Wagons-citernes sur des voies des gares de triage à l’accès facile, camions stationnant sur les parkings au pied des immeubles… Il faut s’interroger sur ces transports de matières dangereuses que la gestion des entreprises en flux tendu conjuguée au tout-camions rend plus nombreux et plus massifs.
*MICHEL SACHER est directeur du Cyprès et ÉRIC POURTAIN est responsable du pôle Risques technologiques.
QU’EST-CE QUE LE RISQUE TMD?
Les consommateurs que nous sommes exigent une variété de produits toujours plus importante et en quantité toujours plus grande. Un lieu de production ne pouvant être à proximité de chaque lieu de consommation, pour des raisons évidentes de rentabilité et d’espace, le transport de marchandises est donc indispensable et inévitable. Les vecteurs de Transport de Matières Dangereuses (TMD) sont nombreux, disposent de réglementations spécifiques et se partagent ce marché: routes (76 %), voies ferrées (16 %), fluviales et maritimes (4 %), canalisations (4 %) et, dans une moindre mesure, la voie aérienne (moins de 1 %). Dans tous les cas, le risque est consécutif à un accident se produisant lors du transport lui-même, et le principal danger de ce transport est lié aux matières transportées. Selon le ministère de l’Écologie et du Développement durable, « une matière est classée dangereuse lorsqu’elle est susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la population, les biens et/ou l’environnement, en fonction de ses propriétés physiques et/ou chimiques, ou bien par la nature des réactions qu’elle peut engendrer ». Les matières dangereuses ne sont pas uniquement des produits hautement toxiques, explosifs ou polluants; ce sont également tous les produits utilisés au quotidien, comme les carburants, le gaz ou encore les engrais (solides ou liquides). Les matières dangereuses peuvent avoir quatre effets distincts : thermiques (combustion, explosion d’un produit inflammable), mécaniques (surpression résultant d’une explosion), toxiques (irritation, corrosion, etc., par inhalation, contact ou ingestion) et radioactifs (rayonnements ionisants). Quel que soit le mode de transport, les matières sont classées en fonction de leur danger principal dans l’une des neuf catégories suivantes, signalées sur le moyen de transport lui-même:
LA MAÎTRISE DES RISQUES DE TMD
La maîtrise de ce type de risques passe par quatre types d’actions considérées comme les quatre piliers de la prévention : réduction des risques à la source (surveillance), information préventive des citoyens, maîtrise de l’urbanisation, planification et anticipation des crises. Mais cela dépend du mode de transport : canalisations, camions, chemin de fer, transport maritime ou transport aérien présentent des risques différents et ont des réglementations spécifiques. En dehors des canalisations, pour lesquelles les règles de prévention et de réduction du risque à la source sont proches de celles des risques industriels, pour les autres modes de transport les règles sont essentiellement liées à l’indentification claire des marchandises transportées avec des étiquetages codifiés (fig. en une de l’article). S’y ajoutent, notamment pour les transports par route, des règles de stationnement, des interdictions de circulation et des limitations de vitesse, parfois des itinéraires contraints, des chauffeurs et personnels obligatoirement formés.
La maîtrise de l’urbanisation En dehors des canalisations de transport, il n’existe pas de mesure d’urbanisme spécifique. Dans le cas des canalisations de transport, des servitudes d’utilité publique interdisent toutes constructions à proximité et réglementent tous travaux dans un rayon de 100m. Par ailleurs, des mesures de protection des populations peuvent être adjointes dans le cadre de l’analyse d’un projet d’aménagement (nouveau ou modification), de type « établissement recevant du public » (ERP) de plus de 100 personnes ou « immeubles de grande hauteur ».
La préparation aux situations d’urgence Parfois, dans une gare de triage, un port…, des plans de sûreté permettent de définir un ensemble de mesures à prendre pour réduire au minimum la mise en danger des personnes, des biens ou de l’environnement. Ce sont les plans de surveillance et d’intervention (PSI), élaborés par les exploitants de canalisations ; les plans «marchandises dangereuses» (PMD) de la SNCF ; le protocole Transaid, signé entre le ministère de l’Intérieur et l’Union des industries chimiques (UIC), qui prévoit d’apporter aux autorités et responsables des secours : aide, expertise et assistance technique spécialisée lors d’accidents de TMD; des dispositions Orsec, élaborées et mises en oeuvre par le préfet de département; le plan de secours spécialisé TMD (PSS TMD) pour tous les modes de transport, hors fluvial et maritime ; le plan Pollution Marine (Polmar) ; le Plan Communal de Sauvegarde (PCS), élaboré et mis en oeuvre par le ou les maires des communes. Si elle permet de le combattre, l’abondance de plans ne supprime pas le risque.
L’information préventive des citoyens Conformément aux réglementations françaises et européennes, toute personne susceptible d’être exposée à des risques majeurs doit être informée de la nature des risques et des moyens mis en oeuvre pour éviter les accidents ainsi que des consignes générales de bonne conduite à suivre en cas d’accident. Le préfet et le maire partagent les actions d’information préventive, semblables pour tous les risques, destinées aux citoyens, aux scolaires et aux professionnels.
LA PROBLÉMATIQUE POSÉE PAR LE TMD
Même si les risques sont similaires à l’exploitation d’installations Seveso, la principale particularité du TMD est sans conteste liée à la mobilité. Entrent en ligne de compte la topographie des territoires traversés, la qualité des infrastructures routières et ferroviaires, la signalétique tant en termes de transit que de desserte locale, l’accessibilité des secours, la récupération des fluides, la proximité d’établissements recevant du public (écoles, stades…) et le stationnement des véhicules (chargés ou vides non dégazés). Les difficultés de circulation au moment des heures de pointe et des entrées et sorties des ERP sont des éléments de dangerosité. Les territoires et leurs institutions respectives pensent rarement à ces aspects. On constate souvent une absence ou une mauvaise préparation aux situations de crise du fait du caractère diffus de ce risque, pourtant bien réel. De plus, contrairement aux autres risques majeurs, pour lesquels les recommandations de gestion et les supports d’accompagnement sont nombreux, l’administration locale du TMD reste peu encadrée. Le plus souvent, les collectivités locales souhaitant s’engager dans une politique responsable du TMD ne peuvent compter que sur leurs propres ressources pour aboutir. Dès lors, il arrive fréquemment qu’un ou plusieurs véhicules transportant des matières dangereuses se retrouvent dans des bouchons à des heures de pointe, passent devant une école à l’heure d’entrée des enfants ou, ayant traversé toute l’Europe, cherchent leur route et se retrouvent en cœur de ville ou de village ou encore stationnent dans des endroits inadaptés dans l’attente de l’ouverture d’une entreprise pour charger/décharger ou simplement parce que le chauffeur a atteint une période de repos réglementaire après plusieurs heures de conduite. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, cette problématique a été posée par l’ensemble des partenaires de la chaîne logistique du TMD, avec la participation des collectivités locales, des services de secours et des services de l’État. Une réponse a été apportée avec la création d’un guide méthodologique de gestion du TMD dans les communes, et plusieurs territoires l’on déjà mis en oeuvre en tout ou partie, c’est le cas des communes de Nice, Grasse, Marseille et Montpellier. Ainsi, quel que soit le mode de transport, le risque peut être plus ou moins aggravé par une foule de circonstances particulières. Et pour les transports routiers, un élément de dangerosité supplémentaire peut être apporté par les difficultés de circulation au moment des heures de pointe. La difficulté est d’anticiper pour prévenir les risques et en limiter les conséquences.