Aux origines des bouleversements industriels : la cyber-révolution, Ivan Lavallée*

*Ivan Lavallée est directeur de la rédaction de Progressistes.


Le 28 mai 1936 à Princeton, Alan Turing présente un concept mathématique entièrement nouveau, une rupture conceptuelle dans la façon d’énoncer et de résoudre un problème, de définir et de faire un calcul. C’est la machine de Turing1 (désormais désignée par l’abréviation MT), une machine théorique. Elle va donner naissance à la révolution numérique2 portée par le concept d’algorithme.

En 1948, Norbert Wiener énonce un nouveau principe scientifique. C’est la cybernétique, ou science du contrôle des systèmes, qui donne pleine ampleur aux concepts d’information et de rétroaction, et son sens moderne à celui de message.

Les concepts scientifiques qui allaient transformer la façon de calculer, produire et communiquer étaient nés et allaient frayer leur chemin dans le système de production et d’échanges, non sans générer quelques contradictions.

Ce n’est que vers la fin des années 1970 que cybernétique et machine de Turing vont se rencontrer et former un couple des plus féconds, qui va générer le nouveau système technique.

Dans une première phase, jusque dans les années 1970 où va s’opérer le basculement, la cybernétique s’appuie sur l’électronique analogique, il y a alors toujours séparation nette entre d’un côté cybernétique et automatique et télécommunication, et de l’autre informatique3. Dès lors que les processeurs numériques (i.e. des MT) deviennent le cœur des systèmes cybernétiques, assurant la gestion des systèmes par la rétroaction, la gestion de l’information par l’intermédiaire de messages numérisés circulant sur des réseaux, le changement devient qualitatif, d’autant plus qu’apparaissent alors les microprocesseurs. Ajoutons à cela la montée en puissance des capacités de stockage et de calcul des ordinateurs ainsi que la miniaturisation et, concomitamment, la généralisation des réseaux. La façon de produire s’en trouve profondément modifiée, mais la façon de consommer et de communiquer entre individus (téléphones portables) s’en trouve aussi bouleversée.

C’est toute l’organisation de la société, les rapports sociétaux qui sont impactés.

Ce dossier, coordonné par Simon Descargues, vous propose d’explorer les bouleversements et les enjeux liés aux transformations profondes de notre appareil industriel, que l’on recouvre sous le vocable « industrie du futur ».

1. Voir Progressistes, no 22 . https://revue-progressistes.org/2019/04/11/aux-origines-de-la-revolution-numerique-la-machine-de-turing-yvan-lavallee/
2. Voir Progressistes, no 23 . https://revue-progressistes.org/2019/05/06/quest-ce-que-la-revolution-numerique-par-ivan-lavallee/
3. À tel point que les constructeurs étaient considérés comme spécialisés.
Bull, par exemple, produisait la ligne d’ordinateurs DPS 7 destinés à la gestion, et Télémécanique les machines de la gamme Solar (après T-1600) pour les automatismes industriels. En fait, on s’aperçoit très vite que seul change le système d’exploitation, c’est-à-dire le logiciel. Le matériel est le même, fondamentalement une machine de Turing.
J’ai personnellement écrit un système d’exploitation complet sur Solar 16-40 pour le transformer en machine de gestion en 1977.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.