Le 22 juillet dernier, l’assemblée nationale adoptait une nouvelle loi-cadre pour l’enseignement supérieur, la « loi Fioraso ». Les commentateurs s’en sont brièvement emparés avant l’été, au nom de la défense de la francophonie et de la littérature française. C’est précisément le traitement lapidaire et sélectif auquel la réforme de l’enseignement supérieur est réduite depuis le début des années 2000. Les étudiants qui travail- lent sur les bancs de l’université française sont pourtant les salariés, les ingénieurs et les cadres de demain ; ceux dont l’entreprise est délocalisée par caprice, ceux qui nourrissent le progrès professionnel du pays, ceux qui s’effondrent sous la pression du «Wall Street Management ». Les maîtres d’œuvre de cette offensive législative le savent bien, qui imposent leurs mesures tambour battant au nom de « l’employabilité » de la « compétitivité » du marché du travail… La réforme de l’enseignement supérieur est une réforme de l’emploi qui ne dit pas son nom, et elle porte un projet scientifique, industriel et social pour la France. La loi Fioraso elle-même repose sur les lignes de force qui ont animé les politiques précédentes. Il s’agit, d’abord, de tourner définitivement la page des diplômes nationaux au profit de certifications régionales. La politique éducative du quinquennat Sarkozy avait déjà mis tous les cadres de régulation au placard : les intitulés se sont aussitôt multipliés, en fonction des établissements et des régions. Les diplômes, dès lors, servent de support à la concurrence territoriale la plus sauvage. Chaque nuance dans le contenu des certifications peut être utilisée pour opposer deux candidats et pour tirer leurs conditions d’embauche vers le bas. Le chômage des jeunes diplômés a ainsi gagné trois points durant cette période. C’est la vitalité et la qualité du monde du travail qui s’en ressentent, quand les mécanismes de formation initiale sont à ce point soumis à l’arbitraire, au caprice et aux pressions locales… Et la loi Fioraso ne décolle pas de ces logiques. Elle permet aux établissements d’habiliter leurs programmes dans le cadre de « schémas régionaux » quand, auparavant, cette responsabilité était du ressort de l’État… Il est temps de se battre pour le cadrage, non seulement national, mais professionnel des diplômes; pour adosser des conditions minimales d’emploi et de salaire à chaque certification. Il s’agit, ensuite, de continuer la « professionnalisation » au nom de laquelle le gouvernement Sarkozy avait invité les chefs d’entreprise à prendre leurs aises dans les instances dirigeantes de l’université. Ils y ont organisé les fameux modules d’employabilité, qui, loin de valoriser et de transmettre les métiers, les ont remisés au placard. Auto-marketing ou rédaction de CV, autant de compétences qui n’ont pas le moindre intérêt dans quelque branche professionnelle que ce soit, qui ont simplement vocation à faire du chômage et de la recherche d’emploi l’alpha et l’oméga des parcours professionnels. Par conséquent, depuis, seuls 20 % des diplômés s’installent dans l’emploi à l’issue de leurs études. La « compétitivité » des universités est le creuset du chômage de masse et du démantèlement des métiers… Et la formation dispensée n’en est que plus lacunaire et inadéquate. Les nouveaux pouvoirs dont disposent les établissements privés avec la loi Fioraso, notamment ceux d’évaluer les diplômes, accentuent la pression sur les filières et sur les métiers. Il faut au contraire mettre les certifications à la base du progrès social et professionnel, dans le cadre de formations sérieuses. L’université n’a pas besoin de ces modules déprofessionnalisants: elle est par contre orpheline d’une véritable filière technologique, pour permettre aux salariés de demain d’apporter une contribution nouvelle au monde du travail. Il s’agit, enfin, de réaffirmer les dogmes budgétaires qui paralysent l’enseignement supérieur. L’autonomie des universités met les établissements en faillite les uns après les autres, au point que certains d’entre eux, en l’absence de moyens, sont forcés de recourir au hasard pour sélectionner les étudiants. Conçues pour renforcer l’influence des « mécènes » entrepreneuriaux dans les diplômes, ces mesures font peu de cas de la qualité des formations. Elles substituent les personnels vacataires aux titulaires, elles ont un impact considérable sur les équipements et elles ferment la porte du diplôme à des milliers d’étudiants ; en un mot, elles interdisent les formations de qualité dont le pays a besoin. La loi Fioraso, qui crée des communautés d’universités unilatéralement responsables de l’exécution de leur budget, aggrave encore la situation. Il faut, au contraire, donner les moyens aux établissements de délivrer des diplômes de qualité. La fin de l’autonomie budgétaire est nécessaire et doit être le premier pas vers le réinvestissement massif dans nos institutions d’enseignement supérieur et de recherche.
Le point de vue de HUGO POMPOUGNAC, secrétaire national de l’UEC (Union des étudiants communistes)