COVID-19 : pandémie, traitements, vaccins. Où en est-on fin février 2021 ? Jean-Jacques Pik

Le Docteur Jean-Jacques Pik est Médecin des Hôpitaux – Spécialiste en Médecine Interne, Renfort COVID au GHPSO (Creil), au CH Kourou (Guyane Française) et au réseau des Centres de Vaccination de l’Oise (CPAM/Conseil Départemental). Il fait le point ici sur la situation de la pandémie.

 

Depuis le début de 2020, le monde vit une situation de pandémie liée au Sars-CoV-2, virus appartenant à la famille des coronavirus. Les premiers cas ont été signalés en Chine dans le district de Wuhan fin 2019. La diffusion mondiale semble s’être produite à partir de ce foyer. Le réservoir naturel de ce virus est la chauve-souris, un hôte intermédiaire animal est fortement suspecté. Deux précédentes épidémies de coronavirus ont eu lieu en 2003 et 2009 mais ont pu être enrayées du fait d’une contagiosité moindre de ces souches malgré une mortalité plus forte.

A la date du 24 février 2021, on estime à 3,6 millions le nombre de cas survenus en France depuis début 2020, entraînant 85000 décès directs. La surmortalité 2020 a été estimée à 10% par l’INSEE. Les conséquences indirectes par ralentissement du système de soins des autres pathologies sont probables mais non encore estimables à l’heure actuelle. La mortalité véritablement liée au virus reste inconnue du fait de la dimension inconnue de la diffusion réelle du virus, notamment du fait des personnes asymptomatiques. La plupart des estimations sérieuses de la mortalité réelle se situent autour de 0.7% (certes peu en valeur relative, mais beaucoup de vies écourtées dans la réalité).

Le Sars-CoV-2 est un virus à ARN, revêtu d’une couronne spiculée (d’où son nom…). Les protéines de ces spicules (dites « spike ») ont la propriété d’entrer dans les cellules humaines via un site récepteur dit « ACE2 » très présent dans les muqueuses du nez et dans les poumons, les vaisseaux, le système nerveux.

Le mode de transmission est très majoritairement lié aux gouttelettes expectorées par les porteurs lors de la toux, de l’éternuement et de la parole ou du contact manuel. Une possibilité transmission dit « aérienne » par des microparticules en suspension est probable mais reste difficile à quantifier.

La maladie prend des formes très diverses, très souvent dépourvue de tout symptôme où limitée à un syndrome rhino-pharyngé ou une perte isolée du goût et de l’odorat. Toutefois, dans de nombreux cas, elle revêt une forme plus grave avec une atteinte pulmonaire potentiellement sévère entraînant une insuffisance respiratoire majeure et parfois le décès. Des formes atypiques avec accidents neurologiques, emboliques et cardiaques ont également été décrites. Des complications sévères sont également susceptibles d’intervenir entre le 8ème et le 14ème jour sous forme d’un emballement du système immunitaire (« orage cytokinique »). Au fur et à mesure que les mois passent, des séquelles thoraciques, douloureuses ou neuropsychiques sont observées chez de nombreux patients. En revanche, les réinfections vraies sont très peu nombreuses.

Les facteurs de risque de formes graves sont essentiellement l’âge avancé, le surpoids et le diabète. Toutefois, des cas sévères sont régulièrement décrits même sans facteur de risque. Les enfants développent rarement des formes graves, la grossesse n’entraîne pas de surrisque particulier.

Après la maladie s’installe une phase d’immunité repérable par la présence d’anticorps neutralisants dans le sang pour une durée de plusieurs mois, probablement variable selon la gravité de l’infection initial. Cette immunité « humorale » est complétée par une immunité « cellulaire » portée par les lymphocytes du sang, beaucoup plus difficile à mesurer et dont nous ne savons pas grand-chose.

Il existe aussi une immunité muqueuse « locale », difficilement mesurable en routine et qui est le support de la capacité de la muqueuse nasale à ne pas transmettre le virus.

Aucun traitement curatif de la maladie n’existe à l’heure actuelle, qu’il s’agisse d’antiviraux issus des recherches récentes, ni d’anciens médicaments utilisés pour d’autres affections, ni traitements du « terrain » (vitamines, oligo-éléments). Des essais sont en cours avec des techniques de pointe (antiviraux de deuxième génération, anticorps mono/ou polyclonaux) qui ne pourront probablement pas être généralisées. En revanche, le traitement empirique des complications par corticoïdes, anticoagulants et oxygénothérapie non invasive à très fort débit ont notablement réduit la mortalité hospitalière.

Le diagnostic repose essentiellement sur l’identification du matériel génétique du virus par technique de biologie moléculaire dite Polymerase Chain Reaction (PCR), au mieux sur les sécrétions nasales recueillies par écouvillonage nasal, possible également mais moins fiable sur la salive. Des tests dits «antigéniques», identifiant des antigènes de surface du virus sont disponibles depuis quelques mois, de résultat plus rapidement disponible, mais également un peu moins fiables. Les tests sérologiques sanguins permettent un diagnostic rétrospectif pais n’ont pas d’utilité pour le dépistage. 

L’un des enjeux de ces dernières semaines est l’identification des souches variantes par des techniques de PCR plus pointues (ciblage) ou séquençage détaillé de l’ARN viral. La France est malheureusement en retard sur ses voisins dans ce domaine.

Depuis fin 2020, en effet, des souches porteuses de mutations intéressant la protéine Spike ont été identifiées, principalement au Royaume-Uni (V1), en Afrique du Sud (V2) et au Brésil (V3). L’existence de ces mutations pose la question de la validité de l’immunité acquise par une infection préalable par une infection au virus standard et celle de la validité de l’immunité vaccinale.

Des vaccins ont été mis au point par l’industrie pharmaceutique du monde entier depuis le début de la pandémie. L’OMS a proposé la mise en commun des candidats vaccins sur une plateforme mondiale dite COVAX mais la plupart des vaccins disponibles en Europe ont été diffusés par l’industrie elle-même.

Les formules proposées proviennent de travaux préalables à partir des modèles expérimentés sur les épidémies précédentes de coronavirus mais aussi sur le virus EBOLA.

Tous les vaccins proposés actuellement ont en commun :

  • De réduire très notablement le risque de contracter le virus et surtout de faire une forme grave de la maladie
  • De ne pas supprimer complètement le risque de transmettre le virus car leur efficacité sur l’immunité locale est inconnue.

L’intérêt de la vaccination apparaît donc majeur chez les personnes chez qui le risque de forme grave ou de décès est le plus élevé. Son rôle dans la limitation de la diffusion du virus ne peut pas encore être déduit des données actuelles, il apparaît comme archi-probable mais ne permet pas de se dispenser à court terme des gestes et stratégies barrière.

Un rapide coup d’œil sur les types de vaccins proposés

  • Les vaccins à ARN messager (Pfizer, Moderna) sont une nouveauté technologique mais pas une nouveauté conceptuelle. Ils délivrent les informations nécessaires aux cellules-cibles pour la synthèse de fragments de la protéine Spike. Ces fragments provoquent la réponse immunitaire de l’organisme. Aucune interférence avec le domaine génétique de l’hôte, tout se passe dans le cytoplasme cellulaire et pas dans le noyau. Ces vaccins sont aisés à fabriquer mais difficiles à conserver au vu de leur instabilité (surtout Pfizer). Le premier aperçu sur les effets indésirables ne montre aucun signal inquiétant, sinon une surveillance allergologique de 15 minutes après l’injection et des réactions post-vaccinales classiques et passagères (fièvre, fatique, courbatures). La perte d’efficacité sur les souches variantes semble acceptable sur V1 et V2. Une modification des formules ultérieures sur d’autres variants ne sera pas compliquée si nécessaire.
  • Les vaccins à virus recombinants (AstraZeneca, Spoutnik, Johnson & Johnson) sont également proposés pour la première fois. Ici, on injecte un virus vivant inoffensif (adénovirus du chimpanzé) dont le code génétique a été modifié pour qu’il fabrique la protéine Spike. Efficacité légèrement moindre mais parfaitement acceptable notamment chez les sujets jeunes et d’âge moyen, prix moins élevé, conservation plus simple. Les effets secondaires passagers pseudo-grippaux semblent fréquents, peut-être liés à une réaction au virus vecteur.
  • Les vaccins « classiques » par protéines recombinantes, dont le modèle est le projet SANOFI ont pris du retard car semblent moins immunogènes que les autres techniques. Les résultats préliminaires du vaccin SOBERANA 2, vaccin conjugué fabriqué à Cuba semblent intéressants.
  • D’autres vaccins, dont le Sinopharm chinois utilisent la technique classique des virus inactivés.

Le rythme des vaccinations s’est trouvé fortement impacté par l’approvisionnement réduit début 2021. Les conditions de secret et d’opacité qui ont présidé aux négociations entre l’industrie pharmaceutique et les autorités nationales et européennes rendent impossible le déploiement d’une stratégie vaccinale rapide qui aurait été garante d’une réduction massive de la diffusion du virus et d’un moindre risque d’apparition de variants.

Quelques questions d’actualité 

  • Avoir fait une COVID-maladie permet-il de se passer de vaccination ?

Non car la durée de l’immunité protectrice est inconnue (voir plus haut) et variable d’une personne à l’autre. Les recommandations actuelles suggèrent d’attendre 3 à 6 mois après la fin de la maladie aiguë et de ne faire faire qu’une seule injection au lieu de deux.

  • L’écartement des deux doses doit-il impérativement être respecté ?

Oui, du moins au plus près possible des recommandations optimales (3 semaines pour Pfizer, 4 pour Moderna et AstraZeneca). Toutefois, la première dose ne doit pas être recommencée si la date de la seconde est dépassée. D’autres pays , notamment le Royaume-Uni ont fait les choix d’espacer les doses de façon à vacciner plus de personnes. Le risque théorique de cette politique est d’augmenter les risques de mutation virale chez les vaccinés. L’avenir dira peut-être qui avait raison

  • Faut-il faire un test de dépistage (ou un test sérologique) avant d’être vacciné ?

Nonc’est inutile. Une injection vaccinale si une immunité existe encore ou bien si la personne est porteuse asymptomatique, ne comporte aucun danger.

  • La vaccination permet-elle de se dispenser des gestes barrières ?

NonUne personne vaccinée peut être encore porteuse du virus, surtout au cours de la première semaine après la première dose. Le risque décroît ensuite mais on ne sait pas jusqu’à quel point.

  • Pourra t-on être vacciné chez son médecin traitant ?

Oui sauf avec les vaccins à mARN. Les médecins généralistes volontaires (environ 30000 à ce jour) sont en train de s’organiser dans ce sens. Les vaccins ARN continueront à être diffusés dans les Etablissements de Santé et les Centres de Vaccination.

  • Les vaccins actuels sont-ils efficaces sur les mutants ?

Oui et Non. Il semble acquis que les vaccins à mARN sont efficaces sur V1 et V2 car leur spectre protéique est suffisamment large. Pour le variant V3 et pour les autres vaccins, les données sont insuffisantes pour conclure. Elles semblent aller vers une diminution de leur efficacité in vitro, ce qui ne signifie pas qu’ils soient inefficaces in vivo, réduction d’efficacité ne signifiant pas inefficacité clinique.

  • Les effets secondaires sont-ils fréquents ?

Non, du moins pas plus que pour d’autres vaccins. Aucun signal majeur sur les vaccins mARN. Les décès post-vaccinaux repérés initialement sont apparus comme totalement indépendants de la vaccination. La seule réserve notée jusqu’à présent concerne la fréquence de réactions pseudo-grippales sans gravité avec le vaccin AstraZeneca (voir plus haut), probablement liée à une réaction à l’adénovirus vecteur. Les effets secondaires éventuels doivent être déclarés à tout moment par le médecin ou le patient sur le site de l’ANSM.

  • J’ai entre 65 et 74 ans, sans gros problème de santé connexe. Où puis-je me faire vacciner ?

Joker ! A priori, vous n’avez pas (encore) reçu de fiche d’éligibilité de l’Assurance-Maladie puisque vous n’êtes pas en ALD et vous n’êtes pas dans la cible de l’indication du vaccin A-Z. Il faut attendre…

  • Vaccinera-t-on les enfants ?

Non. Cela n’est pas prévu dans la mesure où ils contractent peu la maladie COVID-19, l’objectif principal de la campagne de vaccination reste de protéger les plus faibles, c’est-à-dire les personnes âgées et les adultes à risque.

Il est impossible de conclure cette note sans évoquer l’actuel dilemme entre les deux conduites sanitaires, sociales et politiques qui sont proposées à nos autorités et que l’on peut résumer dans les deux formules suivantes : « Vivre avec le virus » versus « Zéro COVID ».

 

Toutes les données énoncées plus haut sont consultables sur le site du Ministère de la Santé et des Solidarités, sur le site de la Haute Autorité de santé et de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM). Elle se réfèrent aux données et connaissances disponibles au 24 février 2021.

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