Des revendications pour gagner la bataille écologique, Paul Barrié*

La France a un rôle à jouer dans la préservation des conditions de vie de l’humanité. Des moyens existent et se multiplient, des forces humaines aussi. Les mettre en oeuvre ne se fera pas sans poser des revendications, et il faudra lutter pour les imposer : c’est au fond une affaire de vision et de volonté politiques, de rapports de force, de lutte de classes.  

*PAUL BARRIÉ est étudiant à Toulouse. Membre de l’UEC.


Alors que l’accord de Paris sur le climat vient d’être ratifié par les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre, les doutes planent quant à la mise en application de cet accord non contraignant. Pourtant, tout est là pour réaliser la transition énergétique ! Les procédés techniques existent déjà et s’améliorent de jour en jour, et une politique ambitieuse dans le domaine offrirait aux travailleurs privés d’emploi, en nombre croissant, des débouchés leur permettant d’accéder à la création de richesses. Pourtant, force est de constater que la transition énergétique n’est pas pour demain, comme en témoignent la baisse de 17 % du budget du ministère de l’Écologie depuis 2012 et la marche arrière du gouvernement sur l’écotaxe en 2014. Si la question écologique peine à trouver un débouché concret, c’est que la classe dominante n’a, financièrement, aucun intérêt à investir dans la préservation de l’environnement, et ce parce que rendre les procédés de production plus propres nécessite un investissement important pour un rendement faible, alors que des placements à but spéculatif sont aujourd’hui bien plus rentables. À l’opposé, les travailleurs derrière les machines ont un intérêt littéralement vital à l’écologisation de leur outil de production, puisqu’ils en sont les premières victimes. Le combat pour l’écologie apparaît donc comme une autre facette de la lutte des classes. Dans ces conditions, quelles revendications concrètes porter pour gagner la bataille de l’écologie ?

UN STATUT BANCAIRE À LA BPI POUR FINANCER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE 

n19Créée en 2013, la Banque publique d’investissement (BPI), dont le but principal était de favoriser le développement des PME (petites et moyennes entreprises), avait aussi pour objectif, plutôt secondaire, de favoriser la « conversion écologique ». Néanmoins, le budget dont dispose la BPI – constitué d’un capital de 20 milliards d’euros – est déjà insuffisant pour répondre aux besoins de financements de l’ensemble des PME, donc a fortiori trop faible pour assurer en plus la transition écologique. La principale faiblesse de la BPI, c’est qu’elle n’est pas une banque. Le capital de 20 milliards dont elle dispose provient de fonds mis à sa disposition par l’État et la Caisse des dépôts. Pour accroître considérablement sa force de frappe et permettre un financement à la hauteur des besoins écologiques, elle a besoin d’un statut bancaire. Ainsi, elle pourra financer par simple jeu d’écriture les actions de transition énergétique. Cependant, c’est la Banque de France qui délivre les licences bancaires. Or celle-ci, dans le cadre de la monnaie unique, ne répond qu’aux directives de la Banque centrale européenne, laquelle ne semble pas prête à délivrer une telle licence dans la mesure où l’État français pourrait en profiter par là même pour emprunter à bas coût. Les cadres libéraux dans lesquels est enfermée la monnaie unique empêchent aujourd’hui toute initiative nationale d’envergure en matière d’écologie.

FORMER LES ARTISANS DE LA RÉVOLUTION ÉCOLOGIQUE 

Se poser la question de la transformation écologique de l’industrie française suppose aussi de se demander comment obtenir une force de travail qualifiée en la matière. Or pour obtenir une telle force de travail – dont l’effectif se situerait entre 1 et 2 millions de personnes selon les projets –, on ne peut compter sur les seuls nouveaux diplômés. En effet, ceux-ci non seulement doivent déjà remplacer les départs à la retraite, et devront en remplacer encore plus lorsque nous aurons remis l’âge de départ à la retraite à 60 ans, mais doivent aussi répondre aux nouveaux besoins liés aux révolutions informationnelles, dans les biotechnologies, etc. La problématique qui se pose alors est comment former le nombre croissant de personnes privées d’emplois. Cette année 2016, le gouvernement a annoncé la formation de 500000 chômeurs, ce qui est une bonne chose, mais les modalités de mise en place de ces formations et l’absence de débouchés massifs posent des questions quant à l’efficacité d’une telle mesure. Si l’on veut former des travailleurs à moindre coût et en grand nombre, pourquoi ne pas faire appel aux universités, et s’abstenir ainsi de verser des profits aux propriétaires d’entreprises de formation? Pour ce faire, il faut généraliser la reprise d’études, qui est aujourd’hui quasi inexistante, ce qui nécessite que les frais de scolarité pour les reprises d’études – qui peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros par an – soient alignés sur ceux des étudiants en formation initiale. En plus, cette reprise d’études devrait pouvoir se faire dans des conditions de vie dignes. Se pose alors la question de la mise en place d’un revenu pour les travailleurs en formation, c’est à dire la mise en place d’un salaire étudiant. Il est donc nécessaire d’investir massivement dans l’enseignement supérieur et la recherche pour développer les filières portant sur les problématiques techniques liées à l’écologie.

DES UFR SPÉCIALISÉES DANS LA QUESTION DE L’ÉCOLOGIE 

Aujourd’hui, l’essentiel de la recherche sur de nouveaux procédés plus propres est le fait d’entreprises privées. Or leur effort en matière de recherche est très limité, dans la mesure où leur seule incitation est la sensibilité croissante des consommateurs aux problèmes écologiques, sensibilité qui a du mal a se généraliser à cause du prix élevé, dissuasif pour le plus grand nombre, des biens « propres ». Pis encore, et l’exemple de la fraude aux tests de pollution des voitures Volkswagen l’a révélé, il existe un désintérêt total des industries capitalistes pour la question écologique. Il est donc nécessaire d’accroître considérablement la recherche publique dans le domaine de l’écologie et de reconnaître le besoin de créer une unité fondamentale de recherche (UFR) pluridisciplinaire portant sur la problématique écologique à toutes les échelles : des questions purement techniques aux questions d’implémentation de politiques de développement durable sur les territoires, en passant par le développement d’énergies et de transports plus propres.

POUR UN PÔLE NATIONAL DE GESTION DES BREVETS 

Au-delà de la question de la recherche se pose la question de la diffusion des découvertes scientifiques, qui est aujourd’hui limitée par les brevets qui sont déposés pour protéger les nouvelles technologies. Or certaines industries, notamment pétrolières comme Total, rachètent des brevets des technologies permettant de rendre les moteurs des véhicules moins gourmands en carburant. L’objectif est simple : maintenir une dépendance forte au pétrole pour leur garantir une rente à long terme sur l’exploitation pétrolière. L’idée que nous avançons pour contrer ce genre de pratiques est de créer une structure publique dont l’objectif serait de collecter tous les brevets des technologies plus propres et de rendre leur diffusion la plus large possible au sein des industries nationales. Il reste qu’assurer la diffusion de technologies propres ne garantit pas leur utilisation par les entreprises privées.

DES COTISATIONS POUR LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES INDUSTRIES PRIVÉES 

Comme cela a été dit au début de l’article, les industriels n’ont aucun intérêt à rendre les outils de production plus propres, et donc à réduire leurs externalités, c’est-à-dire le coût collectif que leur activité engendre. Or, pour réduire les externalités, il faut « internaliser les externalités ». Autrement dit, il faut faire supporter un coût supplémentaire aux industries à hauteur des externalités qu’elles dégagent, le but étant de les inciter à réduire la pollution qu’elles génèrent et, par conséquent, à investir dans l’installation de machines plus propres. Pour cela, on peut prendre comme point de départ le fait que la pollution de l’air, de l’eau… entraîne un important coût supplémentaire pour la Sécurité sociale. En effet, la pollution atmosphérique coûte près de 101,3 milliards d’euros par an, selon une commission d’enquête sénatoriale. Ce qui se traduit concrètement par une augmentation des dépenses de la branche maladie de la Sécurité sociale. Ainsi, la mise en place de nouvelles cotisations proportionnelles au niveau de pollution des industries semble être une solution efficace et progressiste pour faire face à ces dépenses supplémentaires de la Sécurité sociale, et pour favoriser la transformation écologique des entreprises privées.

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