Brèves (N°25)

GARE D’AUSTERLITZ: CONTAMINANT AU PLOMB  
À la gare d’Austerlitz, un chantier a été mis en place depuis un an pour retirer le plomb de la charpente métallique et des éléments en bois peints au plomb. Ce chantier a été arrêté net. Les taux de plomb relevés sont 40 fois supérieurs à la normale.
Les mesures effectuées pour la PME spécialisée par un laboratoire indépendant, sous procès-verbal d’huissier, révèlent des taux alarmants, y compris dans des espaces publics, sur les quais, près de la sandwicherie… Ainsi, l’espace confort sous la grande halle révélait, le 19 septembre 2019, un taux de 17 094 μg/m2, alors que le seuil réglementaire est de 1 000 μg/m2. Pour la palissade à côté de la sandwicherie, ce taux est de plus de 25000 μg/m2, et de 37 000 μg/m2 dans la balayette d’un agent de propreté SCNF Gares & Connexions souligne qu’une société sur le chantier « méconnaît de manière grave et répétée ses obligations contractuelles ». C’est l’entreprise même qui s’est résolue à signaler les dysfonctionnements.
Après l’incendie de Notre-Dame, la volatilité du plomb en milieu urbain dense rappelle les dangers encourus par les travailleurs, riverains, voyageurs et autres usagers ainsi que la nécessité de développer une culture du risque.

DERRIÈRE L’ÉCRAN, L’EXPLOITATION  
Mignons, modernes, les kiwibot sont de petits robots livreurs « autonomes ». À quoi servent-ils ? à livrer colis et courses en milieu urbain. Une enquête a révélé que leur autonomie s’appuie sur des ouvriers colombiens pilotant à distance ces appareils pour 2 € l’heure.
Désormais, presque chaque mois un scandale de fausse intelligence artificielle est révélé. Ainsi, la société SpinVox, qui fait de la transcription de messages audio en texte, fonctionnait en fait grâce à un centre d’appels rempli d’humains. Google même proposait un nouveau service de réservations et de vente de billets « révolutionnaire », entièrement automatisé ; en réalité, un tiers des opérations était le fait d’humains qui passaient des appels téléphoniques à la place des clients.
Ces affaires ont fait l’objet d’une enquête menée par Cash Investigation (France 2), diffusée le 24 septembre 2019, sur les dérives et les mains invisibles de l’économie numérique des applications magiques.

Le nucléaire et Mars dopent la conquête spatiale 
La NASA a précisé en septembre son programme Artemis, dont l’objectif est de faire revenir l’homme sur la Lune d’ici à 2024. L’échéance a été imposée par le président Trump en personne. Au-delà de la Lune, c’est Mars qui est dans les viseurs, et ce à l’horizon 2040.
Dans les années 1960, la NASA avait étudié le principe de réacteurs à énergie nucléaire. Désormais, l’utilisation de la fission nucléaire pourrait permettre d’atteindre la planète rouge en trois mois, au lieu de six avec un moteur « classique ». Il s’agirait de profiter de la propulsion nucléaire une fois l’engin spatial mis en orbite, et non au décollage.
C’est la société BWX Technologies, investie dans le domaine de l’énergie nucléaire, qui devra travailler pendant trois ans dans la mise au point d’un carburant et d’un réacteur nucléaires. À cet effet, elle a conclu avec l’administration étatsunienne un contrat de 19 millions de dollars, somme à laquelle s’ajoutent deux enveloppes spéciales du Congrès d’un total de 225 millions de dollars, pour développer la propulsion nucléaire.
Le film Ad Astra de James Gray, sorti le 20 septembre 2019, qui met en scène le quotidien des astronautes, véritables travailleurs de l’espace, fait écho à cette soif de conquête spatiale.

Du plastique dans l’air et l’eau 
On sait que le plastique pollue pendant des années rivières et océans. Dans le monde, des millions de tonnes de plastique se désagrègent progressivement en particules microscopiques, mesurables en micromètres, voire en nanomètres. Ces microparticules sont transportées par l’air, et ce sur de grandes distances. Une étude au moyen d’une technique d’imagerie infrarouge d’échantillons prélevés au large du Groenland entre 2015 et 2017 révèle la présence de ces particules microscopiques de plastique dans les flocons de neige. C’est ce que souligne une récente publication dans la revue Science Advances (14 août 2019), dont Melanie Bergmann est l’auteure principale.
Des Alpes à l’Arctique, en passant par l’Allemagne…, la « neige plastique » est présente. Cette contamination intégrale du cycle de l’eau pose également la question de l’inhalation de plastiques, et de ses impacts en matière de santé pour les hommes comme pour les animaux.

Espace : une collision évitée de justesse 
L’Agence spatiale européenne (ESA) a effectué pour la première fois, lundi 2 septembre 2019, une manoeuvre d’évitement (rehausse de son altitude) pour protéger son satellite Aeolus d’une collision avec l’un des satellites de la constellation Starlink de SpaceX. Un porte-parole de SpaceX a expliqué qu’un bug avait affecté un système de communication, ne lui permettant pas d’être informé correctement d’une augmentation du risque de collision.
Si les satellites Starlink sont pour l’instant 60 à tourner autour de la Terre, Elon Musk, le patron de SpaceX, ambitionne d’en envoyer 12000 afin de fournir le globe en Internet à haut débit.
« Avec l’augmentation du nombre de satellites en orbite, notamment due aux méga-constellations comprenant plusieurs centaines, voire milliers, de satellites, il va devenir indispensable de confier l’exécution des manoeuvres d’évitement de collision à une intelligence artificielle », a précisé l’ESA.

Le non des employés de Google 
L’Agence des douanes et de protection des frontières états-unienne (CBP, Custum and Border Protection) a lancé un appel d’offres pour du stockage de données en ligne. Le géant Google, principal fournisseur de capacités de calcul dans le monde, est sur les rangs. Car Google héberge également des données dans ses centres de cloud (système de stockage en ligne).
Des centaines d’employés du géant états-unien ont demandé que Google ne se positionne pas sur cet appel d’offres. Une pétition a même été lancée sur Medium.com, soulignant que « le fournisseur d’informatique par le cloud qui gagnera le contrat sera celui qui va rationaliser l’infrastructure du CBP et, par là, faciliter ses violations des droits humains ».
Au-delà de ce constat, la mobilisation exige que le géant de l’Internet, basé dans la Silicon Valley, s’engage publiquement à ne pas soutenir les agences gouvernementales telles que les services de l’immigration et des contrôles douaniers, le Bureau de réinsertion des réfugiés notamment.
En 2018, Google, à la suite d’une manifestation d’employés qui exhortaient l’entreprise à éviter de travailler pour le secteur de l’armement, avait retiré sa candidature pour un contrat de 9 milliards d’euros avec le Pentagone sur cette même thématique du cloud.

Des modélisations plus précises et plus inquiétantes sur le climat 
Le monde scientifique perçoit de plus en plus le chiffre emblématique de l’accord de Paris (COP 21) de + 1,5 °C comme pratiquement impossible à atteindre. « Seulement » + 1,5 °C, c’est en effet bien peu par rapport à la hausse prévue, de 6 à 7 °C en 2100. Cette dernière projection est le fruit alarmant des derniers travaux scientifiques. Et notamment le travail de l’Institut Pierre-Simon- Laplace (IPSL) et du Centre national de recherche météorologique. Bien qu’hypothèse du pire, cette projection interpelle. Le meilleur des scénarios envisage un réchauffement de 1,9 °C en cas de neutralité carbone mondiale en 2060.
Si cette neutralité carbone n’était atteinte qu’en 2080, la hausse serait de 2,6 °C. Toutefois, Olivier Boucher, directeur de recherche au CNRS, souligne qu’« aucun de nos modèles ne permet d’envisager une hausse des températures limitée à 1,5 C, mais d’autres modèles le prévoient ».
Ces nouvelles projections sont issues de calculs plus précis et de données plus nombreuses et mieux exploitées par les modèles. Des interactions entre les océans et la terre, l’atmosphère, les précipitations, les émissions anthropiques ou non, le cycle des glaces, les aérosols… sont intégrés.
La rapidité du changement climatique auquel nous assistons rend ses conséquences difficiles à appréhender. La dernière fois qu’une concentration aussi importante de CO2 dans l’atmosphère, soit 400 ppm a été constatée, c’était au pliocène (il y a 400 millions d’années, mais alors la température n’avait varié que de 3 °C, et sur plusieurs milliers d’années!).
Dans un bulletin météo pour 2040 réalisé récemment, Météo France envisageait pour la France des sécheresses plus longues, des précipitations plus faibles, qui rendraient impossibles certaines pratiques agricoles, une multiplication des feux de forêt et des « épisodes cévenols » plus violents.

COUPS DE RABOT ESTIVAL SUR L’APPRENTISSAGE ET LA FORMATION 
Dans une ordonnance estivale visant à « corriger » quelques erreurs, selon la ministre du Travail Murielle Penicaud, l’apprentissage est touché. Analyse texte en main.
Désormais, la durée du contrat d’apprentissage peut être supérieure à la durée de la formation, notamment pour y inclure le service national universel (SNU). C’est un pas de plus dans la déconnexion entre l’apprentissage d’un métier et l’éducation du citoyen. C’est une véritable césure entre le moment où l’on apprend un travail – période durant laquelle les enseignements généraux ont été passés à la machette et l’apprenti mis sous la coupe de son employeur – et la période où on l’on s’éduque, dans les conditions pour le moins particulières du SNU. Par ailleurs, les CFA d’entreprise bénéficieront d’un bonus avantageux : ils n’auront pas à préciser leur activité comme les autres CFA. Plus de souplesse pour moins de contrôle!
Concernant les droits acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), ils seront pris en compte dans le compte personnel de formation. Ce droit qui permettait au salarié de maîtriser le choix de sa formation devait disparaître avec la refonte du système de formation professionnelle. Ce solde devait s’éteindre au 1er janvier 2021, les salariés pourront donc désormais le conserver, mais dans la limite du plafond du compte personnel de formation et après conversion en euros des heures de formation acquises, ce qui représente toujours une limitation, voire une perte, de droits à la formation.

CHANGEMENT DE LOGICIEL DANS LA MOBILITÉ À LA FRANÇAISE 
Révolution feutrée dans le monde des transports français : suite au départ de Guillaume Pépy, à la tête de la SNCF depuis onze ans, c’est Jean-Pierre Farandou qui va lui succéder. Cet homme n’est pas un inconnu du milieu. En effet, il a présidé le directoire de Keolis depuis 2012. Keolis est une filiale à 70 % de la SNCF, spécialisée dans le transport public urbain (bus, tramway, vélos, autopartage…). Cette filiale réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger, dans seize pays, et a transporté en 2018 deux fois plus de voyageurs que la SNCF.
Le choix de Jean-Pierre Farandou n’est pas anodin dans la stratégie commerciale de la SNCF. Le modèle Keolis, succès français du secteur, se fonde sur une performance de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Derrière ce miracle, une réalité : aucun des 65000 salariés n’a le statut de cheminot. Keolis est une « simple » société anonyme.
Faire de la SNCF une sorte de « méga-Keolis », voilà l’état d’esprit qui explique la réforme de la SNCF menée au forceps à l’été 2018. Un projet associé à la loi d’orientation des mobilités (dite LOM), actuellement en fin de discussion parlementaire, qui se veut la nouvelle loi-cadre en la matière. Elle vise à remplacer le cadre fondateur de la loi d’orientation des transports intérieurs (dire LOTI, 1982) du ministre communiste Charles Fiterman.
Le « big bang » de la mobilité, de ses opérateurs, des conditions des travailleurs dans ces organismes ainsi que des enjeux sociaux de la mobilité s’affirme plus que jamais. C’est ce que dénoncent des syndicats de cheminots, conscients de la trajectoire voulue pour l’entreprise : Keolis pourrait en effet se porter candidat, avec des conditions sociales jugées inférieures, sur des liaisons TER – les trains régionaux – situées plutôt en zone urbaine ou dense, des liaisons actuellement exploitées par la SNCF mais qui seront à terme ouvertes à la concurrence.
Pour exemple, la ligne 11 express du tram en Île-de- France est exploitée depuis deux ans par une filiale de Keolis. Les conducteurs assurent également la vente de billets. Une illustration d’un dumping social qui risque de s’amplifier.

Une réflexion sur “Brèves (N°25)

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