Dossier « Droites extrêmes », Cause commune, no 31, novembre-décembre 2022, 10 €
Le combat contre l’extrême droite apparaît comme une priorité, alors que nombre de nos contemporains semblent s’assoupir devant sa progression lente mais sûre. Et comme tout adversaire, il importe avant toute chose de chercher à le connaître et à comprendre son fonctionnement. C’est ce à quoi propose de contribuer le dossier de ce numéro.
« Crise de régime », Économie & Politique, no 812-813, mars-avril 2022, 11 €
Les institutions telles que nous les connaissons sont en crise, et ce par la défiance des électeurs, mais aussi parce qu’elles ne sont aujourd’hui plus en capacité de répondre aux besoins du plus grand nombre. Le dossier de ce numéro propose plusieurs textes permettant de mieux appréhender la notionde « crise de régime » et de réfléchir à ce qui doit être mis en œuvre pour nous permettre d’en sortir.
Il y a exactement trente ans, la Pensée publiait un dossier « Bourgeoisie, qui es-tu ? », coordonné par Jean Lojkine. Les questions alors posées trouvent une actualisation dans ce nouveau dossier, intitulé « Le pouvoir discret de la bourgeoisie », au regard des évolutions importantes intervenues en quelques décennies dans le système capitaliste avec, notamment, l’accroissement de la financiarisation et de la mondialisation, les privatisations et l’essor du numérique.
« L’école et son dehors : quels savoirs pour quelle égalité ? », Carnets rouges, no 25, mai 2022, 8 €
Ce numéro interroge les rapports entre l’école et son environnement, à la fois parce que cela permet de comprendre que les enfants, du fait du milieu dont ils sont issus, ne sont pas égaux à l’école, mais aussi parce que nous avons besoin d’interroger les liens avec le monde extérieur à l’école, parfois vecteurs d’inégalités supplémentaires.
L’Élégance des molécules JEAN-PIERRE SAUVAGE HumenScience, 2022, 144 p.
L’auteur, prix Nobel de chimie 2016, nous propose un petit livre très agréable à lire, fort utile pour comprendre le monde de la recherche, l’usine à connaissances de l’humanité, et surtout son fonctionnement : les motivations des chercheurs, les rôles de la curiosité, du hasard, de l’émulation, de la coopération, de l’acharnement, ses aventures, ses frustrations et ses joies. Il s’agit certes de recherche expérimentale dans le domaine de la chimie de synthèse (l’obtention de molécules aux propriétés et structures nouvelles), mais ce type de fonctionnement (souvent mal compris de ce qu’on appelle le grand public, mais aussi de maint politicien mal avisé) est général. Une molécule est un agrégat stable d’atomes (plutôt d’ions). Cela a l’air assez fade, mais la stabilité implique des contraintes strictes sur les interactions électromagnétiques entre les divers composants (n’est pas molécule qui veut !). Voilà pourquoi la chimie de synthèse s’apparente dans ses motivations, ses méthodes et ses ambitions à la physique, à l’ingénierie, aux mathématiques, et surtout à la biologie : l’un des grands problèmes que l’on cherche à comprendre est la photosynthèse, la captation de l’énergie lumineuse abondamment reçue du soleil par les plantes vertes, l’une des clés de la vie. On est loin de tout comprendre, encore plus de le reproduire artificiellement ; cela dit, les progrès sont fantastiques, mettant en œuvre des nouvelles molécules de complexité inattendue par leurs structures (anneaux entrelacés… et j’en passe) et, surtout, par ce qu’on pourrait appeler leur mode de vie : certaines sont dynamiques, véritables moteurs rotatifs, ou machines-outils moléculaires : « La voiture moléculaire de Feringa ou notre compresseur ne sont rien d’autre que des cousins artificiels des protéines qui peuplent le règne du vivant, à ce détail près qu’ils en constituent des ersatz encore très primitifs » (p. 133). Mais les commentaires de Sauvage dépassent largement ce cadre et constituent une saine et autorisée prise de conscience du véritable statut de la chimie, et de la science en général : « La science a jusqu’ici sauvé bien davantage de vies qu’elle n’en a détruit. Pourquoi en serait-il autrement demain ? » (p. 130). Ce livre est un bijou de bon sens et de rectification de malentendus. EVARISTE SANCHEZ-PALENCIA
Cyber-révolution & Révolution sociale IVAN LAVALLÉE Le Temps des cerises, 2022, 398 p.
En 2002, Ivan Lavallée et Jean-Pierre Nigoul publiaient Cyber-Révolution chez le même éditeur, Le Temps des cerises. Vingt ans après, tout en remaniant complètement l’écriture et le contenu du précédent ouvrage, Ivan Lavallée a repris la tâche, car bien des événements scientifiques se sont produits au cours des deux dernières décennies. Cyber-révolution & Révolution sociale comprend deux parties. Dans la première, l’auteur expose sa conception de l’histoire des sociétés, qu’il reprend de Marx et d’Engels. Lavallée est marxiste et, de façon pédagogique, il cherche à faire comprendre les traits essentiels de la théorie structurant sa pensée. Sa thèse, dont la référence fondatrice se trouve dans le Manifeste du parti communiste (1848), est que les sociétés humaines sont des sociétés de rareté ; il faut chercher dans l’évolution des forces productives, matérielles et humaines, et dans le travail qui les met en œuvre au sein de rapports sociaux donnés le secret de toutes les sociétés. La cyber-révolution est la plus récente étape de cette histoire. La seconde partie reprend les développements de la première et les précise en montrant les particularités de la cyber-révolution. Celle-ci porterait en elle la possibilité d’un changement radical par rapport à toutes les révolutions précédentes des forces productives. Ce ne serait donc pas seulement une révolution supplémentaire, car, d’une part, elle ouvrirait les portes de l’abondance et, d’autre part, elle tendrait à inverser la hiérarchie observée jusqu’à nos jours entre les forces productives matérielles, dominantes, et les forces productives humaines, subordonnées. Conformément à la théorie marxiste, cette perspective ne s’imposera pas d’elle-même. L’observation des faits permet de le confirmer : il faudra lutter, nous dit l’auteur, contre les classes dirigeantes du capitalisme à l’époque de l’impérialisme, et les éliminer, pour qu’il en soit ainsi. Le concept fondateur du paradigme marxiste est le travail. Il n’est donc de révolution fondamentale que du travail. À cet égard, la révolution contemporaine des forces productives est une révolution à deux dimensions. La première concerne les « machines ». En effet, les machines-outils industrielles de l’époque industrielle en cours d’achèvement furent ou sont des moyens déterministes, pour reprendre un terme employé par Francis Velain. Ces machines-outils ont créé le travail industriel. Les machines d’aujourd’hui – dont l’ancêtre est la machine universelle de Turing (1936) et dont la forme actuelle est l’ordinateur – concernent d’autres secteurs que celui de l’industrie. Elles ont pour effet d’universaliser et de mettre en cohérence l’ensemble des fractions du travail social tout en les transformant séparément. La cyber-révolution est donc, notamment, et cela par l’intermédiaire des machines universelles, une révolution de toutes les formes de travail, de tout le travail : industriel ou de service ; marchand ou non marchand ; de production, de consommation ou de distribution ; à finalité civile ou militaire ; matériel ou non matériel. La machine-outil industrielle a engendré la classe ouvrière. La cyber-révolution est en train d’engendrer la classe des travailleurs. Mais cette cyber-révolution est aussi une révolution dans les méthodes de pilotage du travail. En effet, dès lors que le travail est « universalisé » par les machines, il peut être conduit de manière à la fois générale et particulière. Ces méthodes ont pour nom la « cybernétique », née en 1948. Il a fallu un peu plus d’un demi-siècle pour que ces deux segments de l’intelligence humaine, la machine universelle de Turing et la cybernétique de Wiener, soient développés et de plus en plus mis en cohérence (1970) pour que prenne forme aujourd’hui une cyber-révolution totale, appelant pour fonctionner correctement et délivrer toutes ses potentialités, une révolution sociale correspondante. De nombreuses questions peuvent alors être soulevées. La révolution en cours serait-elle, comme l’a prétendu Paul Boccara et comme cela est repris dans Économie & Politique, « une révolution informationnelle » ? Ivan Lavallée ne le pense pas. La classe ouvrière disparaîtrait-elle du fait de la cyber-révolution ? L’ouvrage d’Ivan Lavallée suggère qu’elle est certainement, par elle, profondément transformée sans que cela fasse disparaître son originalité au sein de la classe des travailleurs. Pour ma part, je tendrais à expliquer le réformisme contemporain par l’incidence mal contrôlée, au plan théorique et politique, de la cyber-révolution sur la gestation de la classe des travailleurs et sur ce qui a pu ou peut en résulter sur la classe ouvrière industrielle. Ce livre vaut vraiment la peine d’être lu et réfléchi. JEAN-CLAUDE DELAUNAY
L’Odyssée des gènes ÉVELYNE HEYER Flammarion, coll. Champs Sciences, 2022, 376 p.
Après Une histoire de l’homme en 2017 et On vient tous d’Afrique ? en 2019, Évelyne Meyer, professeure d’anthropologie génétique au Muséum national d’histoire naturelle, récidive en nous embarquant pour une odyssée traçant, grâce à l’ADN, l’histoire de l’humanité. L’autrice réfute l’idée d’une évolution linéaire des conditions d’apparition de l’homme sur la Terre, le mot apparition étant d’ailleurs insuffisant pour décrire les conditions d’une évolution où les processus de mutation sont parfois logiques ou, d’autres fois, dus à de purs hasards. Le résultat ? Du point de vue de l’ADN, nous sommes tous identiques à 99,9 % et proches des grands singes à 98,8 %, sachant aussi que, pour l’instant, rien ne remet en cause ce dont nous nous doutions déjà : l’aventure humaine est née en Afrique. L’autrice nous met en garde contre les vérités révélées, le travail des scientifiques étant fait pour enrichir la connaissance de nos origines et des modes opératoires de nos comportements et, dans le même temps, pour être dépassé quand de nouveaux indices enrichissent ou infirment une thèse dont la durée de vie est nécessairement aléatoire. Parce qu’Évelyne Heyer sait séduire notre curiosité, nous nous laissons bercer par le récit de la randonnée de cet humain particulièrement agité qui a envahi la planète, passant de quelques centaines d’exemplaires à huit milliards aujourd’hui, avec toutes les problématiques qui nous obligent à nous protéger contre nous-mêmes. Elle finit par un clin d’œil volontariste et optimiste : « En 2100 naîtra le premier homme pouvant vivre 140 ans » tout en affirmant que « les sociétés les plus égalitaires sont celles où les humains sont en meilleure santé ». Les scientifiques ont souvent du bon sens. Elle nous le confirme. YVON HUET
Vos articles sont vraiment magnifiques