Les femmes et les organisations de femmes sont particuliÚrement concernées par les enjeux climatiques, du fait à la fois des discriminations qui les affectent et de leurs contributions spécifiques à un mode de développement soutenable.
*Yveline Nicolas milite au sein de lâassociation AdĂ©quations et anime le groupe français Genre et Justice climatique.
Dans le monde, de nombreuses femmes subissent les rĂ©percussions nĂ©gatives des dĂ©sĂ©quilibres climatiques combinĂ©s Ă lâaggravation de la crise Ă©conomique. Constituant 70 % des pauvres, et faute dâun partage Ă©quitable des ressources et du travail entre femmes et hommes, les femmes sont contraintes de cumuler leurs responsabilitĂ©s socialement construites â dĂ©jĂ trĂšs lourdes (tĂąches domestiques, soins aux enfants et aux personnes ĂągĂ©es) â avec de nouvelles exigences Ă©cologiques, tout en affrontant une prĂ©carisation croissante. Dans les pays en dĂ©veloppement, les consĂ©quences du rĂ©chauffement climatique global (catastrophes, dĂ©sertification, Ă©rosion de la biodiversitĂ©, rarĂ©faction des ressources en eauâŠ) se combinent avec le manque dâinfrastructures et de services collectifs, notamment en milieu rural. Dans les pays riches, les femmes sont aussi les plus concernĂ©es par la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, particuliĂšrement les familles monoparentales, dirigĂ©es Ă 80 % par des femmes.
Il existe un lien direct entre le manque dâautonomisation des femmes, les discriminations et les atteintes Ă leurs droits, et lâimpact des dĂ©rĂšglements climatiques. Ainsi, les femmes sont concernĂ©es de façon spĂ©cifique par les processus de concentration et dâachat des terres, notamment Ă des fins Ă©nergĂ©tiques de production dâagrocarburants. Au niveau mondial, elles ne possĂšdent que 3 % des droits de propriĂ©tĂ© et peuvent se voir brusquement dĂ©possĂ©der de terres quâelles ont patiemment mises en valeur. Elles sont souvent exclues des nĂ©gociations locales et nationales sur lâusage des terres â comme sur celui des forĂȘts. Les terres marginales, moins productives, oĂč les paysannes sont relĂ©guĂ©es sont les premiĂšres concernĂ©es quand les pouvoirs publics ou des investisseurs extĂ©rieurs les convertissent en cultures pour lâexploitation, par exemple, de lâhuile de palme Ă des fins Ă©nergĂ©tiques.
Les femmes affrontent Ă©galement des violences de genre dans le contexte de conflits liĂ©s Ă la compĂ©tition pour des ressources naturelles en diminution, de migrations climatiques et de dĂ©placement des populations. Pourtant, les femmes sont des actrices spĂ©cifiques de la transition Ă©nergĂ©tique, par leur investissement dans lâagriculture et lâalimentation, lâĂ©conomie sociale et solidaire, leur prĂ©occupation concernant la santĂ© environnementale, leur apport Ă une gestion Ă©quitable des biens communs, de la biodiversitĂ© locale et des quartiers populaires. Partout dans le monde, des initiatives sont mises en Ćuvre par les femmes et leurs associations. JusquâĂ prĂ©sent, elles restent insuffisamment documentĂ©es, financĂ©es et valorisĂ©es. Des Ă©tudes montrent pourtant le rĂŽle des femmes dans le maintien dâune agro-Ă©cologie prĂ©servant la biodiversitĂ© : selon la FAO, le rattrapage des inĂ©galitĂ©s entre les paysannes et les paysans permettrait dâaugmenter de 20 Ă 30 % le rendement des parcelles exploitĂ©es par les femmes.

Ainsi, plusieurs organisations de femmes se mobilisent pour la COP21. GrĂące Ă la pression des associations fĂ©ministes du monde entier, notamment rĂ©unies dans la Women Gender Constituency, qui participe aux nĂ©gociations, les questions de genre sont progressivement prises en compte. DĂ©jĂ , la COP18 avait dĂ©cidĂ© dâun suivi de la paritĂ© au sein des organismes de nĂ©gociations et de dĂ©cision, et de la prise en compte du genre dans les politiques climatiques. Le Cadre dâaction de Hyogo (stratĂ©gie internationale pour la prĂ©vention des catastrophes) indique que « la perspective de genre devrait ĂȘtre intĂ©grĂ©e dans toutes les politiques de gestion des risques de catastrophe, et des plans et des processus de prise de dĂ©cisions, y compris celles relatives Ă lâĂ©valuation des risques, lâalerte rapide, la gestion de lâinformation, lâĂ©ducation et la formation». La COP20, Ă Lima, fin 2014, a adoptĂ© un programme de travail sur le genre.
En France, le groupe Genre et Justice climatique rassemble une vingtaine dâassociations fĂ©ministes. Parmi ses revendications figurent lâinclusion des droits des femmes comme principe dans le futur texte de lâaccord climatique et lâintĂ©gration dâune perspective de genre dans les politiques dâattĂ©nuation et dâadaptation au dĂ©rĂšglement climatique. Le rĂ©seau milite pour renforcer la formation et lâaccĂšs des femmes et des jeunes filles aux filiĂšres scientifiques et techniques, aux emplois créés par la transition Ă©nergĂ©tique. Il soutient aussi la participation des femmes et la formalisation de leurs activitĂ©s dans les secteurs Ă©conomiques et sociaux qui contribuent Ă la transition des modes de production et de consommation et Ă la rĂ©silience environnementale (Ă©conomie solidaire, services urbains et ruraux, agriculture urbaineâŠ).