Le génie cubain contre l’école soviétique Taylan Coskun

Dans les pas de l’école soviétique d’échecs

Taylan Coskun est membre du comité de rédaction de Progressistes

Article paru dans le numéro 31 de progressistes (janvier-février-mars 2021)

« Ceux qui désirent s’améliorer doivent considérer leurs défaites comme des leçons et s’efforcer d’apprendre d’elles afin d’éviter qu’elles se reproduisent. Vous devez aussi avoir le courage d’affirmer vos convictions. Si vous pensez que votre coup est le bon, jouez-le ! » José Raúl Capablanca

Né le 19 novembre 1888 à La Havane, José Raúl Capablanca, troisième champion du monde de l’histoire des échecs, est un joueur mythique. Il est considéré par beaucoup d’amoureux du jeu comme le meilleur de tous les temps. Tant d’anecdotes se racontent sur ce gentilhomme qui a appris les échecs à l’âge de cinq ans… en regardant son père jouer, sur celui qui a fait le tour du monde comme diplomate de l’État cubain, poste qui lui a permis de participer aux tournois dans différents pays et d’exercer son art sans se soucier de questions matérielles. Cet hidalgo élégant et délicieux, capable de relever des défis par sens de l’honneur et rendre des services aux joueurs en difficulté, était un séducteur aussi : après être resté invaincu pendant près de dix ans, il perdit en tournoi une partie contre un autre grand joueur, Richard Réti, lors d’un tournoi car il aurait été perturbé par la présence de sa femme et de sa maîtresse au même moment parmi le public.

Au tournoi international de Moscou de 1936, qu’il remporta, il battit tous les maîtres de l’école soviétique (exploit que seul Robert Fisher réitérera dans les années 1965-1970). À cette occasion, le Cubain se serait plaint auprès de Staline en disant : « Vos joueurs trichent ! Quand ils jouent les uns contre les autres ils font des nulles rapides pour réserver leur force contre moi ! » Comme quoi les échecs ont été aussi un jeu collectif pour l’école soviétique.

Le style de jeu de Capablanca, d’apparence simple, est d’une grande subtilité : ses parties sont de véritables diamants. Quand j’ai visité Cuba, comme une révélation son style m’est apparu à l’image de cette île et de son peuple : de la simplicité et une grande finesse alliées à un courage hors norme quand il s’agit d’affronter les ouragans, fréquents de cette région, et l’agressivité d’un pays voisin. Comme un palmier : plier sans rompre, pour surmonter les catastrophes et l’adversité. Ainsi dans de nombreuses parties voit-on Capablanca obtenir un petit avantage et absorber, imperturbable, les charges violentes des adversaires qu’il esquive tel un toréro pour sortir gagnant des complications. La partie dont je vous propose de deviner les coups, jouée à New York en 1918, est exemplaire de ce style. Agressé par une nouveauté d’ouverture concoctée par le champion des États-Unis Frank Marshall, Capablanca accepte le sacrifice d’un pion et supporte avec ténacité une tempête sur l’échiquier. Une fois les possibilités d’attaque adverse épuisées, il gagne avec finesse grâce à l’avantage qu’il a su garder pendant le milieu du jeu.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.