Parce qu’ils rapprochent les hommes et les territoires, les transports en commun jouent un rôle fondamental dans notre société. Ancrés au cœur de celle-ci, ils sont traversés par les mêmes problématiques et les mêmes enjeux qu’elle. En plus, ils constituent un levier de transformation démocratique et progressiste de la société pour répondre aux grands défis de notre temps.
*THOMAS BOMPIED est étudiant à Clermont-Ferrand et membre du CN de l’UEC.
En matière de protection de l’environnement, de développement humain durable ou encore de création de nouveaux droits, la politique des transports est appelée à prendre pleinement sa place dans la bataille pour l’édification d’une société progressiste et émancipatrice.
UNE RÉPONSE DURABLE AUX DÉFIS ENVIRONNEMENTAUX
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé à l’État et à la société des objectifs exigeants en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Elle vise le cap ambitieux de la réduction des émissions de GES de 40 % d’ici à 2030 et de leur division par quatre d’ici à 2050. En 2013, 28 % (soit 134,8 millions de tonnes en équivalent CO2) des émissions françaises de GES étaient issues du secteur des transports, en faisant ainsi le deuxième secteur émetteur, derrière l’industrie (toutes branches confondues) (1). Si l’on observe le détail des émissions dans le secteur des transports, on constate qu’elles proviennent dans leur très grande majorité de la route (93 % pour le transport routier, contre 1,3 % pour le transport ferroviaire) (2). Chaque kilomètre parcouru par une automobile dégage 150 g de CO2, tandis que les usagers du bus et du train en émettent, respectivement, 66,7 g et 2 g chacun (3). Ces données font apparaître que le développement des transports en commun est une nécessité pour répondre aux défis environnementaux de notre époque. Il devient impératif, pour réduire les émissions de GES, de trouver une alternative durable à la voiture et au transport routier. C’est d’ailleurs là que le bât blesse. wagon isolé aura eu pour conséquence, en plus de détériorer la situation financière de la SNCF, de jeter des milliers de nouveaux camions sur les routes, aggravant considérablement l’empreinte environnementale de cette activité. À titre de comparaison, 1 t de marchandises transportée par rail émet 2 g de CO2 au kilomètre, tandis que celle transportée par la route en émet 221 g (4). La comparaison est sans appel : le transport routier a un coût éco logique bien plus lourd que celui du fret ferroviaire. Sur le plan du transport de passagers, le bilan n’est guère plus reluisant. Le manque de moyens alloués à cette activité aura conduit, d’une part, au transfert d’un certain nombre de lignes TER (train express régionaux) vers la route et, d’autre part, au développement de sociétés privées de transport de voyageurs (Isilines, Megabus…), largement favorisées par la libéralisation du transport en autocar grâce à la loi Macron. Là aussi, le bilan écologique de ces choix politiques est alarmant. Une première idée s’impose : là où la régulation capitaliste du secteur des transports échoue à assurer à ce secteur d’activité une durabilité environnementale, la régulation démocratique, par la planification, pourrait réussir. Des choix politiques novateurs associant les salariés du secteur, les usagers des services et les élus de la nation et des collectivités territoriales permettraient de faire émerger un réseau de transports multimodal et pleinement inscrit dans une politique globale de transition énergétique.
UNE NÉCESSITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL
Outre une réponse progressiste et durable à l’urgence environnementale, le développement des transports en commun constitue également une nécessité pour le développement industriel du pays. Le secteur ferroviaire est appelé à jouer un rôle majeur en ce sens. Avec un réseau ferroviaire de près de 31 000 km, la France dispose d’un atout économique majeur, mais se trouve fragilisée par les choix politiques des gouvernements successifs. Alors que le réseau nécessite un renouvellement et une modernisation de masse, du fait du vieillissement normal des infrastructures et du matériel roulant, comme en témoigne la forte augmentation des ralentissements (600 km au début des années 2000, contre plus de 3000 au début de la décennie 2010 (5), l’État organise non seulement l’asphyxie financière de la SNCF et de Réseau ferré de France (RFF), le gestionnaire des infrastructures, mais aussi la perte de maîtrise de la puissance publique sur le réseau, et ce en confiant la construction de nouvelles lignes à des opérateurs privés par le biais de PPP (partenariats public-privé). La volonté capitaliste de contrôler le transport ferroviaire pour en faire un business juteux entre inévitablement en contradiction avec l’intérêt général: elle freine le développement industriel du pays et constitue un obstacle de poids au dynamisme économique d’un secteur utile et durable. Le renouvellement du parc de trains Corail, la rénovation des TER, la modernisation des wagons de marchandises, la construction de nouvelles infrastructures pour développer le fret constituent des pistes d’avenir très prometteuses pour le développement industriel du pays et des territoires. D’autant que notre pays peut compter sur un tissu économique efficient et pérenne; pour ce qui est du matériel roulant, sur un secteur industriel de pointe, organisé pour l’essentiel autour de deux géants (Alstom et Bombardier), enregistrant un chiffre d’affaires estimé à 4 milliards d’euros (6); pour les infrastructures, la construction et la maintenance du réseau, il existe des entreprises de travaux publics de pointe. Les potentialités d’un développement humain durable s’appuyant sur un développement des transports en commun, et notamment du transport ferroviaire, existent donc. Mais, comme le faisait déjà observer Marx en son temps, le capital obstrue lui-même le développement des forces productives qu’il promeut. Il devient donc urgent, pour libérer les énergies et les potentialités existantes, de libérer la politique des transports de la loi du marché capitaliste et de la concurrence entre modes de transport. En matière industrielle, la planification démocratique de la production non seulement remplira cet objectif de libération des énergies et des potentiels de développement mais aura aussi pour conséquence de permettre un développement industriel équilibré, n’excluant aucun territoire ni aucun citoyen.
VERS DE NOUVEAUX DROITS DÉMOCRATIQUES ET SOCIAUX
La politique des transports peut constituer, dans l’immédiat, une réponse conséquente à l’urgence sociale et définir, pour l’avenir, le contour de nouveaux droits citoyens. Au niveau des communes ou des intercommunalités, la gratuité des transports en commun de proximité est une bataille à mener qui dessine une perspective pour l’avenir de la mobilité urbaine. Au niveau des régions, les collectivités régionales disposent d’un levier d’action majeur avec les TER pour compléter, au niveau de leur territoire, le droit à la mobilité pour tous. Enfin, il en est de même pour l’État, gestionnaire quant à lui des trains d’équilibre du territoire. Le développement massif, quantitatif et qualitatif, de ces transports à l’échelle de la ville, des régions et de la nation ainsi que la création d’un véritable droit à la mobilité permettront l’ouverture des transports en commun à tous, et notamment aux catégories de la population qui en sont privées, pour des raisons financières ou pour des raisons géographiques. En outre, une politique de mobilité ambitieuse désenclavera les territoires aujourd’hui laissés en friche en matière de transports. Enfin, le développement des transports en commun rendra les territoires, et notamment les villes, plus agréables à vivre, à la fois pour les piétons et les usagers des transports, mais également pour les automobilistes, qui pourront circuler dans des espaces moins embouteillés.
UN OUTIL : LA PLANIFICATION DÉMOCRATIQUE!
Répétons-le : les transports en commun ont une utilité sociale, économique et environnementale indéniable. Face au défi du réchauffement climatique et de la transition énergétique, face au défi de la reconstruction industrielle de la France puis celui de la création de nouveaux droits pour les citoyens, leur développement apparaît comme une perspective de progrès et d’émancipation des individus et de la société dans son ensemble. Cela étant, cette perspective fait face à une donnée objective fondamentale, que nous connaissons bien : le capital et les contradictions qui le traversent. La recherche du profit immédiat et maximal conduit simultanément les capitalistes à chercher, avec l’aide des gouvernements successifs et des institutions européennes, à mettre la main sur les infrastructures de transports comme sur les transports eux-mêmes et à les saccager au nom de la baisse du « coût du travail ». Cette politique a un coût social et environnemental élevé, reporté sur l’ensemble de la collectivité, qui paie ainsi pour que le patronat puisse toujours augmenter son taux de profit dans ce secteur d’activité. Face à l’incapacité du patronat à organiser selon ses propres règles des transports efficaces et utiles, nous devons, comme communistes, proposer une alternative progressiste. Celle-ci s’incarne au travers de la planification démocratique, associant l’ensemble des salariés du secteur, les usagers des services ainsi que les élus du peuple. Une politique réussie de planification des transports dépasserait le seul cadre de ce secteur d’activité ; elle s’intéresserait au développement industriel des territoires ainsi qu’à la recherche en matière d’énergie renouvelable et de véhicules plus propres, garantissant à la politique des transports une meilleure cohérence. La bataille pour des transports du XXIe siècle, utiles, propres et efficaces, est donc une bataille de classe à conduire pleinement, dans toutes ses dimensions, par le monde du travail.
1) http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/jpg/Repartitions_des_emissions_de_GES_en_France.jpg
2)http://www.developpementdurable.gouv.fr/Transports,34304.html
3)https://revueprogressistes.org/2014/05/10/systeme-ferroviaire-et-politique-des-transportscontribution-du-pcf-pierre-mathieu/
4)http://www.pcf.fr/sites/default/files/brochure_rail_web.pdf
5)Alain Prouvenq, « Les enjeux du transport ferroviaire », in Progressistes, no 1, 2013.
6)http://progressistes.pcf.fr/41877