On ne verra ici aucune grotte d’Ali Baba ni lampe magique, mais il y a un vrai trésor en jeu. Sauf que, cette fois, ce sont les pollueurs qui gagnent…
*JEAN-CLAUDE CHEINET est membre du comité de rédaction de Progressistes.
Tout émoustillé par sa participation à la COP27 au Caire, où il a prôné une décarbonation rapide de l’industrie, Emmanuel Macron a décidé de pousser les industriels français à « doubler le rythme de réduction [des émissions de GES] dans le quinquennat ». Perspective ambitieuse! Et il a médiatisé au mieux cette initiative.
Voilà pourquoi il a invité à l’Élysée les dirigeants des 50 sites industriels les plus émetteurs de GES. Il est vrai que l’industrie en France représente 20 % des émissions de GES et que ces 50-là à eux seuls en représentent 10 %, essentiellement dans la métallurgie, la chimie, la cimenterie et le verre. Mais ils pèsent aussi plus de 30000 emplois dans le pays. Faut-il leur imposer des contraintes de modernisation de leurs installations, d’investissements, ce qui peut obérer les sacro-saintes « productivité » et « compétitivité » ? Faut-il alors produire ailleurs ?
Décarboner à grande vitesse au risque de laisser partir les usines à l’étranger, vers des pays moins regardants sur les rejets et pratiquant un dumping social par des salaires très bas : véritable dilemme. Le président Macron a pensé s’en tirer en s’engageant auprès des industriels à les « convaincre d’investir en France ». Les arguments ne semblent pas relever du domaine des techniques innovantes, des procédés plus performants sur l’hydrogène ou la capture du carbone mais plutôt du domaine financier. Un industriel l’affirme crânement : « Soit on ferme les sites, soit on investit massivement. » Mais ils ne veulent pas régler seuls la facture. Et Macron a promis, selon des participants, de mettre, en aides financières, l’équivalent de ce qu’investiraient ces industriels jusqu’à 10 milliards d’euros. De ce fait, ceux-ci voient leurs capacités d’investissements substantiellement accrues.

Le principe d’une telle action volontariste de l’État peut se concevoir moyennant des contreparties, ce qui distinguera le rôle de chef d’orchestre de l’État des simples cadeaux octroyés sans motifs réels. Or de contreparties, point. Rien sur des contreparties sociales ni sur les localisations dans une perspective d’aménagement du territoire, rien sur la nécessaire protection douanière à nos frontières pour des secteurs industriels fragiles, rien en contreparties environnementales…
Cela peut confiner à l’absurde. Ainsi, depuis longtemps, l’usine ArcelorMittal de Fos-sur-Mer rejette des gaz toxiques au-delà des seuils autorisés (cokerie, hauts fourneaux…) et un temps sans filtre réel : elle a été mise à l’amende par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), mais le préfet a toujours tergiversé et en a retardé l’application avant d’en arriver à une mise en demeure. Acculé, l’industriel a promis de réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, il a fait des propositions d’investissements (projet Odace, bien nommé mais jugé insuffisant par les syndicats). Il en résulte que l’aide actuellement en cours comme celle promise par Macron financeraient le paiement de l’amende autant qu’une modernisation à laquelle ArcelorMittal était condamné : l’État se paie à lui-même l’amende qu’il a infligée! Il est à signaler que la CGT a fait depuis longtemps des propositions de modernisation de l’outil qui diminueraient les risques et les rejets polluants tout en pérennisant les emplois. Depuis quelques décennies, les industriels courtisent les collectivités et l’État en un chantage à l’emploi afin d’obtenir des « aides ». Quant aux sirènes qui justifient profits et propriété privée des moyens de production en invoquant les risques pris par les industriels, l’argument s’effondre. L’État et ses finances (qui viennent de nos impôts) jouent ouvertement le rôle de béquilles du capital, lequel devient parasite.
La politique de Macron comme celle de l’UE vise à faire payer aux peuples la modernisation d’un appareil productif désuet au nom de l’écologie. Le greenwashing remplace la guerre, encore que…