C’était mieux avant?, Amar Bellal*

Editorial

Par Amar Bellal, rédacteur en chef de Progressistes

On imagine toujours vivre une période exceptionnelle de l’Histoire, et dans le flot d’informations que nous recevons, tout ce qui pourra conforter ce sentiment personnel sera immanquablement sélectionné par notre cerveau et mis en avant avec des formules à l’emporte-pièce comme : « le monde n’a jamais connu autant de pauvreté », « les répressions policières dans les manifestations ont atteint un niveau record », « le racisme est plus que jamais présent dans notre société ». On peut d’ailleurs retrouver ce genre d’assertions dans de nombreux textes d’orientation de la plupart des partis politiques, sans doute pour avoir une accroche et capter l’attention des lecteurs. Pourtant, il n’est pas besoin de remonter très loin dans le temps pour constater que des propos de ce genre sont le plus souvent faux, ou tout au moins à nuancer fortement.

Par exemple, la pauvreté recule dans le monde, les populations sont de plus en plus éduquées et l’espérance de vie augmente, c’est assez bien établi. Ce qui d’ailleurs rebat les cartes des projections démographiques avec une possible décrue de la population mondiale à partir de la fin de ce siècle. En effet, l’élévation générale du niveau de vie favorise la baisse du taux de fécondité ; ainsi, au Maghreb ce taux tourne actuellement autour de 2,4 enfants par femme, et il continue de baisser, rapprochant ainsi la région de ce qui ressort des statistiques pour l’Europe. C’était impensable il y a encore quelques décennies où on théorisait volontiers sur la bombe H (H comme humain) et la menace d’une augmentation exponentielle et incontrôlée de la population mondiale.

Concernant les manifestations : elles étaient bien plus violemment réprimées dans le passé avec des morts à déplorer régulièrement, et ce dans des périodes de l’histoire de France souvent perçues plus positivement que l’actuelle : sous la présidence de Charles de Gaulle ou, plus près de nous, de Jacques Chirac.

Concernant le racisme : globalement la société française est plus tolérante et les idées racistes reculent dans l’opinion. Les mariages mixtes continuent d’augmenter ; la France est d’ailleurs un des rares pays où on se mélange autant, ce qui tempère les affirmations autour d’un racisme structurel particulier à notre pays. En effet, paradoxalement, notre système institutionnel, bien marqué par le principe de laïcité, fait plutôt ses preuves et rapproche les gens plus qu’il ne les enferme et ne les sépare. On se mélange par contre beaucoup moins dans des pays comme les États-Unis, le Canada ou la Grande-Bretagne, pourtant montrés par certaines associations antiracistes comme modèles de tolérance vis-à-vis des « minorités » et des religions, tout au moins dans leurs institutions.

En réalité, les problèmes et les aspirations se posent autrement. La sortie de la pauvreté qu’on constate dans le monde permet l’émergence de revendications sociales plus précises liées à l’emploi, à la protection sociale, à l’accès au service public, à la qualité de l’environnement. La répression dans les manifestations est devenue plus pernicieuse, avec une chasse aux syndicalistes par exemple et une judiciarisation des mouvements sociaux. Les enquêtes montrent qu’il y a moins de racisme, mais que ce fléau persiste, et que les extrémistes – certes moins nombreux – passent plus facilement à l’acte dans la violence physique ou verbale, et sont plus visibles par le phénomène des réseaux sociaux.

Donc, les problèmes demeurent, mais ils ont tendance à changer de nature, ce qui demande de la réflexion et des réponses nouvelles des forces progressistes. Et, avant tout, il s’agit pour nous de rester fidèles à une vision objective, scientifique, y compris dans le champ des sciences sociales, dans l’examen des situations.

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