Le plateau de Saclay, au sud de Paris, est aujourd’hui un des grands pôles de la recherche scientifique en France. Regards croisés sur les projets d’emménagement en cours du plateau de Saclay et sur les conséquences du regroupement des grandes écoles sur ce site.
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* Laurent Guilloux est secrétaire de la section PCF Nord-Essonne.
Lors d’une visite sur le plateau de Saclay de l’Institut de mathématiques d’Orsay, de Poly technique à Palaiseau et du nouveau campus CentraleSupélec à Gif sur- Yvette le 25 octobre 2017, Emmanuel Macron, nouvellement élu président de la République, entérinait la création non pas d’un seul mais de deux ensembles universitaires actant l’échec de la création d’une seule et unique entité dans un territoire regroupant à lui seul 15 % de la recherche française, des divergences fortes persistant entre grandes écoles et universités. L’objectif initial était de créer une « Silicon Valley » à la française, censée permettre au pays de se distinguer dans les classements académiques internationaux des universités, en particulier celui de Shanghai. Déclaré « opération d’intérêt national » en 2006 par le gouvernement Villepin, le projet est accéléré par Nicolas Sarkozy avec la nomination de Christian Blanc comme secrétaire d’État chargé du développement de la région Capitale et l’adoption de la loi de juin 2010 relative au Grand Paris, dont l’objectif principal est de relier entre eux les grands pôles d’activité et les aéroports.Le projet Arc Express de nouveau métro de la région Île-de-France, porté par les élus communistes depuis une décennie, est fondu dans un nouveau projet de métro, Grand Paris Express, en janvier 2011. Parmi les cinq nouvelles lignes de métro prévues, la ligne 18 devrait relier Saclay à la Défense et à l’aéroport d’Orly.
Le projet d’aménagement du plateau de Saclay prévoit de concentrer autour des établissements déjà présents sur le site (Commissariat à l’énergie atomique, CNRS, École polytechnique, CentraleSupélec, ONERA, INRIA, HEC) d’autres grandes écoles, des entreprises et des centres de recherche présents dans toute l’Île-de-France. Depuis, sauf exception telles que l’école Télécom SudParis à Évry ou bien l’université de Versailles- Saint-Quentin, de nombreux établissements ont été déplacés : l’ENSTA (Paris), l’ENSAE (Malakoff ), Cen trale Sup élec (Châtenay-Mala bry), l’École normale supérieure (Cachan), la direction recherche et développement d’EDF (Clamart), et dans un avenir proche AgroParisTech (quatre sites en région parisienne, dont le centre de Grignon) le sera aussi.
Les salariés et étudiants des sites concernés se sont souvent mobilisés contre des déplacements absurdes vers le plateau de Saclay: les chercheurs de l’université Paris Sud parce que la fac d’Orsay a été éloignée de la vallée et du RER pour l’implanter à seulement 2 km de distance; les personnels du centre de recherche EDF parce qu’ils ont été déplacés de 15 km au moment même où était inaugurée la ligne de tramway à Clamart, attendue depuis quinze ans pour desservir le site ; les personnels et étudiants d’AgroParisTech de Plaisir-Grignon parce qu’on leur demande de quitter des locaux neuf, livrés en 2002 et 2009, sans pouvoir à l’avenir disposer de champs d’expérimentation à proximité. À l’ère de la révolution numérique, cette concentration d’établissements et de financements ne peut être comprise qu’à travers le prisme des logiques libérales à l’oeuvre dans toute l’Europe, avec le paradoxe de consacrer de moins en moins de moyens pour la recherche, publique comme privée, sur le plan national. L’émergence de pôles de compétitivité dans un site comme le plateau de Saclay traduit ainsi une vision de développement de plus en plus inégalitaire : le nouveau lycée international de l’Essonne est annoncé à Palaiseau pour 2021; un nouvel hôpital de proximité à Saclay devrait ouvrir en 2024, mais il est financé par la fermeture des trois hôpitaux existants – de Juvisy, de Longjumeau et d’Orsay. Identifié dans le schéma directeur de la région Île-de- France adopté en 2013, un second volet important de ce projet d’ampleur est la volonté de construire des logements dans un contexte de grave pénurie en Île-de-France, dont sont victimes 10 % des Franciliens. Les nouvelles constructions de logements ont été organisées autour de plusieurs zones d’aménagement concerté piloté par l’Établissement public d’aménagement Paris-Saclay (EPAPS), dont la ZAC de l’École polytechnique à Palaiseau (232 ha) ; la ZAC du quartier du Moulon, sur les communes de Gif-sur-Yvette et d’Orsay (337 ha) ; la ZAC de Corbeville (94 ha).
Si la construction de nouveaux logements au sein des grands campus existants, tels celui de Polytechnique, fait sens avec la construction de nouvelles gares de métro, de fortes inquiétudes se sont exprimées de la part d’associations et des élus locaux face à la mise en danger des terres agricoles du plateau de Saclay, parmi les plus fertiles de la région: il est possible d’y faire pousser du maïs sans irrigation, même par temps de canicule. Ces inquiétudes ont été renforcées par l’annonce en 2011, sous la mandature de Nicolas Sarkozy, de la construction de plus de 150000 logements. La mobilisation des citoyens et des élus locaux a permis la création en décembre 2013, par décret, de la zone de protection naturelle, agricole et forestière du plateau de Saclay afin de sanctuariser 2469 ha de terres agricoles.