Pour que Twitter soit un bien commun mondial

C’est un pouvoir démesuré que vient de s’octroyer Elon Musk en rachetant la plate-forme Twitter pour 44 milliards de dollars le lundi 25 avril 2022. Avec près de 221 millions d’abonnés, Twitter est de fait incontournable dans le monde de l’information. Aucun journaliste, ni même aucun acteur de la sphère politique, économique ou sociale, ne peut en faire l’impasse. Twitter s’apparente à un service public de l’information de dimension mondiale : c’est devenu un monopole de fait.

Est-il légitime qu’une seule personne, ou même un groupe de personnes, puisse détenir un tel pouvoir ? C’est une vraie question politique et morale. L’argent ne peut pas tout acheter. Si nous sommes attachés aux valeurs de partage des pouvoirs, de la neutralité de l’information et de la liberté de la presse, nous ne pouvons pas accepter cette situation. Twitter appartient à l’humanité, et sa propriété doit être collectivement partagée et remise aux peuples, dont l’institution représentative la plus avancée et la plus démocratique reste aujourd’hui l’ONU.

C’est pourquoi nous appelons à ce que la plate-forme Twitter, du fait du monopole mondial qu’elle constitue dans le domaine de l’information, devienne un bien commun mondial et soit administrée par une instance de l’ONU, par exemple une branche de l’UNESCO ou de l’UIT (Union internationale des télécommunications). Il s’agit ici de lancer une démarche d’ONU-isation de cette plate-forme, comme on a connu à l’échelle des États des processus de nationalisation. Les fonds nécessaires à l’échelle mondiale pour le rachat de cette plate-forme sont relativement modestes au regard des enjeux, pourvu qu’une volonté politique et un débat s’installent autour de cette exigence démocratique.

Cet appel pourrait être un prélude à une démarche similaire pour les plates-formes Google et Facebook, qui s’apparentent également à des services publics de dimension mondiale. Un modèle économique finançant le fonctionnement de ces plates-formes est à inventer, hors des logiques de profits dégagés par la collecte d’informations personnelles des utilisateurs, collecte qui constitue un grave danger pour nos libertés.

La France doit porter haut et fort cette demande auprès de l’ONU et de ses partenaires européens. Nous demandons à Emmanuel Macron, actuel président de la République française en charge de la présidence de l’Union européenne, à Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, et à Joe Biden, président des États-Unis d’Amérique, d’œuvrer dans ce sens.

Plus largement, nous appelons tous les citoyens à travers le monde, internautes, professionnels du numérique, mais aussi les forces progressistes, politiques, syndicales et de la société civile à faire grandir cette exigence démocratique et à demander que leurs pays respectifs portent également cette demande à l’ONU.

JEAN-FRANÇOIS BOLZINGER, directeur de la publication

AMAR BELLAL, rédacteur en chef

Pétition à signer en ligne sur le site https://revue-progressistes.org ou https://www.change.org/Twitter_bien_commun_mondial

Article paru dans le numéro 34-35 de progressistes (octobre 2021-mars 2022)

2 réflexions sur “Pour que Twitter soit un bien commun mondial

  1. Bonjour,
    L’éditorial du n°34-35 de mars 2022 de la revue Progressistes est constitué par une pétition concernant Twitter.
    Le texte présenté amène plusieurs commentaires.
    Partant du principe que Twitter est de fait incontournable dans le monde de l’information ou dans la sphère politique, il en est déduit qu’une seule personne ne peut détenir le pouvoir que donne cet outil devenu un monopole de fait.
    Bien sûr les acteurs politiques et les journalistes en font un usage permanent et non critique.
    Bien sûr les journalistes ont tendance à en faire une de leur source d’information principale.
    Bien sûr cela donne un pouvoir très important à son propriétaire.
    Faut-il pour autant porter une revendication pour en faire un bien commun mondial ?
    Twitter est d’abord un outil qui permet à n’importe qui de dire n’importe quoi en un nombre de caractères limités.
    Le fait qu’un homme ou un groupe d’individu puisse posséder un pouvoir est-il lié à l’outil ou au principe même d’organisation du monde néolibéral ?
    Ne se trompe-t-on pas de bataille en ciblant un outil, plutôt que le fond de la question ?
    Les journalistes utilisent Twitter comme source d’information. Quelle question cela soulève-t-il ? Celle du statut de l’application ou celle de la démarche des journalistes ?
    Le sujet n’est-il pas ici celui de la formation des journalistes et le cadre de leur travail dans les rédactions ?
    Des journalistes formés correctement, en capacité d’investiguer et d’analyser dans leurs rédactions seraient-ils sous l’emprise de Twitter (ou de n’importe quel autre outil) ?
    La cible qui doit être visée n’est pas une application ou une autre (Twitter sous le contrôle de l’ONU n’empêchera en rien la mise sur le réseau d’un autre outil qui finira par avoir la même emprise si rien d’autre ne change), mais plutôt les conditions de formation et de travail des journalistes.
    Dans un contexte où la société néolibérale est là pour encore quelques temps, c’est bien la bataille menée par les salariés concernés, avec l’appui des citoyens, qui est la seule garantie de disposer d’une vraie information.
    Dans le même esprit l’usage immodéré de Twitter dans la sphère politique est-il lié à l’application ou à la nature du débat politique ? Dans un cadre où les petites phrases, le buzz à tout prix remplacent le débat de fond, Twitter a effectivement une place de choix. Que faut-il faire, un bien commun mondial ou tenter de faire évoluer le contenu du débat politique ? L’évolution du débat passe-t-il par le changement de « propriétaire » d’une application ou par une approche de la politique au contact des citoyens ?
    Concernant les autres sujets abordés dans l’éditorial, Facebook et Google, les considérer comme des services publics est un peu surprenant.
    Facebook est une plateforme qui, là aussi permet tout et n’importe quoi, des choses intéressantes et d’autres sans intérêt.
    A part sa dimension, elle n’est pas très différente de ce point de vue de beaucoup d’autres applications ou plateformes. Faudra-t-il au fur et à mesure des succès plus ou moins prononcés de celles-ci en faire des biens communs mondiaux ?
    Si tel est le cas, cela risque d’être un processus continu et sans fin. Et surtout sans résultat véritable, une nouvelle plateforme ou application remplaçant l’ancienne.
    La solution ne consiste-t-elle pas, comme cela est fait déjà dans le monde de l’éducation et associatif, à former les utilisateurs du point de vue réflexion critique ?
    Là aussi plutôt que d’aborder le sujet par le statut « juridique » de l’outil, il est préférable de s’appuyer sur la pratique des utilisateurs et sur leurs attentes.
    Enfin, Google a une fonction différente des autres outils abordés, puisqu’il est impossible d’utiliser pleinement internet sans moteur de recherche. Un moteur de recherche est un passage obligé.
    Dans un fonctionnement du monde tel qu’aujourd’hui, il y aura toujours des outils privés.
    Faut-il aller dans le sens d’une ONU-isation ?
    Ne serait-il pas plus efficace et plus simple d’impulser une démarche pour un soutien au développement des outils alternatifs indépendants des multinationales.
    Par exemple en intégrant les activités de développement et de mise au point dans un cadre de R&D publique (universités ou centres de recherche publics) avec des moyens humains et des budgets garantis sur le long terme.
    La plupart des utilisateurs sont loin d’être insensibles à qui se « cache » derrière l’outil qu’ils utilisent. Sous réserve que les performances et interfaces soient au niveau, les utilisateurs peuvent être les acteurs d’une évolution d’usage qui sera pérenne et bien plus efficace car faisant appel à une prise de conscience collective.
    La pétition proposée donne l’impression de vouloir pendre les problèmes par le « haut » plutôt que de partir des citoyens.
    Fraternellement.
    Patrice Thérond.
    69800 Saint-Priest

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.