Rachat de la branche nucléaire de General Electrics par EDF : un signal sérieux pour la filière ?

Par Irène Perrin Toinin

Rappel des faits : le ministre de l’économie de HOLLANDE, Emmanuel MACRON avait vendu à bas coût, pour ne pas dire brader, la branche énergie d’Alstom à General Electrics en 2015. Jeudi 10 février 2021, le président MACRON revenait en fanfare à Belfort à la rencontre du PDG de GE, Larry CULP, pour le rachat de GE STEAM Power (partie nucléaire) par EDF pour un montant de près de 1 ,2 milliard d’euros. Il signait le retour de la branche nucléaire de GE dans le giron d’EDF et annonçait dans le même temps le programme de construction des 6 réacteurs EPR2 d’ici 2050 et 8 autres en étude. Ces annonces tiendront-elles dans la durée en étant soumis aux lois du marché ?

Entre temps, le groupe GE STEAM a peu investi, mais, avec l’objectif d’écraser la concurrence, la multinationale a procédé à de lourdes restructurations. La mobilisation des salariés ces dernières années a permis pourtant que le démantèlement du site de Belfort n’aboutisse pas. Reste toute la filière énergie de GE à intégrer dans EDF. Le PDG a laissé entendre une volonté de se délester pour atteindre son objectif de désendettement. Les salariés poursuivaient leur mobilisation en ce mois de février 2022 : tant du côté des représentants du personnel EDF qui ont mis en œuvre un droit d’alerte économique le 4 février afin notamment d’interroger le financement du rachat de STEAM, que du côté des personnels de GE qui s’interrogent sur la séparation de l’activité « vapeur » du reste de la branche énergie de l’entreprise et la viabilité de la structure créée dépendante du lancement du programme français. Ainsi, le syndicat CGT du personnel de GE alerte sur les problèmes posés par l’éclatement de STEAM : la question du devenir de l’activité non intégrée dans le périmètre de rachat et le devenir de ces emplois et du statut des emplois et compétences au sein de GE, dans un secteur qui est amené à se développer avec une demande croissante d’électricité. C’est pourquoi, le syndicat CGT demande la création d’un Groupe d’Intérêt Economique de l’énergie intégrant d’autres équipementiers comme Framatome. L’objectif pour la CGT est « d’engager et de réussir un programme palier de type réacteur type EPR2, en parallèle de la prolongation des réacteurs actuels, pour assurer l’indépendance énergétique de la France, et reconstruire le tissu industriel. ».

Le retour de la branche nucléaire en tant que bien public et les annonces du président MACRON concernant la construction d’EPR2 sont la marque d’une logique de souveraineté nationale en matière de technologies clés et de savoir-faire, notamment liés à la production et à la maintenance de la turbine à vapeur Arabelle indispensable au parc nucléaire. Mais en cette période électorale, la décision de l’accord entre EDF et GE sur le prix de rachat des activités de production et d’assemblage liées aux centrales nucléaires (GEAST) était obscurcie par l’annonce de la ministre de la transition écologique Barbara POMPILI du relèvement du plafond d’électricité nucléaire que EDF doit revendre à prix coûtant à ses concurrents et aux entreprises très consommatrices, dans le cadre de l’ARENH, alors que les prix de vente sont au plus haut sur le marché européen de l’énergie. Il en résulte un manque à gagner évalué à 8 milliards d’euros pour EDF et un affaiblissement majeur de l’entreprise publique, qui se retrouve donc en difficulté pour mettre sur la table les 1,2 milliard d’euros exigés par General Electric pour la cession des activités industrielles liées au nucléaire. Pour la fédération du PCF du Territoire de Belfort, « ce rachat doit au contraire être le point de départ d’un retour en maîtrise publique de l’ensemble de la filière industrielle de l’électricité, avec des engagements précis sur l’emploi, un périmètre élargi à la maintenance, des objectifs de développement écologique et social et une gestion démocratique en rupture avec un étatisme technocratique, avec par exemple un comité de suivi composé de représentants des travailleurs, des citoyens-usagers et d’élus de la Nation. ».

       La crise de production électrique française est liée à l’augmentation des coûts et à l’affaiblissement du réseau. Elle est renforcée par l’adhésion à un marché qui organise la spéculation : on assiste à la hausse des factures d’énergie là où la France avait une électricité parmi les moins chères de l’Union Européenne. Pourtant des propositions sont avancées dans le débat politique qui se déploie dans le cadre de la campagne des élections présidentielles. Ainsi, dans son programme « Le défi des Jours Heureux », le candidat communiste Fabien ROUSSEL propose de s’appuyer sur un pôle public de l’énergie, sur un processus de planification démocratique et un réseau national de distribution garantissant la souveraineté énergétique de la France, l’accès à l’énergie des citoyen.ne.s et des entreprises, et le développement équilibré et écologique des territoires dans le cadre d’un mix énergétique. Cela passerait par la mise en place de « conférences permanentes pour l’emploi, la formation et la transformation écologique de la production ».

       Retenons cette idée de la maîtrise publique de la filière de l’électricité qui dans le contexte de la raréfaction des matières premières et du réchauffement climatique permettra une gestion de long terme déconnectée des cours de la Bourse, respectant l’engagement de production d’électricité décarbonnée et assurant un accès à l’énergie pour tous. Cette vision va à rebours des politiques court-termistes mises en œuvre par EDF depuis les dernières décennies. Cela passe bien sûr par des investissements pour moderniser l’appareil de production, et de dépenses pour l’emploi, la recherche, la formation, et les salaires.

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