Le point de vue d’Hugo Pompougnac, secrétaire national de l’Union des Étudiants Communistes.
Il s’agit ici de tracer la voie à une grande filière technologique, qui puisse enseigner aux étudiants les métiers auxquels ils aspirent dans toute leur diversité.
Les mesures que la ministre de l’Enseignement Supérieur, Geneviève Fioraso, veut voir appliquer aux Instituts Universitaires de Technologie manifestent son mépris pour les filières technologiques et pour les métiers auxquels elles préparent. Les jeunes qui s’y forment, pour beaucoup d’entre eux, ont obtenu de bons résultats au baccalauréat; 54 % d’entre eux, du reste, poursuivent leurs études après le DUT, à l’université ou en école d’ingénieur. Il n’en faut pas plus pour susciter l’ire du ministère: les IUT n’ont pas à former de salariés aussi qualifiés ! Ils sont là, à la limite, pour apporter un surcroît de compétence aux élèves qui ont rencontré des difficultés dans leur scolarité. C’est cette démarche qui a présidé à la mesure proposée cet été, consistant à imposer des quotas pour rendre les IUT à leur vocation d’universités du pauvre. Cette proposition ne figure finalement pas dans la loi Fioraso: elle n’en est pas moins symptomatique de l’aveuglement du gouvernement sur les grandes questions éducatives, industrielles et professionnelles. C’est évident, il faut répondre au problème de l’échec scolaire; il faut mettre des enseignants, des personnels et des locaux à la disposition des enfants et des adolescents de notre pays. Il faut rendre le droit à l’école à tous ces élèves, plutôt que de gonfler artificiellement les chiffres de la réussite scolaire en décidant arbitrairement quelle sera leur nouvelle voie de garage. Et il faut leur donner accès à une filière technologique de qualité.
Les IUT forment des salariés qualifiés dans des secteurs aussi divers et aussi stratégiques que les télécommunications, l’informatique industrielle ou le génie des matériaux. Des secteurs indispensables, tant pour remplacer à court terme les salariés issus du babyboom partant en retraite, que pour répondre aux défis d’avenir auxquels notre pays est confronté. La qualification acquise en DUT mérite d’être systématiquement reconnue dans les conventions collectives, mais également d’ouvrir à de véritables licences technologiques nationales. Le caractère territorial des diplômes et des formations est en effet un obstacle au développement des savoirs et des savoirfaire dans le pays.
Car, en effet, les savoirs et les savoir-faire délivrés dans les filières technologiques sont précieux. Si Geneviève Fioraso, en visite à Chimie ParisTech, s’érigeait en garante de l’étanchéité des écoles d’ingénieurs par rapport à l’ensemble du système universitaire, il faut au contraire en finir avec cet héritage élitiste. Les formations technologiques n’enseignent pas à exécuter éternellement les mêmes instructions : c’est une maîtrise professionnelle, une compréhension scientifique, des méthodes de travail qu’elles transmettent. Et, pour preuve, 18 % des étudiants qui en sont issus suivent finalement des cursus d’ingénieur. Personne n’est destiné aux travaux de conception, et personne n’est destiné aux travaux d’exécution. Dès lors, pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux, alors même qu’il faudrait, de l’aveu même de la Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d’Ingénieurs, former 10000 ingénieurs supplémentaires par an?
Les conditions sociales des étudiants sont un véritable frein à la mise en œuvre d’une politique éducative ambitieuse. Pour leurs seuls frais locatifs, par exemple, ils dépensent en moyenne 600€ par mois. Les aides délivrées par les Œuvres Universitaires, qui n’ont pas évolué depuis des décennies, sont insuffisantes pour répondre à de tels coûts. Par conséquent, si les familles peuvent accepter de payer les frais de vie et de scolarité jusqu’au DUT, elles ont rarement les moyens de continuer durant cinq ans… C’est d’autant plus vrai que les exigences de ces cursus interdisent aux élèves et aux étudiants de prendre un «petit job» pour assumer leurs dépenses. Ainsi, les portes restent closes pour la majorité d’entre nous.
Les leviers existent pourtant pour abattre les barrières qui séparent les filières technologiques des écoles d’ingénieur. Les enjeux professionnels sont distincts, mais complémentaires selon que l’on se dirige vers des métiers de haute technicité ou vers des travaux de conception; la fracture pédagogique que le ministère entend promouvoir restreint l’accès à des qualifications qui sont pourtant nécessaires au développement du pays. La principale difficulté résidant dans les conditions sociales des étudiants, donnons-leur les moyens de vivre, et singulièrement de se loger. Instaurons des dispositifs nouveaux dans ce sens, qui permettent de plafonner leurs frais locatifs en fonction des aides sociales qu’ils perçoivent. Faisons confiance, enfin, à leur capacité de travail, à leur professionnalisme et à leur sérieux.