C’est un cycle qui se clôt. L’ancien ministre de l’économie de François Hollande, Emmanuel Macron, qui avait bradé la branche énergie d’Alstom à GE en 2015, vient de finaliser la signature du retour de la branche nucléaire de GE dans le giron d’EDF. Que de temps, de compétences, d’argent perdus durant toutes ces années, au prix d’une terrible casse sociale, et par l’absence de vision stratégique industrielle de l’Etat et une capitulation face au marché. Nous saluons à ce titre la bataille qui a été menée par les salariés, ouvriers, techniciens et ingénieurs qui se sont courageusement mobilisés contre le démantèlement annoncé du site de Belfort. Il reste cependant à intégrer toute la filière énergie de GE dans EDF, comme le gaz et le renouvelable : le combat continue !
Mais une déclaration ne fait pas une filière, surtout après des décennies de détricotage et de démantèlement de grands acteurs publics du nucléaire, en premier lieu EDF.
La construction des 6 réacteurs EPR2 futurs actés, et 8 supplémentaire en étude, ne pourra se faire sans retrouver une véritable maitrise publique dans le secteur et sans une vision de long terme de la filière déconnectée des cours de la bourse. Afin de respecter l’engagement d’une neutralité carbone d’ici 2050, ces chantiers sont pourtant essentiels, garantissant suffisamment de production d’électricité pilotable et décarbonnée pour équilibrer le système en parallèle d’un fort développement des énergies renouvelables intermittentes et d’une prolongation du parc existant à 50 ans, 60 ans voir 70 ans pour certains réacteurs, si l’ASN l’autorise et en respectant toutes les garanties de sureté. Cela rejoint le scénario dit « N3 » produit par RTE pour 2050, qui est le plus atteignable.
Si la France à réussi à construire 58 réacteurs en l’espace de 25 ans par le passé, c’est grâce au pilotage d’une grande entreprise publique comme EDF, acteur dans la conception des réacteurs et maitrisant ses chantiers, en partenariat avec de grandes industries comme Alstom et Framatome, avec une vision de long terme et en mutualisant les moyens humains et matériels. Et c’est aussi en s’appuyant sur un tissu de PME industrielles de premier plan, ancrées dans les territoires, avec des salariés formés à un haut niveau et travaillant en cohérence pour un grand projet commun. A rebours complet de la gestion d’EDF court-termiste des deux dernières décennies, caractérisée par une sous traitance poussée à l’extrême, de la conception à la construction en passant par la maintenance, externalisant des métiers stratégiques, sans vision de long terme, avec l’obsession du “moins disant” quitte à importer des pièces dans des pays à bas cout de main d’œuvre à l’autre bout de la planète, au détriment du développement industriel de nos territoires. Les financiers et commerciaux ont hélas remplacé les ingénieurs à tous les étages pour plaire aux actionnaires : c’est cette perte dramatique de savoir faire sur le terrain et de bonne pratique qui a couté cher sur le chantier de Flamanville 3.
C’est de cohérence et de coopération dont la filière a besoin avec EDF 100% public et rétabli dans ses moyens pour investir.
Ainsi il faut cesser au plus vite les ponctions régulièrement opérées par l’État, manière de compenser les cadeaux fiscaux aux plus riches, en considérant l’entreprise publique comme une véritable « vache à lait », l’affaiblissant d’autant. Rappelons également le scandaleux dispositif de l’ARENH qu’il convient de supprimer, l’obligeant à vendre à prix coutant 25% de son électricité à des concurrents privés ne voulant pas assumer d’investir dans des moyens de production : c’est un manque à gagner dont le relèvement occasionne un manque à gagner supplémentaire de 8 milliards d’euros.
Pour la formation si cruciale dans ce domaine : au contraire des réformes désastreuses en cours dans l’enseignement secondaire et supérieur, c’est d’un plan ambitieux notamment dans les disciplines scientifiques dont on a besoin pour former les générations d ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers de demain.
C’est en rétablissant des moyens à des organismes publics comme le CEA, l’ASN et l’IRSN que nous pourrons envisager un nucléaire sécurisé et avec les meilleurs technologies et connaissances, en relançant la recherche avec projet de surgénérateur ASTRID garantissant la fermeture du cycle du combustible.
Aussi le secteur du nucléaire est pénalisé plus que tout autre secteur par le coût du capital : le privé ne souhaitant pas s’engager dans un secteur où l’amortissement de l’investissement initial se fait sur plusieurs décennies, il fait payer le prix fort en se gavant d’intérêts élevés. Il faut d’urgence constituer un pôle public financier avec des banques nationalisées, délivrant des lignes de crédit à très bas taux pour financer les nouveaux réacteurs.
Enfin le développement nécessaire des énergies renouvelables doit se faire avec la préoccupation de construire une filière française de l’éolien et du solaire, ce qui fait encore défaut aujourd’hui. C’est aussi en développant la filière de l’éolien flottant, loin des côtes, permettant de préserver notre littoral.
Au contraire de la vision de Macron, cela ne peut se faire qu’en s’appuyant sur un pôle public de l’énergie, sur un processus de planification démocratique et un réseau national de distribution garantissant la souveraineté énergétique de la France, l’accès à l’énergie des citoyens et des entreprises, et le développement équilibré et écologique des territoires
Au nucléaire version « start-up nation » de Macron : préférons une maitrise publique de la filière !
La rédaction de Progressistes