Derrière les campagnes visant à régionaliser le service public de l’énergie, sous ouvert de proximité et de démocratie, se cache en réalité une arme de destruction massive contre le service public de l’énergie et sa cohérence à l’échelle d’un pays.
Des débats sur la transition énergétique émerge un discours d’autonomie régionale tant pour la production d’électricité que pour la distribution de l’électricité et du gaz. Certaines collectivités reviendraient à un système de distribution régionale à travers une gestion locale type régie ou société publique locale. Les arguments avancés peuvent paraître louables, comme un meilleur contrôle des élus pour répondre à la précarité ou aux économies d’énergie, mais tous cachent le véritable but : la fin du service public national, de la péréquation tarifaire et des tarifs régulés, in souhaitée par la Commission européenne. Les élus EELV (et ils ne sont pas les seuls à gauche) y voient aussi un moyen pour casser EDF et sortir du nucléaire.
RÉSEAU NATIONAL : DU TECHNIQUE AU CHOIX POLITIQUE
Or les moyens de production sont inégalement répartis sur le territoire national. Par exemple, la Bretagne ne produit que 8 % de ce qu’elle consomme, à la différence de Rhône-Alpes, qui détient bon nombre de moyens de production. Il est donc illusoire de croire que les questions énergétiques pourraient se résoudre au niveau local. Une régionalisation de l’énergie rendrait caduque la solidarité entre régions et mettrait en cause l’accès à l’énergie, tout simplement. Ce serait même synonyme de la fin du service public national de l’énergie, qui a fait ses preuves depuis 1946.
En effet, le choix d’une gestion décentralisée, qui signifierait la fin de la péréquation tarifaire, serait également celui d’un système moins fiable, car l’électricité ne se stocke pas, et l’équilibre entre offre et demande doit être réalisé en permanence, ce qui nécessite une vision nationale du système. Ce serait également moins sûr, car en cas de dégâts dus à des aléas climatiques l’existence d’un dispositif d’urgence permettant de mobiliser rapidement moyens techniques et salariés du service public d’ERDF-GRDF afin d’être en capacité de réparer rapidement un réseau est intimement liée à l’existence d’un distributeur de la taille d’ERDF. Il semble donc peu raisonnable de se séparer du modèle actuel.
Les prix, étant fixés nationalement sur la base de coûts nationaux, sont les mêmes sur tout le territoire du fait de la péréquation ; certaines concessions sont naturellement excédentaires et d’autres déficitaires : 20 % du territoire, surtout les grands centres urbains, sont excédentaires, tandis que les 80 % restants sont déficitaires. Si les tarifs devaient être fixés par concession, le prix de l’acheminement pourrait baisser de 20 % pour quelques-unes des premières (d’où les velléités de certains élus qui y verraient un moyen de renflouer les caisses de leurs communes), tandis qu’il devrait augmenter jusqu’à plus de 50 % pour une partie des secondes. Aujourd’hui, il y a deux fois plus d’investissement par consommateur rural que par consommateur urbain, puisque les investissements sont pour moitié destinés au rural, qui ne représente que 25 % de la clientèle.
D’autre part, la modernisation des réseaux va nécessiter des investissements qui sont évalués aujourd’hui à hauteur de 3 milliards d’euros par an, difficilement réalisables à une échelle régionale.
ENR, TRANSITION RÉUSSIE ET RÉSEAU NATIONAL
Mais ne soyons pas dupes. Dans ce débat, il s’agit également d’impulser une expansion régionalisée d’énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) dont le seul mérite réel est de garantir aux investisseurs, grâce à des prix de reprise totalement artificiels, une rentabilité payée par le consommateur individuel via une taxe (la contribution au service public de l’électricité, CSPE).
Mais on ne peut se dispenser d’être raccordé au réseau parce que sans vent ou la nuit il faut bien avoir du réseau pour avoir l’électricité.
De plus, l’implantation géographique des ENR est rarement celle des lieux de consommation. Par exemple pour le photovoltaïque : son développement se fait là où le coût du terrain permet d’optimiser la rentabilité du projet, ce qui oblige à développer des réseaux au milieu de nulle part.
Ainsi le développement des énergies renouvelables va accroître la nécessité de développer des solidarités territoriales et les réseaux pour remédier à leur intermittence… D’ailleurs et contrairement à une idée reçue, la quasi-totalité des éoliennes et panneaux photovoltaïques est raccordée au réseau car, au vu du tarif de rachat, il n’est pas très séduisant de consommer l’électricité qu’on peut vendre cinq fois plus cher.
L’exemple de l’Allemagne est édifiant. L’augmentation de la production d’électricité éolienne, venant de la mer du Nord nécessite la construction de 1 800 km de réseau très haute tension pour acheminer l’électricité produite. Le manque d’interconnexions et de maillage national, voire européen, revient à développer les productions individuelles via des groupes électrogènes pour remédier aux intermittences. Ces évolutions ne contribueront pas à diminuer nos émissions de CO2 par habitant, bien au contraire.
TRANSITION, CONCESSIONS ET SERVICE PUBLIC
La loi sur transition énergétique qui sera débattue à l’automne comporte entre autres l’ouverture à la concurrence des concession hydrauliques. Or les besoins de financements sont considérables pour une vraie transition énergétique, et il serait inadmissible de participer à la grande braderie de notre parc hydraulique, qui y contribue grandement. Car l’hydroélectricité contribue aux multiusages de l’eau, comme la gestion des crues, la sécurité des biens et des personnes, mais elle permet aussi de répondre aux besoins de consommation de pointe. Notre hydroélectricité participe à faire face également à l’intermittence des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque. L’eau est un bien commun de la nationet un droit universel.
La privatisation même partielle dans le cadre de sociétés d’économie mixte, qui seraient détenues par l’État à 51 %, les 49 % restant étant ouverts à la concurrence par appels d’offres, contribue au démantèlement du secteur énergétique et du service public. Quel avenir pour le personnel ? avec quel statut ? Ce personnel qui porte les valeurs du service public, toujours prêt à servir l’intérêt général en assurant, lors d’intempéries par exemple, la continuité du service public.
Nous avons besoin de plus de services publics, toujours plus démocratisés pour servir l’intérêt général, de plus de concertation, de lieux d’échange, de plus de coopération industrielle dans le secteur énergétique en France, en Europe et dans le monde.
INCOHÉRENCES OU TRANSITION AVEC LES POPULATIONS
La réforme des institutions territoriales voulue par François Hollande ne doit pas remettre en cause la cohérence nationale du secteur énergétique par un transfert de cette compétence aux grandes régions et en laissant ainsi le champ libre à la « main invisible » du marché. L’ensemble du secteur serait entraîné par des incohérences, des désoptimisations dans l’objectif d’une recherche d’une rentabilité immédiate pour enrichir les plus gros actionnaires de ces grands groupes au détriment des salariés et de missions de service public dignes de ce nom.
Ainsi, on assiste à des absurdités comme la loi no 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) obligeant EDF à revendre à ses concurrents privés une partie de la production d’électricité des centrales nucléaires construites par l’investissement public, et donc par les citoyens, au nom de la concurrence « libre et non faussée » !
Ces politiques capitalistes de recherche de profit et de dividendes sont incompatibles bien souvent avec des politiques industrielles et sociales de haut niveau ; elles génèrent d’immenses gâchis financiers. Voilà le vrai visage du dogme libéral où la concurrence est censé profiter au consommateur !
Le Parti communiste français prendra toute sa place pour que, dans le débat du projet de loi sur la transition énergétique, les exigences d’une transition énergétique écologique, humaine et sociale émergent avec comme objectif essentiel la réponse aux besoins humains.
*VALÉRIE GONCALVES est membre du Conseil national du Parti communiste français, et responsable de la commission nationale de l’énergie.
DIFFÉRENTS RÉGIMES D’EXPLOITATION DES OUVRAGES HYDRAULIQUES
Les installations de moins de 4,5 MW sont soumises à un régime d’autorisation au titre du livre V du Code de l’énergie, qui renvoie au livre II du Code de l’environnement. Ces installations peuvent appartenir à des particuliers, à des entreprises ou à des collectivités qui les exploitent et revendent l’électricité ainsi produite. Elles nécessitent l’obtention d’une autorisation délivrée par le préfet pour une durée limitée et dont les règles d’exploitation sont fonction des enjeux environnementaux. Les installations de plus de 4,5 MW sont, quant à elles, soumises au régime de la concession.
Appartenant à l’État, elles sont exploitées par un concessionnaire. Pour les installations entre 4,5 MW et 100 MW, la concession est délivrée par le préfet. Au-delà de 100 MW, la concession est approuvée par décret en Conseil d’État, c’est dire qu’elle relève de la compétence du Premier ministre sur proposition et rapport du ministre en charge de l’énergie, qui est compétent pour signer le contrat conclu entre l’État et le concessionnaire retenu.
C’est la loi sur l’eau no 2006-1772 du 30 décembre 2006 qui a supprimé le droitde préférence du concessionnaire sortant à la suite des directives de la Commission européenne.
UN MAILLON ESSENTIEL : LES STEP
Les centrales de pompage-turbinage, appelées STEP (stations de transfert d’énergie par pompage), disposent d’un réservoir supérieur et d’un réservoir inférieur, reliés par une conduite forcée au bas de laquelle sont installés des groupes réversibles qui pompent l’eau vers le réservoir supérieur pendant les heures creuses (nuit, week-end) puis la turbinent pendant les heures de pointe.
La plus puissante est celle de Grand’Maison, dans l’Isère, mise en service en 1988 et dont la puissance est de 1 800 MW. La puissance de ces STEP est de 24 000 MW, dont 12 000 de puissance de pointe mobilisable en quelques minutes et indispensable à la sécurité du système électrique. La puissance totale électrique installée est de 100 000 MW.
bonjour Valérie
un document net précis et fort utile pour celles et ceux qui militent sur le terrain
avec cependant une conclusion disons évasive
salutations fraternelles Philippe MASLONKA