La coopération internationale sera le genre humain, Clément Chabanne*

*Clément Chabanne est membre du comité de rédaction de progressistes

Les incendies de l’été ont été terribles. Ils ont mis en évidence le fait que, face à des catastrophes qui sont appelées à se multiplier, les coopérations internationales devront être développées avec une ampleur inconnue à ce jour. De l’envoi de matériel et de moyens humains pour faire face à l’urgence au partage des savoir-faire et des connaissances pour assurer une reconstruction des espaces ravagés adaptée aux évolutions climatiques, les partenariats internationaux ont été et seront de plus en plus indispensables. L’exemple tragique du séisme qui a frappé la Turquie, la Syrie et le Kurdistan montre la nécessité de solidarités internationales immédiates et de réflexions communes sur les constructions en zone sismique.

La recherche et les services publics seront indéniablement aux avant-postes de ces coopérations, dont l’efficacité ne peut que reposer sur une logique qui écarte la concurrence capitaliste et les conflits qu’entraîne la volonté de conquérir des parts de marché. La recherche publique, pour s’intégrer dans ces coopérations doit retrouver un mode de financement qui corresponde à ces exigences d’investissement de long terme.

L’ampleur du défi est telle qu’un élargissement du champ économique sorti des logiques du marché concurrentiel est un impératif. La crise sanitaire en a été un révélateur. Quelle responsabilité portent les laboratoires privés accrochés à leurs profits quand la propriété des brevets signifiait l’incapacité pour une large part de la population mondiale d’avoir accès à la vaccination ? De grands pays émergents dénoncent depuis longtemps le monopole sur des connaissances médicales fondamentales exercé par les multinationales du Nord, qui entraînent des milliers de morts évitables au nom du respect de la propriété intellectuelle des grands groupes. Toutes les grandes industries répondant à nos besoins fondamentaux ont besoin de ces échanges scientifiques, de ces coopérations techniques incompatibles avec des logiques de rentabilité qui culminent dans la guerre économique – qui n’est qu’une dimension de la guerre tout court. De plus en plus, l’appropriation marchande des connaissances et des techniques s’affirme comme l’un des principaux obstacles au progrès humain. Aujourd’hui, le risque est grand que la logique guerrière à l’œuvre ampute l’humanité de ces échanges, à l’heure où un seuil d’innovation doit être franchi pour répondre à nos défis communs. Les obstacles à la diffusion des connaissances ne seraient plus alors seulement pécuniaires : les lois de la guerre graveraient dans le marbre la division de l’humanité dans la circulation des savoirs. Les mises au ban des communautés scientifiques, techniques, culturelles qui se dessinent à mesure de l’enlisement de la guerre en Ukraine nous enfermeraient dans une logique de blocs et d’affrontement absolument destructrice.

Des forces s’activent pour ériger un mur entre deux parties de l’humanité. Or, pas plus d’un côté que de l’autre, les êtres humains ne sont en mesure de se passer de la moitié de l’intellectuel collectif, des innovations techniques, des savoir-faire et des forces de travail. La communauté scientifique, à l’heure où l’humanité tout entière fait face au changement climatique, peut être un vecteur de paix et de coopération et maintenir vivant des liens internationaux si abîmés dans tant d’autres domaines. Elle a su le faire par le passé, même au plus fort de la guerre froide. À l’heure où des inquiétudes similaires refont surface, elle peut encore endosser ce rôle.

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