PME : Pourquoi tant de difficultés ?, Yves Dimicoli

PME : Pourquoi tant de difficultés ?, Yves Dimicoli

n9_PME_Dimicoli

Alors qu’en 2012, 61 294 entreprises ont fait faillite en France, dont 57 284 PME1 ,cela repart en 2013, avec la récession et le rationnement du crédit bancaire. Ce sont des PME de plus de 50 salariés qui font faillite. Selon la 17e édition du baromètre de KPMG2 et de la CGPME3 (mars 2013), le pessimisme des dirigeants de PME atteint un record depuis la création de cette enquête (mars 2009). Plus d’un tiers d’entre eux estiment que la situation économique française a des impacts négatifs importants sur les conditions d’accès au crédit. Pourtant F. Hollande se félicite de la baisse du coût du travail que vont permettre les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt compétitivité. Il encense l’accord national interprofessionnel (ANI) qui permettra aux employeurs de supprimer plus facilement des emplois, de baisser les salaires, de disposer de main-d’œuvre plus précaire. Il loue la création de la Banque publique d’investissement (BPI) qui, n’interviendra qu’en soutien de « fonds privés », pour des PME « performantes » sur des marchés « en croissance ». Elle devra « corriger les imperfections du marché » bancaire et surtout pas changer les critères du crédit aux entreprises. Loin de permettre aux PME et ETI 4 français de constituer quelque chose d’équivalent au « Mittelstand5 » allemand, cette politique va les affaiblir. Une raison essentielle des difficultés de PME, qui représentent, en France, 56 % de la valeur ajoutée marchande et 66 % de l’emploi marchand, tient à la faiblesse de la demande intérieure avec le chômage, la précarité des contrats de travail, les bas salaires qui minent la demande salariale, tandis que les politiques d’austérité budgétaire dépriment la demande publique. D’autres raisons expriment, plus profondément, leur inefficacité relative par rapport aux PME d’outre-Rhin.

LA FAUTE AUX GROUPES

L’Allemagne a bâti son efficience industrielle, non sur de bas coûts salariaux, mais grâce à des relations entre grands groupes, PME et banques permettant des rapports bien meilleurs qu’en France. En France, il n’existe quasiment pas de relations à long terme construites entre grandes sociétés et PME, sauf lorsque celles-ci sont satellisées par un groupe ou, dans le sillage d’une grande société, partie prenante d’un pôle de compétitivité. Aussi, dès que des difficultés conjoncturelles se font jour, ce sont les PME indépendantes et leurs salariés qui, les premiers, supportent la charge des ajustements. Les grandes sociétés, qui réalisent de plus en plus leur chiffre d’affaires hors de France, canalisent une grande part des 60 milliards d’euros d’aides publiques annuelles distribuées aux entreprises. En France, à la différence de l’Allemagne, les PME à forte croissance, notamment celles que l’on nomme « les gazelles » (entreprises jeunes à forte croissance), disparaissent prématurément, absorbées par de grands groupes. Les grands groupes sélectionnent les PME les plus dynamiques, qui ont 19 % de chances de connaître une restructuration après absorption, contre 3 % si l’entreprise reste indépendante. Tous les efforts des pouvoirs publics, en amont de ces intégrations, comme, par exemple, la multiplication de fonds de capital-risque et de capital investissement, ou l’aide au développement de l’épargne en actions, sans parler des aides directes à la rentabilité (crédits d’impôt, exonérations de cotisations sociales…) constituent ainsi, un subventionnement indirect à la croissance prédatrice et l’écrémage des grands groupes. Les grands donneurs d’ordre pillent aussi les PME par le rallongement des délais de paiement dont la France est championne. Ils sont à l’origine d’un crédit à court terme implicite, le crédit inter-entreprise, qui a pu être évalué à plus de 600 milliards d’euros au 31 décembre 2011, soit environ 30 % du PIB français, contre 14 % en Allemagne. Cette pratique induit un risque d’impayé qui oblige les entreprises exposées à recourir à des assureurs-crédit dont les services coûtent d’autant plus cher qu’ils sont en situation d’oligopole et deviennent de plus en plus sélectifs avec la stagnation de l’économie. Le recours forcé de nombre d’entreprises à l’affacturage accentue la main-mise des grands groupes bancaires. De 1990 à 2005, les PME ont cherché à se désendetter en France. Mais cela n’a pas débouché sur une reprise de leurs investissements matériels. Au contraire, la part de la valeur ajoutée qui leur est consacrée marque une baisse régulière sur la période. Les PME françaises ont utilisé une part croissante de leurs bénéfices pour alimenter leur trésorerie, dans le but « de se prémunir contre les chocs négatifs dans un contexte où les concours bancaires sont difficiles à obtenir ». C’est ainsi, que les liquidités détenues représentaient 13 % du bilan en 2010 pour les PME de l’industrie manufacturière et le commerce, et plus de 16 % pour la construction. C’est dire l’importance d’un changement profond des relations entre groupes et PME avec la transformation des actuels pôles de compétitivité en pôles de coopération et la création, le long des filières industrielles et de services, de pôles publics d’impulsion, acteurs d’une nouvelle politique industrielle visant la sécurisation de l’emploi et de la formation, le redressement productif et la protection de l’environnement.

LA FAUTE AUX BANQUES

Cela exprimerait, aussi, la difficulté des rapports banques PME en France. Les premières détiennent un très fort pouvoir de marché sur les secondes « dans la mesure où elles ne répercutent que de façon différée et partielle les baisses de taux sur les crédits de court terme de plus faibles montants ». Un rationnement du crédit frappe ainsi les PME françaises restées indépendantes, tandis que les plus performantes, une fois absorbées par des groupes, accèdent aux financements mutualisés internes et aux prélèvements de ces derniers. Ce serait là une raison essentielle pour laquelle les PME, en France, tendent à freiner leurs investissements et accumulent de la trésorerie. Cela engendre un vieillissement relatif de leurs capacités productives qui, marchant de pair avec une insuffisance des qualifications des salariés et de l’effort de R&D, contribue à une perte d’efficacité du capital des PME particulièrement sensible en France. En Allemagne, par contre, le secteur public bancaire, avec les secteurs coopératif et mutualiste, domine le marché bancaire. Les banques des Länder détiennent 20 % de ce marché. Ce pays a développé le concept de « banque maison » (hausbank) : les entreprises allemandes entretiennent avec leur banque, souvent unique, des relations suivies de partenariat à long terme. Ce type de relations fait que les faillites sont moins nombreuses en Allemagne et les banques sont moins rentables financièrement qu’en France. Le rationnement du crédit aux PME a pris de l’ampleur en Europe du sud avec les plans d’austérité et malgré les 1 000 milliards d’euros de prêts à trois ans accordés par la BCE aux banques à 1 % de taux d’intérêt seulement. Effectuée sans aucun changement des critères du crédit, cette création monétaire n’a fait qu’encourager la spéculation, au lieu de lever le frein du crédit. En France, les encours de crédit mobilisés par les entreprises résidentes n’ont crû que de 0,1 % pour les PME entre novembre 2012 et février 2013, contre 0,6 % pour les grandes entreprises. Les PME appartenant à un groupe (+0,6 %) paraissent favorisées par rapport aux autres PME (+0,1 %). Sans réforme du système bancaire et des critères du crédit aux entreprises, sans réorientation du système européen de banque centrale et de la politique monétaire de la BCE, ce rationnement perdurerait, accentuant les tendances dépressives de la zone euro, avec la mise en œuvre des règles prudentielles de Bâle III. Elles prétendent inciter les banques à adopter des comportements plus sains et moins risqués que ceux qui ont conduit à l’explosion de la crise financière de 2007-2008 en accentuant leurs besoins de fonds propres relativement aux crédits accordés et, donc, leurs exigences de rentabilité financière. F. Hollande cherche à encourager les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) les plus performantes à aller chercher des fonds sur le marché financier et à développer l’épargne en actions. Pourtant, le lancement, en mai 2005, du marché Alternext débouche sur des résultats plus que mitigés. Surtout, dans l’industrie manufacturière, on constate que la part des capitaux propres dans le bilan des PME françaises a gagné plus de 6 points depuis 2000, à 41,5 % en 2010, soit le troisième plus haut niveau en Europe, après celui des PME belges (50,5 %) et polonaises (48,5 %). Mais cela n’a en aucune façon détendu le crédit, le taux d’endettement bancaire des PME françaises demeurant l’un des plus faibles en Europe, ni amélioré l’efficacité productive des PME et ETI. Les ETI les plus rentables tendent à se tourner vers des « financements alternatifs » désintermédiés encore plus sélectifs, ce qui va accentuer le dualisme déjà si prononcé du secteur PME en France. Autant de fuites en avant avec lesquelles il faudrait rompre, notamment par la création d’un pôle financier public regroupant la CDC, la banque postale, la BPI, les banques mutualistes et des banques nationalisées. Il distribuerait un nouveau crédit, pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, dont le taux d’intérêt serait d’autant plus abaissé, jusqu’à zéro, voire en dessous (non-remboursement d’une partie du crédit) qu’ils programmeraient plus d’emplois et formations correctement rémunérés et de progrès écologiques.

YVES DIMICOLI est responsable de la commission économique nationale du PCF

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.