Le président Emmanuel Macron a récemment réaffirmé son souhait de reculer l’âge légal de départ à la retraite pour les générations nées après 1961 à 65 ans (contre 62 ans aujourd’hui), et ce d’ici la fin de son mandat, en 2027. Fait nouveau, le Président, grand seigneur, s’est dit prêt à un « compromis » : si les « partenaires sociaux » consentent à augmenter la durée de cotisations pour ouvrir le droit à une retraite à taux plein, l’âge légal de départ en retraite ne serait repoussé « qu’à » 64 ans. Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit pourtant que le système de retraites serait excédentaire en 2022, et qu’il ne s’éloignerait pas beaucoup de l’équilibre par la suite. Alors, toute réforme des retraites est-elle inutile ? Et peut-on affirmer qu’il n’y a pas de problème de financement des retraites ? Malheureusement non.
D’abord, parce que les prévisions du COR sont, par définition, des estimations… Et que les hypothèses retenues sous-estiment largement la crise économique en cours et anticipent difficilement les changements liés aux différentes crises – sanitaire, climatique, financière, politique, sociales, etc. – que nous vivons. Comme souvent, une partie de la classe politique plaidera qu’une réforme n’est pas nécessaire (« il n’y a aucun problème ») quand une autre plaidera qu’elle est inéluctable (mais seulement au service de la régression sociale). C’est une autre voix qui doit pourtant se faire entendre et s’imposer : celle d’une réforme véritablement progressiste pour financer, entres autres, des pensions dignes avec un départ à 60 ans pour toutes et tous.
Augmenter la part des richesses produites dédiée au financement des retraites devient alors indispensable pour que cette réforme soit possible. Cela suppose de révolutionner notre façon de produire les richesses, et donc une tout autre gestion des entreprises aujourd’hui tournées vers les profits capitalistes pour lui substituer une gestion centrée sur le développement de l’emploi et de la formation des salariés en lien avec les besoins sociaux. Cela passera par un choix résolu d’orientation vers des investissements favorisant la formation, l’éducation, la recherche et le développement scientifique et technique dont notre pays a besoin.
Très loin de la politique économique actuelle qui consiste à perfuser le capital comme l’ont bien montré les chercheurs du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (CLERSE, université de Lille) dans une étude commandée par la CGT1 : avec près de 160 milliards d’euros versés aux entreprises en 2019, quasi sans contrepartie, ces subventions sont devenues le premier poste de dépenses de l’État. Cette ambition exige des luttes dans les entreprises pour que les salariés et leurs représentants reprennent le pouvoir sur l’argent en s’appuyant sur d’autres politiques économiques, des politiques incitant à préserver et développer l’emploi, la recherche, la formation, plutôt que la rapacité des capitalistes (taxation des revenus financiers, modulation des cotisations sociales patronales, crédit bancaire sélectif, etc.).
- Voir « Un capitalisme accro aux aides publiques », l’Humanité, 2 novembre 2022 (https://www.humanite.fr/social- eco/economie/un-capitalisme-accro-aux-aides-publiques-769519).
Une réflexion sur “Une réforme des retraites, oui…mais au service de qui? Fanny Charnière*”