ÉNERGIE RENOUVELABLE : LES INCOHÉRENCES DE L’EUROPE LIBÉRALE, VALÉRIE GONCALVES*

La politique de l’Union européenne est inefficace pour lutter contre le réchauffement climatique mais très profitable pour les placements financiers sous couvert d’investissement dans les énergies « vertes ». 

*Valérie Goncalves est dirigeante nationale du PCF; elle est en charge de la commission énergie.


L’Union européenne veut porter à 27 % la part d’énergie renouvelable dans le mix énergétique, et réaliser 27 % d’économies d’énergie. L’Europe dépense 400 milliards d’euros en importations d’énergie ; dans ce domaine, elle est dépendante à 53 %.

La Commission européenne chiffre à 1 000 milliards d’euros le besoin en investissements sur dix ans. C’est 1 % du PIB mondial, moins de 0,3 % des actifs financiers mondiaux. Les marges financières existent donc. Dans l’UE, l’évasion fiscale représente 1 000 milliards d’euros annuels. Chaque directive européenne n’a amené que désoptimisation du secteur, filialisations et privatisations. La concurrence devait faire baisser les prix pour les consommateurs, c’est le contraire qui s’est produit, et l’énergie pèse de manière croissante dans le budget des ménages.

La précarité énergétique progresse pour 75 à 150 millions de personnes, or UE veut mettre fin aux tarifs régulés. Partout où les tarifs réglementés ont été supprimés, les factures se sont envolées. Un Italien paie son électricité 45 % plus cher qu’un Français, un Belge 40 %, un Allemand 80 %. L’accès de tous à l’énergie appelle des réponses politiques.

COOPÉRATION PLUTÔT QUE CONCURRENCE

Il faut passer de l’Europe de la concurrence à l’Europe de la coopération énergétique. La France doit être à l’offensive pour une politique européenne industrielle répondant à des objectifs de progrès humain et écologique. L’échelon européen est pertinent pour introduire des clauses sociales et environnementales dans les échanges internationaux.

n44-solar-cells-491703_1280
4,5% c’est la contribution du photovoltaïque dans la production globale d’électricité en Allemagne en 2013.

La création d’une agence européenne de l’énergie permettrait d’associer sécurisation, indépendance et long terme avec des objectifs communs, telle la réduction des gaz à effet de serre (GES), la recherche, le droit à l’énergie… La diversité des situations au plan européen concerne aussi les sources d’énergie possibles (nucléaire en France, charbon en Pologne…). Il faut prendre en compte le niveau des différentes technologiques (coût, stockage de l’électricité, stockage du CO2), en respectant trois critères : social, environnemental et économique.

L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres, se vendant au gré des cours de la Bourse et sujette à spéculations. La lutte contre le réchauffement climatique exige d’agir en conséquence.

Maîtriser le réchauffement climatique est une impérieuse nécessité, et c’est une bataille politique que le PCF entend bien mener. C’est le sens de la campagne, dont le PCF a pris l’initiative avec trente formations progressistes de toute la planète, lancée en janvier 2015 par une pétition. L’intervention des peuples est urgente et nécessaire pour pousser les États à conclure un accord positif lors de la tenue à Paris de la Conférence des Nations unies sur le climat, dite COP21, en décembre 2015. Un accord global est possible, à condition de dégager une vision solidaire du développement humain durable à l’échelle de la planète ; les décisions doivent être contraignantes pour les États, mais différenciées sur des principes de solidarité et d’équité.

Le PCF, à travers la GUE (Gauche unitaire européenne), propose de rompre avec les politiques d’austérité et de financer par l’endettement « sain » auprès de la BCE les programmes visant à une société bas carbone. Le marché et le recours au secteur privé ne sont pas à la hauteur des enjeux qui nécessiteront des temps longs et d’importants investissements publics. Le service public est incontournable, à l’opposé des politiques de dérégulation et de privatisation.

LE CASSE-TÊTE IMPOSSIBLE DE L’INTERMITTENCE

n43-europeNuit
L’électricité d’origine éolienne et photovoltaïque, du fait de leur intermitence (imprévisibilité) met en danger la stabilité du réseau. Le risque étant la panne générale pour toute l’Europe, comme l’ont connue les États-Unis.

L’arrivée sur le réseau européen de l’intermittence, électricité d’origine éolienne et photovoltaïque, met en danger la stabilité du réseau. Comme actuellement l’électricité ne se stocke que très difficilement, à moins d’avoir de nombreux barrages hydrauliques à disposition, et que la production d’énergies renouvelables (EnR) est prioritaire sur le réseau, elle y est déversée y compris aux périodes de faible demande. Elle est subventionnée et produite à coûts fixes, ce qui incite les exploitants à surproduire. Ainsi, les prix de gros de l’électricité en Europe sont tirés à la baisse durant les pics de production EnR, jusqu’à, devenir négatifs.

On assiste à des mises sous cocon de centrales thermiques, qui sont confrontées à des difficultés de rentabilité sur les marchés de l’énergie. Des pays comme la Suisse et la Norvège utilisent ces surplus de l’électricité via le stockage hydraulique. Ils achètent l’électricité lorsque son prix est très bas, la stockent et réservent leurs capacités de production pour la vendre au prix le plus fort aux heures de pointe.

En Allemagne, pays qui avait un objectif (non atteint) de 80 % de production d’EnR par l’éolien et le solaire, le prix de l’électricité est très élevé (presque le double du nôtre). Pour financer ces énergies « vertes » la facture d’électricité des Allemands est très fortement taxée, les industriels électro-intensifs bénéficiant quant à eux d’exonérations importantes. Le développement incontrôlé de l’électricité éolienne et solaire n’a pas permis de dimensionner le réseau de transport en conséquence. De ce fait, l’absence d’une capacité de transport suffisante entre le nord et le sud de l’Allemagne provoque des flux qui saturent les interconnexions des pays limitrophes. Le choix de développement tous azimuts des EnR en vue de la fermeture de toutes les centrales nucléaires contraint le pays à relancer la production à partir du lignite, particulièrement polluante et productrice de GES (plus de 60 % de l’électricité est produite par le charbon et le gaz).

SITUATION EN FRANCE

En France, le récent débat sur la loi de transition énergétique a montré que certains courants politiques sont affectés de mimétisme sur le modèle allemand.

Alors que, d’ores et déjà, certains électro-intensifs bénéficient de diverses exonérations de contribution du service public de l’électricité (CSPE) qui représentent un montant total d’environ 1 milliard d’euros, les dernières mesures de la loi TURPE les exonèrent aussi jusqu’à 90 % du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité. Ce manque à gagner pour financer les investissements sur les réseaux sera pris aux ménages ou aux PME, comme en Allemagne. Parallèlement, la loi Macron s’apprête à leur faire un dernier cadeau : leur octroyer le bénéfice d’un accès privilégié, au coût de revient, à l’hydroélectricité.

Des sommes monstrueuses s’accumulent : le CICE pour 20 milliards, le crédit impôt recherche pour 6 milliards, sans parler des exonérations sociales patronales et de l’exil fiscal (50 à 80 milliards d’euros par an). Si les entreprises fortement consommatrices d’énergie peuvent bénéficier d’une électricité compétitive et stable, cet avantage ne doit pas pénaliser les autres usagers. Il faut mettre en parallèle les politiques d’emploi, d’investissement sur les moyens de production, de recherche et développement…

La libéralisation du secteur a permis la création de nouveaux marchés, tel l’effacement sur les marchés de l’énergie. L’effacement consiste à couper temporairement le fonctionnement des appareils électriques chez un professionnel ou un particulier pendant quelques minutes lors de pics de consommation. Les agrégateurs d’effacement sont rémunérés par une taxe prélevée sur les factures des usagers. Ce système fait pression sur le renouvellement de nouveaux moyens de production dont notre pays a besoin à court terme et organise le concept de la décroissance énergétique. C’est une conception qui consistera à adapter les besoins à la production, à l’opposé du système électrique actuel.

PROPOSITIONS DU PCF

Il est temps d’en finir avec ces politiques de rachat des énergies « vertes » qui n’ont de cesse de créer des effets d’aubaine au détriment des consommateurs domestiques.

Il faut plutôt un mix énergétique diversifié, incluant toutes les énergies disponibles, privilégiant celles émettant le moins de CO2et prenant en compte le niveau de maturité des différentes technologiques avec le triple critère : social, environnemental et économique. Un mix énergétique où différents critères peuvent être privilégiés : compétitivité économique, faibles émissions de CO2, indépendance énergétique, prévisibilité des coûts et des tarifs, réponse aux besoins… Le modèle français avec son électricité hydraulique est bien placé en termes d’énergie renouvelable.

Une condition sine qua non de la réussite d’une transition énergétique ambitieuse est un effort public massif de recherche, devant être mené dans toutes les directions : énergies renouvelables ; nucléaire avec la Génération IV ; projet ITER ; charbon propre et captage de CO2 ; énergie océanique ; carburant hors carbone ; stockage de l’électricité ; économies d’énergies… Or un récent rapport remis au gouvernement sur les infrastructures énergétiques fait état d’un effort de recherche « au même niveau que celui de 1980 ». Les parlementaires communistes ont, à nouveau, dénoncé la privatisation du secteur énergétique dans le cadre de la loi de transition énergétique. Ils ont demandé, sans succès, l’abrogation de la loi NOME, loi scélérate qui a entre autres obligé EDF à vendre à ses concurrents le quart de sa production d’origine nucléaire. Elle a également mis fin aux tarifs réglementés pour les collectivités et les PME. Enfin, leur demande d’un bilan de la déréglementation du secteur énergétique n’a pas abouti.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.