Livres (N°21)

Le Spectre d’Atacama
ALAIN CONNES, DANYE CHÉREAU et JACQUES DIXMIER, Odile Jacob, Paris, 221 p.

spectreConseil de lecture? Coup de coeur ? Est-ce bien la place ici ? Je veux simplement dire combien j’ai apprécié la lecture du livre. Roman d’aventure, avec de fortes nuances de roman policier, de roman de science-fiction, et surtout ode vibrante à la science, à la recherche et aux chercheurs, aux mathématiques, à la musique à la physique et à l’astrophysique. On voyagera de l’anneau du CERN sous la frontière franco-suisse jusqu’au désert d’Atacama et son observatoire de l’Alma, mais aussi, bien plus au sud du Chili, avec un suspens garanti. Tout en traversant quelques espaces de Hilbert, on peut s’interroger sur le suspens de l’hypothèse de Riemann. L’accompagnement, chant vibrant à partir de l’oeuvre d’Olivier Messiaen, et particulièrement du Quatuor pour la fin du temps, se joue en contrepoint avec une très discrète présence de l’oeuvre du mathématicien Alexandre Grothendieck, mais pour nous lecteur, il s’agit du contenu philosophique, voire poétique, profond : les mathématiques aussi sont bien là, comme horizon des chercheurs et de leurs aventures, mais ne « perturbent » pas du tout la lecture, c’est juste une vibration, un spectre qui s’étend sur tout ce captivant roman. Cette lecture m’a incitée à lire le Théâtre quantique, roman des mêmes auteurs publié quatre ans auparavant et que je n’avais pas « osé » aborder à l’époque, mais l’ordre inverse de lecture se supporte bien dans toutes les combinaisons de reconstruction du temps. On approfondira presque facilement, et on retrouvera la même verve et le même enthousiasme en écoutant quelques cours, destinés au grand public, d’Alain Connes sur Internet. Chacun trouve ou pioche à son gré, à son rythme, selon ses capacités, comme dans ce roman étonnant. La musique, l’histoire des sciences, la recherche, tout contribue à rendre ce roman totalement passionnant.
FRANÇOISE VAROUCHAS


 

Comprendre sans prévoir, prévoir sans comprendre
HUBERT KRIVINE, Cassini, Paris 2018, 136 p.

bouquinCe nouveau livre fait partie de la série de publications d’Hubert Krivine – bien connu du lectorat de Progressistes – traitant avec grandes simplicité et pertinence des questions touchant à la nature de la connaissance scientifique, mises d’actualité par les avancées de découvertes récentes, souvent très mal servies par une presse superficielle et tapageuse. La première partie (« Comprendre sans prévoir ») porte sur une description de la causalité. Le point central consiste à faire comprendre que la connaissance des mécanismes en jeu dans un phénomène évolutif n’implique pas nécessairement la prévisibilité indéfinie de son évolution. C’est le fameux chaos déterministe, que Krivine explique à l’aide de l’exemple du « billard de Sinaï », pour revenir finalement sur la causalité, mais surtout sur sa mise en œuvre pratique. La seconde partie (« Prévoir sans comprendre ») s’inscrit bien plus que la première dans l’actualité des big data et dans le combat rationaliste contre le discours abusif et fallacieux sur la fin de la science en tant que telle et son remplacement par le traitement par ordinateur d’énormes statistiques. L’auteur traite des questions telles que « corrélation n’est pas causalité », les biais d’échantillonnage, l’échec évident et compréhensible de la traduction automatique ou encore la différence entre les neurones (au sens biologique) et les circuits informatiques dits « neurones informatiques », mettant en évidence leurs différences fonctionnelles et le caractère des possibilités qu’offrent les uns et les autres, dissipant des amalgames injustifiés et absurdes. Un petit livre à lire en se laissant aller à une réflexion personnelle.
EVARISTE SANCHEZ-PALENCIA


 

Les Références de temps et d’espace. Un panorama encyclopédique de leur histoire, présent et perspectives
CLAUDE BOUCHER (dir.) avec le concours de PASCAL WILLIS, Hermann, Paris, 2017, 476 p.

bouqdeuLes références servent à exprimer des coordonnées d’espace et de temps de la façon la plus efficace. L’ouvrage, coordonné par Claude Boucher, président du Bureau des longitudes, et dont les contributeurs sont les meilleurs spécialistes français en la matière, offre un panorama de ces questions en les abordant sous l’angle historique, puis en en décrivant de manière très pédagogique les conceptions contemporaines, avant d’envisager les perspectives de leur évolution. La première partie présente ainsi les progrès historiques de la connaissance de la figure du monde, des mouvements de la Terre et de son orientation, de la mesure du temps et des premiers catalogues d’étoiles. La création des premiers observatoires, puis les expéditions astronomiques et géodésiques ainsi que les progrès des instruments et des horloges font progressivement apparaître l’aplatissement de la Terre aux pôles ou l’irrégularité de la durée du jour. La deuxième partie aborde la science sur laquelle reposent les notions contemporaines sur les références, dont la relativité générale forme le cadre théorique. Les horloges atomiques permettent des mesures de temps qui en valident les prédictions. Les échelles de temps sont réalisées en comparant plusieurs centaines de telles horloges. La rotation de la Terre est précisément modélisée et observée, et permet de lier le repère céleste, attaché aux quasars depuis la fin du xxe siècle, au repère terrestre, réalisé au niveau du millimètre par les techniques de la géodésie spatiale. Les références contribuent à des applications scientifiques de haute précision, comme les tests de physique fondamentale, le suivi des sondes spatiales ou celui des satellites artificiels. Parmi ceux-ci, les satellites d’altimétrie mesurent la hausse du niveau des océans liée au changement climatique, tandis que les systèmes de navigation rendent des services quotidiens en fournissant une position en tout point de la Terre.
JONATHAN CHENAL

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.