Cadre de vie, environnement, écologie : notons que ces mots ne recouvrent pas la même chose et que leur définition bouge avec le temps.
Pour beaucoup l’affaire serait entendue : le PCF ne s’est jamais occupé de ces questions ; il aurait pris le train en marche et, de plus, il ne pouvait faire mieux car, par définition, c’est un parti productiviste. Certes, le PCF a eu des retards quant à la prise en compte d’une conception globale de l’exploitation des hommes entre eux et des hommes sur la nature par le système capitaliste.
Le soutien au « système soviétique » l’a souvent empêché de regarder la réalité en face ; c’est-à-dire la manière dont son fonctionnement conduisait, « au nom » de la nécessité de produire et de rattraper le capitalisme, à des désastres écologiques. Mais cela cache une autre réalité. Il y a la volonté dans la bataille idéologique d’éliminer Marx et le Marxisme du champ des discussions concernant l’écologie. De ce point de vue les choses bougent, des textes sont publiés et surtout on relit Engels et Marx. On pourra revenir sur leurs travaux mais le dernier livre de J. B. Foster « Marx écologiste » remet historiquement les choses à leur place (1).
Il y a surtout la volonté de cacher les réflexions, les positions politiques et les initiatives des communistes pour protéger et améliorer l’environnement et le cadre de vie des gens. J’ai donc cherché dans les archives les textes anciens, les coupures de presse, les travaux de congrès du PCF, les livres. La réalité n’est pas celle qu’on prétend exposer ou que l’on veut imposer. Par exemple, on oublie le travail effectué par les mairies dirigées par les communistes pour les espaces naturels, l’eau, l’urbanisme, l’énergie, les transports…
Il faut bien commencer à un moment donné. Je pense que la réunion du comité central d’Argenteuil des 11 au 13 mars 1966, marque une étape décisive dans la réflexion du PCF. La résolution adoptée affirme que le siècle où nous vivons est « aussi celui de la mathématique, de la physique, de la chimie, de la biologie, le siècle de l’énergie nucléaire, de la télévision et de la cybernétique, un grand siècle de création artistique et littéraire ». « L’accumulation d’armements nucléaires fait peser sa menace sur le monde. La faim, l’inculture et l’oppression demeurent la réalité quotidienne pour des centaines de millions d’êtres humains »(2).
Cette résolution propose l’élaboration par les partis et organisations démocratiques d’un programme commun qui permette de mettre en valeur les ressources dont dispose la France. La démocratie « contribuera » à la solution des problèmes de la construction, de l’urbanisme, de la santé, de l’équipement culturel et sportif. « Elle rendra possible des actions concrètes et à longue échéance sans briser la nécessaire unité de la science, ni sacrifier les disciplines jugées aujourd’hui non rentables, dans les sciences de la nature comme dans celles de la société ». Cela reste d’actualité !
Mais « le développement de la science nécessite les débats et les recherches. Le Parti Communiste Français ne saurait contrarier ces débats ni apporter une vérité a priori, encore moins trancher de façon autoritaire des discussions non achevées entre spécialistes ». Quand on constate aujourd’hui comment certains affirment sans argument, suivent des dogmes ou des croyances plutôt que des réflexions fondées sur des apports scientifiques pour, en fin de compte, dire non au débat, cette phrase méritait d’être citée. Waldeck Rochet dans son discours de clôture revient sur Marx « qui, dans ses thèses sur Feuerbach, relatives au côté actif de la pensée humaine a avancé la grande idée selon laquelle la pensée humaine permet à l’homme de promouvoir la nature et la société, non pas en les contemplant mais en agissant sur elles et en les transformant ».
Le problème est, en effet, comment agir et dans quel sens transformer ? « De nos jours, les hommes voient grandir leur capacité d’agir, aussi bien sur les phénomènes de la nature en vue de soumettre celle-ci à leurs besoins, que sur le développement de la société, en créant de nouveaux rapports sociaux qui répondent au développement des forces productives modernes». « La liberté de l’homme consiste essentiellement à connaître les lois du développement de la nature et de la société et à s’en servir habilement dans son activité pratique ». On voit bien que la dénonciation de l’exploitation de l’homme par l’homme, tend à minimiser ou à mettre au second plan l’exploitation de la nature et ses conséquences. Mais le débat est bien lancé. Le PCF se met au travail sur l’environnement et sur son programme. Dès 1968-1969, sous l’impulsion de René Le Guen et de Roland Leroy, une commission travaille sur les questions scientifiques et techniques du moment dont celle touchant à l’écologie.