Atout écologique et levier de relance industrielle: le secteur ferroviaire doit être soutenu par des politiques publiques.
En reliant producteurs et consommateurs, les transports jouent un rôle essentiel dans l’activité économique. Secteur en pleine croissance malgré le ralentissement économique, il est cependant la principale activité consommatrice de pétrole et productrice de pollution atmosphérique. Or, le concept de développement durable imposera de plus en plus des choix qui respectent l’avenir. Il faut donc que le transport soit efficace économiquement, socialement et au plan de l’environnement. La recherche de cette triple efficacité doit être simultanée car elle conditionne la réponse à cet enjeu sociétal. C’est la raison fondamentale pour laquelle la maîtrise publique de ce secteur d’activité est indispensable aux niveaux européens, national, régional et local pour réussir un report des modes les plus polluants (la route, l’aérien) vers les modes respectueux de l’environnement comme le ferroviaire.
DES ATOUTS ÉNERGÉTIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX
Dans cet enjeu d’avenir, la filière ferroviaire représente un atout important pour répondre aux besoins de transport des personnes comme des marchandises. Le train consomme deux fois moins d’énergie que le transport routier, ainsi pour une énergie équivalente à 1 kg de pétrole par tonne de marchandise, un camion peut parcourir 58 kilomètres contre 111 pour un train. De plus il nécessite très peu d’électricité nécessaire à la traction des locomotives provenant en France de sources peu émettrices de gaz à effet de serre (énergie nucléaire et hydraulique). Avec 1,3 % des émissions de CO2 liées au transport en France métropolitaine, contre 93 % pour les voitures, il émet peu de gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique.
UN PUISSANT LEVIER DE RELANCE ÉCONOMIQUE
Le secteur ferroviaire est une industrie de long terme, structurante, d’aménagement des territoires et d’accompagnement des évolutions de la société. En matière d’infrastructures, avec 30 000 kilomètres de lignes, dont un peu plus de la moitié électrifiée et près de 2 000 à grande vitesse, le réseau ferroviaire français connaît des besoins massifs de renouvellement et de modernisation. Malgré un effort important de rénovation ces dernières années, le réseau continue à vieillir. En l’espace de dix ans, nous sommes en effet passés de 600 à 3 200 kilomètres de ralentissement pour garantir la sécurité de la circulation des trains. Concernant le matériel roulant, la France est actuellement le troisième marché au monde en termes d’investissements et cette situation est pérenne. La quasi-totalité des trains corail doit être renouvelée, les premières générations de matériel TER achetées par les régions doivent être rénovées, il en est de même pour les TGV ; et concernant les wagons de marchandises, outre le vieillissement du parc (70 % du matériel a plus de 30 ans) il sera nécessaire d’innover pour l’adapter aux conditionnements modernes. Par ailleurs, le démantèlement et la déconstruction du matériel radié représentent une importante charge pour les années à venir.
L’industrie ferroviaire française rassemble plus d’un millier d’entreprises travaillant essentiellement pour deux grands donneurs d’ordres (Alstom et Bombardier). En 2011, elle a enregistré un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, dont 1 milliard à l’exportation. À cela s’ajoutent les activités de constructions d’infrastructures ferroviaires (Colas Rail, Eiffage, Eurovia), estimées à 2,5 milliards d’euros, les activités de la maintenance et des infrastructures de la SNCF. Elle représente 82 000 emplois (21 000 emplois dans les études et la production, 24 000 dans la maintenance et la réparation, 37 000 dans le maintien et le développement des infrastructures).
REDYNAMISER LE FRET FERROVIAIRE
L’exemple du fret montre la contradiction entre une logique économique et sociétale qui devrait le voir se développer et son recul. Ces dernières décennies, les politiques des transports ont accentué le recul industriel dans de nombreuses régions par des décisions en termes d’infrastructures, de tarification, de réglementation conduisant à une sous rémunération du transport. Dans ce contexte, la part modale du ferroviaire poursuit sa baisse, passant de 19 % en 2000 à 12% en 2011, bien que le Grenelle de l’Environnement envisageait sa remontée à 17,5 % en 2012, puis 25 % en 2025. Sortir de cette spirale exige un changement de paradigme à tous les niveaux dans la stratégie de l’État et de la SNCF afin d’assurer les cohérences territoriales. Les industriels doivent être incités à réfléchir en commun à leurs transports afin de mutualiser et les massifier.
LE BESOIN D’UN ÉTAT FORT
Si le mode ferroviaire dispose d’atouts pour relever les enjeux sociétaux, cela nécessite que l’État ait un rôle central dans l’impulsion d’une politique des transports multimodale et complémentaire, notamment par la politique fiscale et sociale à l’égard du transport routier.
La dominance du mode routier n’est pas inéluctable. L’État doit à la fois mieux réguler la variable sociale de la route et assurer sa contribution accrue au financement des modes moins polluants, dont le ferroviaire.
ALAIN PROUVENQ est syndicaliste, secrétaire fédéral aux affaires économiques à la CGT cheminots.
Une réflexion sur “Les enjeux du transport ferroviaire, Alain Prouvenq”