par Serge VIDAL
Après la motion de défiance votée par les représentants des salariés au Comité social et économique central (CSEC) du CNES, ce sont les élus du CSEC et au Conseil d’administration de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) qui alertent sur la situation de leur organisme.
L’ONERA est un centre de recherche et de développement public ayant pour vocation de soutenir l’industrie, la Direction générale de l’armement (DGA), la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et le Centre national d’études spatiales (CNES) dans les domaines aéronautique, spatial et de défense. L’ONERA a été créé en 1946 sous l’instance de Fréderic Joliot-Curie. L’ONERA a fortement contribué, entre autres, au redressement de l’industrie aéronautique après-guerre, a apporté une contribution essentielle et continue à l’effort de dissuasion depuis les années 60, au développement des technologies clefs au profit d’Airbus, des technologies spatiales pour l’accès et la surveillance de l’espace.
Un financement menacé
La loi de fiance 2022 prévoit une baisse de la subvention étatique pour charge de service public, affectée à l’ONERA. Cette subvention permet les recherches amont, le maintien d’un haut degré d’expertise et les investissements dans les grands équipements. L’ONERA détient un parc de moyens expérimentaux de premier ordre, notamment de grandes souffleries. Ces moyens lourds sont indispensables à la souveraineté nationale et à l’industrie. L’office emploi plus de 2000 salariés dont une majorité d’ingénieurs.
Comme tous les grands organismes de recherche, les financements récurrents sont indispensables pour construire et entretenir le niveau d’expertise requis et disposer des installations adéquates. Il faut du temps et anticiper sur le long terme pour répondre le moment voulu. Ce temps long appelle un soutien qui ne peut provenir que de la force publique et qui est aujourd’hui trop réduit.
L’ONERA contribue aux futurs succès des produits industriels français, en particulier face aux enjeux de décarbonation du transport aérien, de compétitivité économique pour le spatial, de capacité opérationnelle pour les équipements de défense. C’est un outil de filière qui permet de lutter contre la désindustrialisation de la France. Le défi climatique impose au transport aérien d’opérer une mutation majeure vers la décarbonation.
Des effectifs en baisse
Mais cet instrument de la souveraineté nationale, tant de défense qu’industrielle, de renommée mondiale et au meilleur rang de l’excellence scientifique dans ses domaines, fait face à un effectif en baisse permanente depuis maintenant des années. Cette érosion de ses effectifs obère sa capacité à contribuer à ces défis à la hauteur de ce qu’ils exigent et limite gravement sa capacité à préparer le futur. Les projections actuelles montrent un déficit supérieur à 10% en effectif pour être à même de réaliser les activités prévues ou prévisibles.
Toutefois accroitre les effectifs ne résout qu’une partie de l’équation. La recherche appliquée s’inscrit dans le temps long, pour à la fois anticiper les besoins en maitrise technologique future, capitaliser, assurer la continuité et la pérennité de la compétence et exercer l’expertise attendue par la force publique. Aujourd’hui, la dépendance contractuelle est telle que cette préparation de l’avenir est en berne. Pour redresser cette situation, le second levier consiste en un relèvement du niveau de la subvention de l’État pour permettre d’assurer son rôle essentiel pour la souveraineté de demain, et maintenir la disponibilité des installations expérimentales qui feront la différence.
Relever les défis des 30 prochaines années
A l’occasion des discussions du Contrat d’objectif et de performances (COP) pour 2022 à 2026, les représentants des salariés, avec leurs syndicats CFDT, CFE-CGC et CGT, interpellent les élus de la nation pour permettre à l’ONERA d’être à la hauteur des défis des 30 prochaines années.
Ils demandent :
- De replacer la trajectoire des effectifs sur une pente nettement ascendante ;
- D’accroitre le nombre de doctorants afin de renforcer l’effort de recherche amont ;
- De rehausser le niveau de subvention à une valeur d’équilibre permettant de préparer l’avenir tout en gardant une implication effective de l’ONERA aux côtés de l’industrie. Un montant couvrant la masse salariale de l’ONERA assurerait cet équilibre.
Serge Vidal, membre du comité de rédaction de la revue progressistes