la voix d’un de leurs élus. L’écologie, vue par les multinationales, « c’est, dans ce cas précis, un quasi-écocide », ont-ils fait remarquer. Face à d’autres projets qui sont conçus sans aucune concertation citoyenne, ils ont déclaré dans un communiqué du 18 août 2022 : « Brûler du bois pour faire de la vapeur d’eau et produire de l’électricité, rien de plus absurde pour rejeter des millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. » Affaire à suivre.
EAU : LE FEU AU LAC
L’été n’a pas été secoué que par les feux de forêts, il l’a été aussi par les dégradations de stockages d’eau, comme en Vendée, où deux réserves agricoles furent dégradées en août, ou en Ardèche, où 400 m3 d’eau furent volés… pour ne citer que ces deux faits divers révélateurs de la crise. Autant dire que la question de la gestion de l’eau est un enjeu majeur des décennies à venir, au même titre que sa nécessaire inclusion dans les missions de service public d’un État qui se veut de droit. L’actuel OPA des grands groupes de pression qui organisent la concurrence et les tensions autour de l’utilisation de l’eau finit par embraser le paysage, en France comme ailleurs. Quand on découvre que le montant des dividendes pour les actionnaires de Veolia a augmenté de 30 % de 2020 à 2021 pendant que son P-DG, Antoine Férot, s’offrait 2 millions par an de rémunération, on peut être sûr que son objectif d’optimisation maximale des profits est en contradiction totale avec une urgence que seule une reprise en main publique des leviers de gestion de l’eau pourrait faire évoluer favorablement.
L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EN QUESTION
Qui dit artificiel ne dit pas forcément humain, même si ce sont les humains qui sont à l’origine de cette nième révolution des méthodes permettant une rapidité fulgurante des créations et des productions, quel que soit le domaine. Le licenciement d’un employé de Google le 22 juillet 2022 pour avoir enfreint la politique de sécurité de la firme a révélé, comme l’a exprimé l’ingénieur physicien et philosophe Alexei Grinbaum dans le journal le Monde, les dangers de la manipulation au travers des effets d’illusion qui finissent par créer une confusion entre le réel et le virtuel. Dans ce contexte, le modèle appelé « LaMDA écrit du texte, et cela suffit pour la projection de traits humains ». Le sujet est tellement brûlant que la Commission européenne a demandé au CEA de rendre début 2023 une série de recommandations après avoir analysé les problèmes éthiques posés par cinq technologies, dont celle du traitement du langage et de la réalité virtuelle.
DES « JUMEAUX » POUR LE CLIMAT
Changement climatique oblige, la NOAA (agence gouvernementale états-unienne responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère) a demandé à deux entreprises, Nvidia et Lockheed Martin, de l’aider à créer une simulation jumelle numérique des modèles météorologiques et climatiques de notre planète. La mise au point du prototype, baptisé Earth Observation Digital Twin (EODT), est prévue pour septembre 2023. Selon Peter Messmer, directeur du groupe HPC Developer Technology à Nvidia, le jumeau numérique de la Terre « comportera une fusion de données de capteurs, de données architecturales et de données déduites par l’IA, le tout combiné à diverses capacités de visualisation déployées dans le cloud et sur diverses stations de travail ».
Précisons qu’un jumeau numérique est une représentation virtuelle dynamique d’un objet qui permet des analyses, des simulations ou des prédictions.
LES ARTICLES SCIENTIFIQUES ETATS-UNIENS BIENTOT EN ACCES LIBRE
C’est clair, toute étude financée par des fonds publics sera publiée librement. Pour certains éditeurs, comme Vox, l’arrivée d’une telle mesure n’est pas très bien vue. Ces derniers considèrent qu’ils fournissent un service précieux ; c’est leur argument pour expliquer leurs tarifs, souvent élevés. En 2019, les contribuables américains dépensaient près de 140 milliards de dollars par an pour soutenir la recherche. Selon le gouvernement états-unien, une telle somme justifie bien le fait de rendre publics les résultats de ces études.
Cette mesure est attendue par la communauté scientifique, les instituts de recherche, les universités et, plus largement, les chercheurs contestant le processus de publication des articles scientifiques ainsi que les conditions pour avoir accès à leur contenu.
UN REACTEUR COREEN EXPLOSE LES COMPTEURS
Des scientifiques coréens ont réussi un coup de maître, stabiliser un plasma à 100 millions de degrés Celsius pendant 30 secondes. Cette performance, réalisée dans un réacteur à fusion nucléaire KSTAR (Korea Superconducting Tokamak Advanced Research), permet à la recherche de renforcer une piste encourageante tant dans la course au remplacement des énergies fossiles que du nucléaire à son stade actuel de développement. Contrairement à la fission nucléaire qui consiste à faire éclater un noyau d’atomes lourds pour créer de l’énergie (comme les bombes atomiques), la fusion nucléaire assemble deux noyaux pour libérer de l’énergie propre, sans gaz à effet de serre et non radioactive. La procédure nécessite une chauffe à plus de 10 millions de degrés Celsius des éléments atomiques, ce qui est enfin possible. La fusion nucléaire n’est donc plus une utopie.
Les réacteurs à fusion par confinement magnétique se trouvent en Asie (JT-60, KSTAR, ITER), aux États-Unis (Doublet ou DIII-D) et en Europe (Tore Supra, Asdex, JET).
CREVASSE EN VUE POUR LE SKI
L’accumulation des crises climatique et énergétique met l’activité des stations de ski en péril. Ainsi, en France, environ 70 % des stations d’hiver renégociaient leur contrat triennal avec les fournisseurs d’énergie en automne. Parmi elles, la station de Villard-de-Lans, dans le massif du Vercors (Isère). « Nous sommes dans l’incapacité de signer un nouveau contrat avec EDF au vu des propositions qui nous sont faites », annonçait d’emblée Sébastien Giraud, le directeur général de la régie des remontées mécaniques de la station. En effet, la trop forte augmentation du prix de l’électricité crée une situation explosive dont beaucoup de stations ne se remettront pas : le prix du mégawattheure, de l’ordre de 55 € l’année dernière, s’affiche désormais entre 800 et 1 000 €. Les négociations ont permis de limiter les dégâts pour la saison 2022-2023, mais la tendance devrait obliger à autre chose que des adaptations de circonstance. Malgré cela, le journal le Figaro est toujours optimiste même si « les dix millions de touristes vont toutefois devoir dépenser plus… ». Dit simplement, la fracture sociale prendra, en la matière, l’allure d’une crevasse.
UNE NOUVELLE MEDAILLE FIELDS FRANÇAISE
C’est un jeune mathématicien français, Hugo Duminil-Copin, professeur à l’IHES et à l’université de Genève, qui a décroché la timbale en obtenant la médaille Fields au Congrès international des mathématiciens, début juillet 2022, à Helsinki. Il partage cet honneur avec June Hu, de l’université de Princeton, James Maynard, de l’université d’Oxford, et Maryna Wiazovska, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Il est récompensé « pour la résolution de problèmes de longue date dans la théorie probabiliste des transitions de phase en physique statistique, en particulier en dimension trois et quatre ». Ce champion de l’excellence a aussi le sens du partage des connaissances dans sa pratique communicative. Selon Geoffrey R. Grimmett, professeur à l’université de Cambridge : « Ses nombreuses contributions à la théorie des phénomènes critiques ont permis de répondre à des questions posées de longue date et d’une grande importance, et ont ouvert de nouvelles voies de recherche. »
DU PROJET TONGA AU VOLCAN MONOWAI
Les 29 chercheurs qui ont sillonné le Pacifique entre Nouméa et l’arc volcanique des Tonga, du 1er novembre au 5 décembre 2019 à bord de l’Atalante, navire de la flotte océanographique française opérée par l’Ifremer, ont ouvert un champ de découvertes en boucle. Dans leur musette, l’activité du Monowai, le volcan sous-marin de Nouvelle-Zélande. « Les études bathymétriques ont mis en évidence d’importantes variations de profondeur du sommet du cône », relève le magazine (en ligne) Futura Planète. Cerise sur le gâteau, il ressemblerait à l’Œil de Sauron. De quoi alimenter les imaginations certes, mais aussi faire comprendre que nous ne vivons pas sur un nuage.
Précisons que le projet Tonga fédère plus de 90 scientifiques issus de quatorze laboratoires français basés en métropole et en Nouvelle-Calédonie, de six universités internationales et du laboratoire d’océanographie de l’Institut de la mer de Villefranche-sur-Mer (CNRS-Sorbonne Université).
LA RADIOTHÉRAPIE DÉMULTIPLIE L’ESPOIR
L’Institut Curie s’est allié au groupe Thales pour réaliser Flash. Il s’agit d’une machine, la première, de radiothérapie par électrons à très haute fréquence qui devrait permettre de détruire les cellules tumorales en moins d’une seconde ; elle serait un outil efficace pour traiter des cancers tels que celui du pancréas. Flash est le résultat d’un travail collectif encourageant, selon le syndicat CGT de Thales, qui s’est battu depuis plusieurs années au sein du Conseil national de l’industrie pour la réindustrialisation de la France. Le syndicat a pris très tôt toute sa part dans cette démarche autour de l’imagerie médicale. C’est ainsi que, après un travail intense d’explication, d’analyse et de propositions, un projet structurant concernant l’imagerie médicale a été inclus dans l’avenant au contrat de filière Industries et technologies de la santé 2021-2022. Concrètement, cela devrait impacter positivement l’activité avec un effet boule de neige : à Châtellerault pour une alternative à la numérisation destructrice d’emploi et génératrice de mal-être, à Pont-Audemer pour lutter contre la délocalisation à bas coût, à Chatou et Méru dans le cadre de la promotion de l’avion « vert » électrique et des modes de mobilité écologiquement responsables.
UN LOINTAIN OCÉAN « EUROPÉEN »
L’annonce d’une nouvelle possibilité de trouver des « petits hommes verts » sur une planète proche de notre bonne vieille Terre émoustille la presse déchaînée. En effet, une des lunes de Jupiter, Europe, est recouverte d’une couche de glace de 15 à 25 km d’épaisseur, laquelle est censée recouvrir un océan dont la profondeur serait de 60 à 150 km.
À qui doit-on cette annonce ? Entre autres à une équipe de scientifiques qui a présenté son travail à la Goldschmidt Conference de 2020, organisée par l’Association européenne de géochimie (EAG). L’hypothèse d’une couche de neige sous-marine est avancée. Nous en sommes encore au stade des hypothèses qui stimulent l’imagination, mais comme il n’y a pas de fumée sans feu il n’y a pas non plus de recherche sans résultats. Elles font bondir le cadre de notre connaissance de l’Univers et, dans le même temps, influencent la perception que nous avons de notre environnement.
ETEX MAZAN EN GRÈVE D’ÉTÉ
Basé en Belgique, le groupe Eternit Etex (ex-Ciments Lafarge) est à la tête de plusieurs filiales internationales spécialisées dans la fabrication d’éléments de plâtre dans la construction. Il emploie 11000 salariés. À l’appel de la CGT, des salariés d’une de ses filiales françaises, Etex Mazan, dans le Vaucluse, se sont mobilisés : une grève a commencé le 26 juillet 2022 pour réclamer des augmentations de salaires et défendre leur outil de travail. Rémy Julien, délégué CGT, a fait le point : « Actuellement chaque salarié génère 2147 € par mois de dividende pour les actionnaires. » Il justifie ainsi la demande d’augmentation de 100 € nets par mois pour les 66 salariés de l’entreprise. Et de poursuivre : « Les gens ont peur pour leur avenir, pour leurs salaires, pour leur vie professionnelle parce qu’ils n’arrivent plus à finir le mois. Ce n’est pas normal de nos jours de devoir choisir de payer la cantine de son enfant ou de manger le midi alors que l’entreprise fait 35 à 40 millions d’euros de résultats nets par an. Donc on a fait les comptes, et on demande juste ce qui nous est dû. »
Une réflexion sur “BRÈVES (n°37)”