Renault Lardy menacé de démantèlement : l’ingénierie automobile française sacrifiée

            En fin d’année dernière, les dirigeants de Renault ont profité des « vœux » aux salariés pour présenter la nouvelle stratégie R&D du groupe à moyen terme. Les salariés du site de Lardy dans l’Essonne se sont vus annoncer rien moins qu’une menace de démantèlement du site avec le transfert des activités vers l’Espagne et la Roumanie.

*Par Clément Chabanne

Un site déjà durement touché

            Le Centre technique et d’essais de Renault est spécialisé des les moteurs thermiques et hybrides. Après l’annonce de la direction de Renault d’un « plan d’économie » de 800 millions d’euros dans l’ingénierie en mai 2020, le site de Lardy a été particulièrement touché. Alors que 2200 salariés, sous-traitants inclus, travaillaient sur le site début 2020, la CGT estimait à l’époque à 900 le nombre d’emplois menacés sur le site, 700 chez les sous-traitants et 200 chez Renault. Ces prévisions se sont malheureusement concrétisée, notamment par la validation d’un plan de départs concernant 2500 postes chez Renault en France par FO, la CFDT et la CFE-CGC.

            En 2020, la CGT avait refusé de signer ce plan de départs, y voyant « une menace pour l’avenir de certains sites d’ingénierie du groupe ». Les dernières annonces de la direction lui ont malheureusement donné raison.

Une annonce particulièrement violente et méprisante

            Le 13 décembre 2021, Philippe Brunet, directeur des Groupes Moto-Propulseurs (GMP) thermiques et électriques convoquait tous les salariés de la direction de l’ingénierie mécanique (DEA-M) à une réunion. Les salariés de cette direction, qui ne représentent que 50 % des salariés du site, ont pu découvrir en direct les projets à moyen/long-terme de leur direction. Cette dernière n’a pas joué avec les effets de manche. Sur la mappemonde des activités d’ingénierie de Renault, les activités concernant les moteurs hybride et thermiques ont simplement disparu de l’hexagone. A l’horizon 2025, ces activités sont annoncées en Espagne pour la gamme Renault et en Roumanie pour Dacia.

            Le contenu lui-même est évidemment particulièrement violent pour les salariés, et fait peser une menace réelle de perte de savoir-faire en France, mais la méthode est également mal vécue par les salariés. Dans un communiqué du 6 janvier, la CGT dénonce une annonce faite sans aucune consultation des syndicats ou des IRP et un mépris pour la moitié des salariés du site qui n’étaient même pas conviés à une réunion si importante pour leur avenir.

Les enjeux financiers ont pris le pas sur l’ambition industrielle

            La direction de Renault veut justifier cette réorganisation des activités d’ingénierie par le tournant vers le moteur électrique. Dans le plan présenté aux salariés, seule l’ingénierie 100 % électrique et l’hydrogène resteraient sur le territoire national. Cependant, pour le syndicat CGT du site, cette justification ne tient pas. Si Renault vise en effet 90 % de ventes « électriques » en Europe en 2030, ce chiffre inclut les moteurs hybrides rechargeables développés à Lardy. Renault continuera manifestement de porter des projets dans le champ actuel des activités du site, la véritable ambition du démantèlement est donc à chercher ailleurs.

            La direction l’assume d’ailleurs à mots à peine voilés. Les motorisations thermiques et hybrides étant des « technologies stabilisées », il est avantageux « de les mettre là, autant que possible, où la main d’œuvre est moins chère » d’après Ph. Brunet. Pour le syndicat CGT du site, l’enjeu est bien celui d’une maximisation des profits des actionnaires et aucune évolution technologique ne justifie la fermeture du site, qui peut être adapté aux projets du groupe.

Pour la CGT, le site de Lardy a de l’avenir

            Le syndicat l’affirme, nul ne peut prévoir aujourd’hui la structure du marché automobile de 2035. Des inconnues demeurent, tant en termes technologiques que réglementaires. D’après le communiqué du 6 janvier, « du travail sur les projets thermiques, hybrides et électriques, il y en a pour des années. Personne ne connaît vraiment le « mix » des motorisations dans les 10 années à venir, cela dépendra des futures normes, de la réalité de l’inclusion ou pas des hybrides rechargeables dans l’interdiction des moteurs thermiques en Europe en 2035, du prix de chaque technologie et de la capacité à chacune de répondre aux réels besoins de mobilité de la population. ».

            Aujourd’hui, la direction ne propose aucune nouvelle activité pour le site de Lardy. Pourtant, la CGT porte un projet d’adaptation des bancs moteurs du site à l’hydrogène et affirme qu’il serait également possible d’étudier le stockage de l’hydrogène sur le site.

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