
*Bélaïde Bedreddine est vice-président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et adjoint au maire de Montreuil.
En 2015, dans l’Agenda 2030, l’ONU a fixé 17 objectifs de développement durable (ODD) pour répondre aux grands défis du climat et du développement durable. L’heure est à la mise en oeuvre de ces objectifs. La responsabilité des États, de l’Europe, des autorités locales et des collectivités est engagée pour atteindre ces objectifs. L’engagement citoyen, des acteurs et des mouvements sociaux est également à l’ordre du jour, dès lors que relever ces défis pose la problématique de l’intervention et du contrôle par les citoyens, d’autant que l’avenir de la planète est en jeu.
L’objectif de développement durable « Eau propre et assainissement » (ODD 6) concerne directement la gestion de l’eau. La loi Oudin-Santini (février 2005) et les politiques extérieures des collectivités permettent à celles-ci, aux syndicats et agences de l’eau de mobiliser jusqu’à 1 % de leur budget de fonctionnement pour développer les coopérations internationales au service du droit à l’eau et à l’assainissement, s’inscrivant ainsi dans l’ODD 17 (« Partenariats pour la réalisation des objectifs »). Hélas, trop peu d’acteurs utilisent pleinement cette possibilité, souvent par manque de volonté politique, parfois par méconnaissance. Et pourtant, l’accès à l’eau et à l’assainissement demande encore des engagements concrets et lisibles.
Des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants meurent chaque année des maladies à transmission hydrique, et ce notamment faute d’assainissement. Les déplacements de populations pour des raisons climatiques montrent l’aggravation d’une situation humanitaire qui demande des mesures urgentes et que la compassion seule ne réglera pas. Il faut de l’engagement, une nouvelle conception de la coopération internationale au service de ceux qui souffrent, mais aussi en matière de codéveloppement et de nouvelles relations internationales. Face aux drames des peuples, développer de fortes coopérations décentralisées et internationales est un devoir de solidarité auquel personne ne devrait se soustraire.
AU-DELÀ DE L’HUMANITAIRE
Ces coopérations ne sont pas seulement des devoirs humanitaires, elles peuvent s’inscrire dans d’autres objectifs.
Ainsi, la mise en oeuvre de l’ODD 9, qui concerne l’industrie, l’innovation et les infrastructures peut se traduire en termes d’économie circulaire. Prenons l’exemple de la capitale du Laos, Ventiane, qui a développé un programme de traitement des boues de fosses septiques de 50000 habitants : la mise en service d’une station à base de filtres plantés permet la transformation de ces boues en humus, utile à l’agriculture. Cette expérience est conduite dans d’autres pays, comme au Vietnam.
Toujours dans l’économie circulaire, et pour répondre à l’ODD 7, il convient de développer la production de biogaz à partir des eaux grises et la réutilisation, après traitement, des eaux usées dans l’agriculture, le but étant de réduire le recours aux énergies fossiles.
Mais aussi la réalisation de l’objectif ODD 11, avec pour enjeu la réhabilitation des villes et des grandes mégapoles au bénéfice de l’humain, avec la création de puits de fraîcheur pour gérer les eaux pluviales. Et que dire de l’ODD 14 qui vise à la protection des mers, océans et de leur biodiversité? Il faudrait généraliser l’interception des déchets solides dans les installations de traitement des eaux grises: les milieux maritimes ne peuvent survivre aux océans de plastique et de déchets qui s’y déversent faute d’assainissement.
Chacun des objectifs de développement durable mis en oeuvre est un apport à la construction d’une destinée collective, humaine et solidaire. Atteindre ces objectifs d’ici à 2030 est bien plus que l’addition de bonnes intentions, c’est un appel à repenser de nouvelles stratégies en matière de transition écologique, d’atténuation de l’impact anthropique sur le climat et de développement durable. L’eau est au carrefour de politiques indispensables à l’avenir de la planète ; elle est vecteur de nouvelles solidarités, de nouveaux rapports de coopérations dans le monde. L’eau n’est pas seulement un enjeu technique ou économique: elle est, pour toute l’humanité, le cœur de son devenir.

L’HYDRODIPLOMATIE
C’est en cela que, par bien des aspects pour l’activité humaine, le cycle de l’eau doit être au centre des politiques publiques et internationales. Chaque fois qu’elles s’inscrivent dans un objectif de développement durable, elles contribuent à donner du sens à la réussite des 17 objectifs fixés par l’ONU et à repenser l’écologie comme un maillon de transformations sociales, sociétales, économiques et environnementales.
Considérée sous cet angle, l’eau est aussi un facteur de paix et de codéveloppement, en cohérence avec l’ODD 16. En cela, les actions portées par l’UNESCO en matière d’hydro-diplomatie sont affichées comme une des priorités de son action internationale. Faut-il rappeler que la plupart des conflits sont liés à des frontières et à l’appropriation des richesses ? L’eau est devenue au fil des conflits cette richesse convoitée, disputée, pour assoir de nouvelles dominations. L’eau se moque pourtant des frontières : il n’est pas rare que de grands cours d’eau traversent le territoire de plusieurs États.
Si la ressource en eau devient un enjeu majeur du fait du stress hydrique, l’eau, élément vital, est de plus en plus menacée par les pollutions et le dérèglement climatique. Aujourd’hui, des zones habitables deviennent désertiques, d’autres sont noyées par la montée des océans. Les catastrophes climatiques de ces dernières années mettent en évidence la fragilité de l’avenir des populations et, plus globalement, de la planète. Et même la capacité d’adaptation des pays riches serait insuffisante pour répondre aux défis qu’elles mettent au jour. Nous le savons, l’impact sur les océans, les milieux naturels, serait catastrophique pour tous si rien ne bouge.
Seule une mobilisation générale peut éviter la tragédie, ce qui nécessite que les acteurs, y compris quand ils sont en conflit, se parlent autour des bassins-versants communs. Dans un premier temps sur des enjeux techniques, le maintien des étiages des cours d’eau par les barrages, la protection des points de collecte pour l’eau potable, des schémas directeurs pour l’assainissement, la protection de la biodiversité. C’est vrai dans de nombreuses zones du globe, mais encore plus quand il s’agit du Jourdain, au cœur du conflit du Moyen-Orient. Libanais, Jordaniens, Israéliens et Palestiniens doivent pouvoir se rencontrer pour réfléchir et travailler sur cette question de l’eau, car elle n’est pas seulement au cœur du conflit, et des conséquences imposées au peuple palestinien ; en effet, un fleuve asséché et pollué – le risque n’est pas une vue de l’esprit – aurait un impact pour toutes les populations de l’ensemble de la zone.
Ces rencontres techniques devraient devenir politiques pour modifier l’impact de l’homme sur ce fleuve. Un tel acte politique pourrait faciliter le retour de contacts diplomatiques, sur la question de l’eau pour commencer, sur les autres sujets par la suite… jusqu’à la paix. La paix est aussi une condition indispensable pour sauvegarder l’avenir des océans, des fleuves et des rivières et garder les côtes et les terres habitables.
L’eau, si elle devient trop rare, sera demain un facteur supplémentaire d’instabilité politique. L’eau, facteur de paix ou facteur de guerre: voilà l’enjeu de l’hydro-diplomatie.
Le PCF a édité cette plaquette “L’eau : un besoin, un droit, un combat”, disponible en téléchargement libre sur
http://ecologie.pcf.fr/sites/default/files/exe_brochure_eau_web.pdf