A l’occasion du dĂ©bat national sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), le Parti Communiste Français (PCF) a prĂ©sentĂ© un cahier d’acteur selon les rĂšgles fournies pour cet exercice.
Un article de Progressistes traitant du Cahier d’Acteur venant de l’AcadĂ©mie des Sciences avait signalĂ© dĂ©jĂ l’accĂšs au document officiel dont le texte est reproduit ci-dessous.
Le Parti Communiste Français agit en faveur dâune sociĂ©tĂ© basĂ©e sur la solidaritĂ© et la coopĂ©ration. LâĂ©nergie est un bien commun, un droit fondamental qui doit ĂȘtre accessible Ă tous.
Au regard des enjeux de progrĂšs social et Ă©cologique, de souverainetĂ© et dâindĂ©pendance de la France, de renouveau industriel, dâamĂ©nagement Ă©quilibrĂ© du territoire et dâĂ©galitĂ© rĂ©publicaine, nous sommes favorables Ă un mix Ă©nergĂ©tique diversifiĂ©, sous maĂźtrise publique.
LA PRIORITĂ QUI DOIT GUIDER LA PPE
En 2016 puis en 2017, la production française de gaz Ă effet de serre est en hausse, Ă©cartant notre pays de la trajectoire vertueuse de la COP21. La transition Ă©nergĂ©tique doit concourir Ă transformer le modĂšle actuel, dans lequel les Ă©nergies fossiles sont dominantes, en un modĂšle oĂč celles-ci seront supplantĂ©es par les Ă©nergies dĂ©carbonĂ©es, comme le prĂ©conisent les conclusions des travaux du GIEC. Câest la prioritĂ© qui doit guider la programmation pluriannuelle de lâĂ©nergie (PPE).
MĂȘme avec les indispensables progrĂšs Ă effectuer en matiĂšre dâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique, les besoins vont augmenter en France, comme dans le monde, avec la nĂ©cessitĂ© dâun renouveau industriel du pays, la rĂ©volution numĂ©rique, la relance de lâĂ©conomie ainsi que lâĂ©volution dĂ©mographique prĂ©voyant de 70 Ă 75 millions dâhabitants en 2050. Lors de pĂ©riodes froides, qui ne sont pas exceptionnelles, notre pays a Ă©tĂ© conduit Ă importer de lâĂ©lectricitĂ© de pays voisins. Celle-ci est fortement carbonĂ©e et dâun coĂ»t Ă©levĂ©, alors mĂȘme que la France bĂ©nĂ©ficie dâune production dâĂ©lectricitĂ© trĂšs largement dĂ©carbonĂ©e. Par ailleurs, la libĂ©ralisation du secteur Ă©nergĂ©tique en Europe a contribuĂ© Ă des augmentations du kilowattheure â de 40 % Ă 140 %, par exemple, en Allemagne â ainsi quâau dĂ©mantĂšlement dâunitĂ©s de production et dâĂ©tudes conduisant Ă la disparition de savoir-faire pourtant indispensables Ă la transition Ă©nergĂ©tique. Le dĂ©veloppement du dumping social, la sous-traitance en cascade affaiblissent notre efficacitĂ© industrielle et crĂ©ent de nouvelles interrogations sur la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des infrastructures. La privatisation de Total, le bradage de lâentreprise stratĂ©gique Alstom Ănergie Ă General Electric, la sĂ©paration de GDF et dâEDF, le dĂ©coupage dâEDF en plusieurs entitĂ©s, entraĂźnant gaspillages, inefficacitĂ© et incohĂ©rences, ont fragilisĂ© le secteur Ă©nergĂ©tique français.
LES CONDITIONS POUR RĂUSSIR LA TRANSITION ĂNERGĂTIQUE
Les transports sont le principal Ă©metteur de CO2. Le PCF agit contre la libĂ©ralisation du rail et propose une rĂ©forme de la SNCF, et de sa branche fret, Ă mĂȘme de financer les infrastructures, lâĂ©lectrification des lignes nĂ©cessaires afin de dĂ©velopper les transports collectifs de voyageurs par rail et dâaccĂ©lĂ©rer le report modal des marchandises de la route vers le rail. Le trafic fluvial ou des vĂ©hicules routiers propres doit ĂȘtre aussi dĂ©veloppĂ©. La rĂ©novation thermique est une nĂ©cessitĂ©, notamment dans lâhabitat ancien. Le rythme des rĂ©novations urbaines est insuffisant, souvent en raison des difficultĂ©s financiĂšres rencontrĂ©es par les propriĂ©taires et les bailleurs. Cette rĂ©novation est dâautant plus nĂ©cessaire que la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique ne cesse de croĂźtre, frappant actuellement 12 millions de personnes en France. Ces orientations, comme la maĂźtrise des coĂ»ts pour les consommateurs domestiques et industriels, impliquent la mise en oeuvre de politiques publiques volontaristes et efficaces, faites dâinvestissements, de recherche, de formation, de crĂ©ation de filiĂšres professionnelles. La recherche doit ĂȘtre une prioritĂ©, notamment en revalorisant son budget. Des sauts technologiques â notamment en matiĂšre de stockage de lâĂ©lectricitĂ© â seraient en effet de nature Ă changer considĂ©rablement la donne. Notre pays dispose de chercheurs et dâingĂ©nieurs hautement qualifiĂ©s au sein dâinstitutions et entreprises spĂ©cialisĂ©es. Il doit les conforter, leur donner les moyens indispensables. De vĂ©ritables filiĂšres industrielles, de la conception Ă la fabrication des Ă©quipements, de leur installation Ă la dĂ©construction, doivent ĂȘtre structurĂ©es.
Or, en autorisant le bradage de secteurs industriels et Ă©nergĂ©tiques, lâĂtat français abandonne des leviers stratĂ©giques. Avec la mise en place du rĂ©seau transnational Ă courant continu Supergrid, la production dâĂ©lectricitĂ© va devenir « dĂ©localisable » hors du territoire national. Cette rĂ©alitĂ© doit ĂȘtre prise en compte avec lâobjectif dâempĂȘcher une fragilisation de lâindĂ©pendance de notre pays, la fin de la pĂ©rĂ©quation tarifaire nationale et la perte de maĂźtrise publique, en particulier en matiĂšre de sĂ©curitĂ© de lâapprovisionnement.
La dĂ©centralisation de la politique Ă©nergĂ©tique contenue dans la loi de transition Ă©nergĂ©tique pour la croissance verte ne doit pas non plus conduire la France Ă sâextraire des principes dâĂ©galitĂ© de traitement et de solidaritĂ© territoriale, garantis notamment par la pĂ©rĂ©quation tarifaire nationale et par le tarif rĂ©glementĂ© de vente. La puissance publique nationale doit jouer tout son rĂŽle au regard de lâurgence climatique, du caractĂšre stratĂ©gique de lâĂ©nergie, tant pour les usagers que pour lâĂ©conomie, plutĂŽt que chercher les modes de production aux taux de rentabilitĂ© les plus rapides et les plus Ă©levĂ©s pour des capitaux privĂ©s.
LE MIX ĂNERGĂTIQUE
Le PCF agit pour un mix Ă©nergĂ©tique diversifiĂ©, prenant en compte le niveau de maturitĂ© des diffĂ©rentes technologies, leur bilan Ă©nergĂ©tique et Ă©cologique sur tout leur cycle de vie â fabrication, utilisation, dĂ©mantĂšlement, recyclage â et privilĂ©giant les moins Ă©mettrices de CO2. Câest tout particuliĂšrement vrai pour lâĂ©nergie Ă©lectrique, dont le stockage indirect reste difficile et coĂ»teux, nĂ©cessitant de mobiliser diffĂ©rentes sources de production. Nous sommes favorables au dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables, au cĂŽtĂ© de notre mix Ă©nergĂ©tique historique, dâorigine nuclĂ©aire et hydraulique. Nous refusons en revanche quâelles soient le cheval de Troie de nouvelles dĂ©rĂ©gulations. Leur essor exige lâimpulsion et la structuration de vĂ©ritables filiĂšres par la puissance publique.
Dans ce domaine comme dans dâautres, la thĂ©orie selon laquelle « il faut laisser faire le marchĂ© » est une impasse, qui plus est extrĂȘmement coĂ»teuse pour les usagers. Ă ce titre, les barrages hydrauliques, permettant le stockage dâeau, et donc dâĂ©nergie Ă©lectrique, doivent rester un bien public. Ces ouvrages « pilotables » participent Ă la sĂ©curitĂ© dâapprovisionnement. LâĂ©olien et le solaire sont des Ă©nergies intermittentes. Leur potentiel ne doit donc pas ĂȘtre surestimĂ© tant que des modes de stockage dâĂ©nergie Ă grande Ă©chelle ne sont pas disponibles.
Lâusage des terres agricoles pour produire des combustibles comme les agrocarburants, la maĂźtrise nĂ©cessaire de la production de vĂ©gĂ©taux Ă destination de la mĂ©thanisation, les Ă©ventuels conflits dâusage de lâĂ©olien terrestre et offshore avec des activitĂ©s telles la pĂȘche ou lâagriculture, lâutilisation de mĂ©taux et de terres rares â avec les troubles internationaux que peut engendrer leur exploitation â nĂ©cessitent que lâĂtat et la puissance publique jouent tout leur rĂŽle dâimpulsion, dâorganisation, dâamĂ©nagement. Nous nous opposons aux mesures de simplification des procĂ©dures dâimplantation de ces installations.
Concernant les moyens de substitution Ă lâintermittence de ces Ă©nergies, comme les centrales thermiques, il faut promouvoir des techniques propres avec captage et sĂ©questration ou recyclage de CO2. Les quatre centrales Ă charbon demeurant reprĂ©sentent 1 % des Ă©missions françaises de CO2. Un arrĂȘt prĂ©maturĂ© aggraverait le risque de blackout, sans ĂȘtre dĂ©cisif dans le bilan carbone de notre pays.
Dans le cadre de ce mix, au-delĂ des investissements prĂ©vus sur la pĂ©riode 2014-2025 pour le grand carĂ©nage des centrales nuclĂ©aires (rĂ©novation et amĂ©lioration de la sĂ»retĂ© du parc) destinĂ© Ă prolonger lâexploitation des 58 rĂ©acteurs, contribuant Ă la fourniture du kilowattheure Ă bas prix, le renouvellement du parc nuclĂ©aire et la mise au point des rĂ©acteurs de 4e gĂ©nĂ©ration doivent ĂȘtre prĂ©parĂ©s. Ă ce stade, Fessenheim doit ĂȘtre maintenu, sauf avis contraire de lâAutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN).
Dans cette perspective, notre pays doit veiller Ă ce que son industrie Ă©lectronuclĂ©aire se relance en maĂźtrisant les modĂšles de centrales sĂ»res les mieux adaptĂ©es Ă ses besoins. Il convient de disposer rapidement dâun modĂšle abouti de rĂ©acteur surgĂ©nĂ©rateur permettant dâĂ©conomiser du combustible uranium, actuellement importĂ©. Le projet CigĂ©o de stockage des combustibles usagĂ©s doit ĂȘtre rĂ©alisĂ© en permettant la rĂ©versibilitĂ© et selon les recommandations de lâASN. LâASN, qui pilote et organise le contrĂŽle externe avec lâappui technique de lâIRSN (Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire), doit avoir les moyens en personnel et en compĂ©tence afin de juger des contrĂŽles Ă opĂ©rer, des corrections Ă apporter et des justifications de poursuite ou dâarrĂȘt du fonctionnement des installations nuclĂ©aires. Ă propos de lâavenir de chaque centrale, lâĂtat se doit de tenir compte des dĂ©cisions de lâASN.
Forte de son expĂ©rience en matiĂšre de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et de radioprotection, la France a un rĂŽle moteur Ă jouer dans lâĂ©lĂ©vation du niveau international de la sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, en exigeant notamment lâinstauration de normes internationales de sĂ»retĂ© obligatoires et lâoutil international nĂ©cessaire pour les faire respecter. La sĂ»retĂ© des centrales nuclĂ©aires françaises et Ă©trangĂšres requiert une grande vigilance des autoritĂ©s politiques de chaque pays, avec un contrĂŽle citoyen actif rendu possible par la transparence. Pour ce faire, les citoyens doivent disposer dâune information fiable, non parasitĂ©e par la controverse entre, dâun cĂŽtĂ©, la communication aseptisĂ©e des dirigeants de lâĂ©lectronuclĂ©aire et, de lâautre, le positionnement antinuclĂ©aire par principe.
UNE ĂNERGIE 100 % PUBLIQUEÂ
Le PCF propose de crĂ©er un Ă©tablissement public en charge de lâensemble des Ă©nergies, dĂ©nommĂ© France Ănergie, rassemblant toutes les participations de lâĂtat dans les entreprises du secteur et permettant Ă la nation de reprendre progressivement le contrĂŽle dâun secteur essentiel Ă son devenir et dâen organiser une maĂźtrise publique au service des usagers, particuliers comme acteurs Ă©conomiques et industriels.
Les acteurs industriels, publics comme privĂ©s, seraient mobilisĂ©s pour la mise en oeuvre dâune politique Ă©nergĂ©tique visant au progrĂšs social par des critĂšres de gestion, allant dans le sens du service public et de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et rĂ©pondant aux grands dĂ©fis Ă©cologiques. Ce pĂŽle public devrait ĂȘtre dotĂ© de capacitĂ©s de recherche, dans la promotion de nouvelles Ă©nergies et de nouvelles capacitĂ©s de production, tout en maintenant un coĂ»t dâaccĂšs Ă lâĂ©nergie acceptable pour tous les usagers ainsi quâune pĂ©rĂ©quation tarifaire, gage dâĂ©galitĂ© de traitement sur le territoire.
De ce point de vue, les tarifs rĂ©glementĂ©s de vente doivent ĂȘtre prĂ©servĂ©s. Ils restent un rempart protecteur pour les consommateurs face Ă la jungle de la concurrence et Ă une forte augmentation des prix. Ils restent, aujourdâhui encore, un instrument de politique sociale.
Dans le mĂȘme temps, au regard des liens dâinterdĂ©pendance europĂ©ens et internationaux, nous proposons que la France, plutĂŽt que de jouer une politique de retardement face Ă la dĂ©rĂ©glementation europĂ©enne, se positionne en faveur dâune rĂ©vision des articles du TraitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne (TFUE) sur lâĂ©nergie et soit actrice de la crĂ©ation dâune agence europĂ©enne de lâĂ©nergie. PlutĂŽt que la concurrence stĂ©rile de tous contre tous, jouons la coopĂ©ration, la mutualisation et la complĂ©mentaritĂ© en crĂ©ant des groupements dâintĂ©rĂȘt Ă©conomique de lâĂ©nergie (GIE) Ă lâĂ©chelle de lâUnion.
Les politiques de sĂ»retĂ© industrielle sont essentielles en matiĂšre environnementale; lâorganisation du travail et le sens donnĂ© Ă celui-ci le sont tout autant. Les rĂ©glementations doivent ĂȘtre respectĂ©es et amĂ©liorĂ©es, et de nouveaux pouvoirs et droits doivent ĂȘtre accordĂ©s aux salariĂ©s, dans les entreprises, en ce sens. Dans cet objectif, la garantie dâun statut de haut niveau pour tous les salariĂ©s est Ă©galement une nĂ©cessitĂ©.
Nous proposons de crĂ©er un statut de lâĂ©nergĂ©ticien, Ă©largissant le statut des industries Ă©lectriques et gaziĂšres et englobant tous les personnels du secteur. Plus globalement, nous portons la proposition dâune SĂ©curitĂ© dâEmploi et de Formation (SEF) tout au long de la vie. Le niveau de culture et de formation scientifique de tous les citoyens doit ĂȘtre Ă©levĂ© afin dâassocier le plus grand nombre aux choix Ă©nergĂ©tiques. En ce sens, la politique Ă©nergĂ©tique doit faire lâobjet dâĂ©tudes dâimpact social, environnemental et Ă©conomique, et ĂȘtre portĂ©e Ă la connaissance des populations.
CONCLUSIONÂ
LâĂ©nergie est un secteur stratĂ©gique Ă extraire des griffes du marchĂ©, des intĂ©rĂȘts privĂ©s et des logiques de concurrence. Un bilan de la dĂ©rĂ©glementation serait dâailleurs fort utile Ă la dĂ©finition de la PPE. Nous avons besoin en France dâun grand service public, dĂ©mocratisĂ© et au service de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, pour de nouvelles coopĂ©rations en Europe et dans le monde.