« Un grand général doit savoir l’art des changements. S’il s’en tient à une connaissance vague de certains principes, à une application routinière des règles de l’art, si ses méthodes de commandement sont dépourvues de souplesse, s’il examine les situations conformément à quelques schémas, s’il prend ses résolutions d’une manière mécanique, il ne mérite pas de commander. » Sun Tzu, l’Art de la guerre.
- Dans les pas de l’école soviétique d’échecs
*Taylan COSKUN es membre du comité de rédaction de Progressistes.
L’école soviétique des échecs a développé une conception scientifique de ce jeu1. C’est dire que ses fondateurs se sont donné comme objectifs de :
– analyser tous les aspects du jeu de manière systématique;
– définir des lois générales ou principes à partir de régularités remarquables;
– essayer de résoudre les problèmes posés par des singularités en apparence irréductibles aux principes généraux.
Inévitablement cette démarche rigoureuse pose la question du principe le plus général pouvant unifier l’ensemble du système de principes. Un tel principe décrivant l’aspect le plus général de stratégies gagnantes aux échecs a ainsi été exprimé : c’est celui de la domination.
Ainsi, faire mat aux échecs c’est contrôler toutes les cases où peut se rendre le Roi et attaquer la case où il se trouve coincé. S’il n’a ni la possibilité de fuir ni celle de parer les attaques dont il est l’objet, il est menacé et capturé (échec et mat !). Restreindre les capacités de mouvement de l’adversaire en contrôlant un maximum de cases disponibles directement et indirectement permet d’instaurer la domination.
Quand vos pièces disposent des possibilités de mouvements alors que les pièces adverses sont paralysées et hors jeu, vos pièces dominent les pièces adverses.
La restriction-domination ainsi comprise induit deux questions qu’il faut se poser en permanence quand on joue aux échecs :
– Quelles sont les pièces et les cases vulnérables de l’adversaire que je peux contrôler et attaquer?
– Quelles sont mes pièces « hors jeu » et comment les mobiliser pour améliorer leur efficacité?
Poser ces deux questions permet de générer des idées, c’est-à-dire des « coups candidats » rationnels2, pour choisir parmi les coups possibles le meilleur.
Cette volonté de domination et de restriction des possibilités adverses a été une marque de fabrique de l’école soviétique d’échecs. Le style de la plupart des grands maîtres qui en sont issus a été décrit comme l’étreinte d’un boa constrictor qui étouffe lentement sa proie. Le champion du monde Anatoli Karpov a été le représentant le plus connu de cette école de boas constrictors en herbe. Cela dit, tout principe a ses limites et, comme le dit Sun Tzu, il faut savoir les appliquer de manière non mécanique aux situations concrètes. Alors…
1. Voir « Jeu d’échecs : évolution et révolutions », in Progressistes no 13.
2. Voir « La pensée humaine peut-elle encore rivaliser avec les machines ? », in Progressistes no 17.
PROBLEMES POUR S’EXERCER
Les pièces blanches neutralisent et capturent de façon forcée une pièce noire