Les métropoles, entre polarisation économique et fragmentation sociale, André Donzel*

Avant d’être consacrée sur le plan institutionnel, la notion de métropole s’est imposée pour désigner les formes les plus massives d’urbanisation observables à travers le monde. Elle fait ressurgir les multiples interrogations que suscite de longue date le phénomène de la grande ville quant à son développement économique, son organisation socio-spatiale, sa gouvernance politique, etc.

*André DONZEL est sociologue, CNRS-MMSH d’Aix-en-Provence.


Bien que sa définition soit variable dans le temps et dans l’espace, la métropole associe généralement trois types de déterminations complémentaires. Elle sous-tend l’idée de polarisation économique des territoires, c’est-à-dire d’attraction et d’accumulation de richesses sur un petit nombre d’entre eux. Ce processus est aussi ancien que l’urbanisation elle-même; il s’est toutefois particulièrement accéléré dans les dernières décennies, avec l’amplification de la mondialisation.

Cela va de pair avec la formation de vastes régions urbaines articulant un centre et une périphérie, accueillant des populations nombreuses et diverses en termes d’origines et de statuts.

Enfin, le statut de métropole est souvent lié à l’exercice de fonctions politiques éminentes, celles-ci résultant de leur rôle de pivot dans l’organisation territoriale des États et, au-delà, de leur influence géopolitique à une échelle suprarégionale. 

ADAPTER LES TERRITOIRES À LA CONCURRENCE?
Bien que cristallisant la puissance sur différents plans, les métropoles n’en sont pas moins exposées à de fortes tensions.

La polarisation économique renforce la compétition entre territoires, les uns bénéficiant de ressources accrues, les autres étant voués au déclin. Au sein même des territoires « gagnants », croissance économique et développement social tendent à se dissocier. Tandis que s’affirme leur prééminence économique, les espaces métropolitains accumulent les désutilités sociales : chômage, crise du logement, déficiences d’équipements publics, déstructuration sociale, nuisances environnementales…

Cela tend à induire une grande instabilité des dispositifs de régulation publique à l’échelle métropolitaine : les cadres traditionnels de l’administration locale sont remis en cause, tandis que les nouvelles formes de « gouvernance métropolitaine » peinent à affirmer leur maîtrise du développement urbain et à conforter leur légitimité politique.

Dans ces conditions, la question de la métropolisation reste un objet controversé. Pour certains, les métropoles seraient l’« horizon indépassable » du développement territorial (1). La concentration croissante des ressources du développement dans les plus grands centres urbains à l’échelle de la planète vient généralement à l’appui de cette thèse. Dans la continuité de la théorie des lieux centraux ou des pôles de croissance, les analyses de l’économie spatiale ont conféré une aura considérable à cette loi de la gravitation métropolitaine. D’autres, moins nombreux, critiquent cette vision mécanique du développement territorial. Ils montrent que l’« avantage métropolitain », c’est-à-dire l’effet de surproductivité lié aux économies d’échelle engendrées par la concentration de ressources sur un même territoire (2), n’est pas sans contreparties en termes de coûts économiques, sociaux et environnementaux. Cela limite la portée du déterminisme économique et invite à prendre en compte l’incidence des facteurs politiques et des contextes socioculturels dans l’analyse des phénomènes de métropolisation.

Le développement des villes est dans les faits frappé d’une grande instabilité. Sur le long terme, la croissance des villes n’a rien de linéaire. À moyen terme, et à l’intérieur d’un même cadre national, les processus d’urbanisation apparaissent très hétérogènes en intensité et en complexité. Un regard rétrospectif sur la genèse du phénomène de métropolisation nous révélera son caractère fluctuant. Mais au-delà de la simple alternative de l’expansion et du déclin, on percevra aussi l’étonnante capacité d’adaptation des territoires métropolitains, souvent à même de surmonter les nombreux défis auxquels ils sont confrontés. On pourra le vérifier plus bas dans le cas français. 


MÉTROPOLISATION PLANÉTAIRE, DE LA CITÉ À LA VILLE GLOBALE
La métropolisation, en tant que processus d’accumulation de ressources économiques et sociales diversifiées sur un même territoire, s’inscrit dans la longue durée. Elle s’affirme dès l’Antiquité avec l’émergence des cités-États du pourtour méditerranéen, Athènes et Rome notamment. La métropole, ou « cité mère », se définit alors essentiellement par ses fonctions de capitale politique à l’échelle d’un empire ou d’une province. Elle doit sa survie à la domination de territoires plus ou moins étendus qui, outre la subsistance de sa population, lui fournissent le surplus économique nécessaire à son expansion et à son rayonnement.

Ce rapport fut porté à son paroxysme dans le cas de Rome, « capitale parasitaire », selon Paul Bairoch, qui « reçoit beaucoup de son empire mais lui fournit peu » (3). Bien qu’initiatrice du fait urbain, cette économie de prédation se révélera peu à même d’assurer la croissance des villes sur le long terme. Celle-ci passe inévitablement par des formes de développement économique plus endogènes à travers la mise en valeur des ressources productives propres des territoires urbains. Les développements de l’industrie dans la période moderne permettront cette transition.

À partir du XIXe siècle, les grandes villes dépassant le million d’habitants se répandent sur l’ensemble de la planète au gré de l’émergence de nouvelles filières de production industrielle et de l’ouverture de nouvelles voies commerciales. Dans les pays européens, une seule ville dépassait le million d’habitants au début du XIXe siècle : Londres ; à la fin du siècle, on en comptait une vingtaine. Par la suite, cette tendance va encore s’amplifier à l’échelle mondiale : on comptait moins d’une quarantaine d’agglomérations millionnaires dans le monde en 1900, on en dénombre aujourd’hui plus de quatre cents.

Dans ce contexte, les ressorts de la métropolisation changent. La puissance des villes est étroitement liée à la productivité de leurs industries, et leur organisation est assujettie à cette vocation. La symbiose entre ville et industrie atteindra un sommet dans les villes nord-américaines du début du XXe siècle. En conformité avec les principes du taylorisme et du fordisme élaborés alors, l’organisation urbaine va se modeler sur celle de la grande entreprise. En même temps que les processus de production évoluent dans le sens d’une division accrue du travail, la vie urbaine s’organise selon une spécialisation fonctionnelle et sociale de plus en plus poussée. Cette logique entraînera l’individualisation à l’extrême des modes de vie et la régression des relations de type communautaire dans la structuration sociale de la grande ville moderne.

Mais avec l’amplification des restructurations économiques dans le contexte de la mondialisation ce modèle de ville industrielle va être profondément remis en cause. 

TRAJECTOIRES DIVERGENTES
Trois types d’évolution vont se présenter.

Les centres urbains à forte spécialisation industrielle seront les plus brutalement concernés. Sous l’effet des délocalisations industrielles, ils vont entrer dans un processus de récession durable, et parfois irréversible. Le cas le plus emblématique d’une telle inversion de tendance est sans doute la ville de Detroit, aux États-Unis, capitale de l’industrie automobile américaine (motor city) et siège historique du fordisme. Au cours d’un long processus de dégradation où se combinent chute de l’emploi, détérioration du cadre bâti et faillite de l’administration locale, la ville perdra les deux tiers de sa population, celle-ci passant de 1,8 million d’habitants à son apogée en 1930 à environ 600000 aujourd’hui.

Mais la récession n’est pas la seule trajectoire qui oriente les processus de métropolisation aujourd’hui. Nombre de villes nées de la révolution industrielle et urbaine de la fin du XIXe siècle et du début du XXe sont parvenues à stabiliser leur déclin, voire à redresser la tête, grâce principalement à la reconversion tertiaire de leurs activités économiques et à la rénovation de leur cadre urbain, le plus souvent avec un apport massif d’argent public. Les cas de « régénération » d’anciens centres industriels sont désormais nombreux en Europe et en Amérique du Nord. Les villes portuaires en particulier, un temps dévastées par l’effondrement de leurs activités industrielles et commerciales anciennes, ont pu retrouver une certaine raison d’être en développant leurs fonctions tertiaires au service d’un bassin d’emploi régional.

Dans d’autres cas, plus rares, les villes ont pu renouer avec une forte dynamique de croissance en tirant parti de leur positionnement favorable dans la globalisation économique. Celle-ci a en effet fortement accru la polarisation de la richesse dans les plus grandes villes. Ainsi, en 2007, les 600 plus grandes villes du monde, bien que ne rassemblant que 22 % de sa population, contribuaient à la formation de 38 % du PIB mondial. On estime qu’en 2025 cette proportion pourrait atteindre 60 %, alors que ces villes ne devraient accueillir que 25 % de la population mondiale (4). Ces villes doivent leur prééminence économique à leurs fonctions stratégiques dans les processus de mondialisation en cours. Elles s’apparentent pour la plupart à des « villes globales », dans le sens multidimensionnel qu’en donne Saskia Sassen (5). Elles se caractérisent par leur place nodale dans la circulation des flux financiers en drainant capitaux d’entreprises, financements publics, épargne des ménages, etc. Loin d’être dépourvues d’attaches productives, elles sont des foyers majeurs d’innovation technologique et de services à l’industrie, contribuant ainsi à l’organisation de réseaux productifs sur une base mondiale. Enfin, la métropolisation n’étant pas un processus hors sol, elles se doivent de fournir à leur population les services et les aménités nécessaires à la préservation de l’attractivité résidentielle de l’espace métropolitain. Elles sont ainsi des lieux majeurs d’investissement en matière d’aménagements urbains (immobilier, réseaux urbains, équipements et services collectifs).

Ces paramètres sont de puissants stimulants de la croissance économique dans ces territoires. Ils n’en sont pas moins de plus en plus sélectifs en privilégiant les activités économiques à plus forte valeur ajoutée. Cette polarisation a pour effet d’accroître fortement les inégalités d’emploi et de résidence à l’intérieur des villes. Comme le souligne Saskia Sassen : « [À l’encontre] des images dominantes de la globalisation, la restructuration économique dans les villes globales a généré une forte croissance de la demande de travailleurs à bas salaire pour des emplois qui n’offrent que de faibles perspectives d’avancement. […] Le fait que ces emplois soient en grande majorité occupés par des immigrants, des citoyens minorisés et des femmes désavantagées s’ajoute à leur invisibilité et contribue à la dévalorisation de ce type de travailleur et de culture du travail. […]Cela se déroule au milieu d’une explosion de la richesse dans laquelle l’expansion des emplois à haut salaire est plus visible » (6).

LES VILLES FRANÇAISES À L’HEURE DE LA GLOBALISATION
Ces dynamiques de polarisation économique et de segmentation sociale se vérifient pleinement à l’échelle du territoire français, même si les processus de métropolisation s’y caractérisent par une grande diversité en fonction des situations propres à chaque ville : taille démographique, profil économique, organisation socio-spatiale, cultures politiques, etc.

La reconnaissance institutionnelle du fait métropolitain est relativement ancienne en France, puisqu’elle s’inscrit sur l’agenda de l’aménagement du territoire depuis la formulation de la politique des « métropoles d’équilibre » dans les années 1960. Elle a connu une réaffirmation forte dans la période récente à la suite de la loi du 27 janvier 2014 dite « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » (MAPTAM).

Cette loi attribue assez généreusement le label de « métropole » aux territoires urbains, puisque cette dénomination concerne 15 des principales agglomérations urbaines françaises, auxquelles viennent s’adjoindre en 2018 un contingent de 7 nouvelles métropoles (voir tableau ci-avant). Ces 22 métropoles rassemblent près de 19 millions d’habitants, soit 28 % de la population française. Elles recouvrent un assez large éventail de tailles démographiques, puisque leur population s’échelonne de 7 millions d’habitants pour le Grand Paris à un peu plus de 200 000 pour la métropole de Brest.

À l’échelle des aires urbaines (7), la dispersion des tailles est encore plus étendue, passant de 12,4 millions pour la première à environ 300 000 habitants pour la dernière. Au total, parmi les 22 métropoles, seules 7 appartiennent à des aires urbaines dépassant le million d’habitants (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux et Nice), 7 autres sont comprises entre 999 000 et 500 000 habitants (Nantes, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Rouen, Toulon, Montpellier), les 8 restantes se situent dans la tranche comprise entre 499 000 et 300000 habitants (Rennes, Saint-Étienne, Tours, Clermont- Ferrand, Orléans, Nancy, Dijon, Metz, Brest).

Si l’on prend en compte ce seuil minimal de population, la définition actuelle des métropoles peut paraître restrictive, puisque la France possède plus d’une trentaine d’aires urbaines de plus de 300 000 habitants et que la croissance urbaine a plutôt été portée dans les dernières décennies par les strates moyennes et inférieures de la hiérarchie urbaine, sous l’effet de plusieurs facteurs favorisant la dispersion des populations hors des grandes villes : extension de la périurbanisation, exode des retraités, etc.
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L’EMPLOI TERTIAIRE POUR DES MÉTROPOLES D’ÉQUILIBRE?
Mais ces tendances centrifuges dans la localisation de la population sont encore loin de concerner la distribution des emplois, qui restent très fortement concentrés dans les métropoles. Ainsi, entre 2008 et 2013, le solde de création d’emploi salarié en France s’est presque exclusivement reporté sur une dizaine de métropoles, celles-ci bénéficiant de 87 % des 197 000 nouveaux emplois créés au niveau national sur cette période (8).

Parmi elles, on trouve les métropoles les plus peuplées : Paris, Lyon et Aix-Marseille, Lille, ainsi que les villes qui se situent sur le nouveau front pionnier de la croissance urbaine française dans le sud et l’ouest du territoire : Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes.

Cette tendance à la polarisation de l’emploi dans les grandes villes n’est pas nouvelle, elle s’est toutefois fortement accentuée au cours des dernières décennies : « Le début du siècle est marqué par un mouvement de concentration de l’emploi dans une douzaine de métropoles françaises. Ce phénomène constitue un tournant par rapport à la seconde moitié du XXe siècle, où l’expansion de l’emploi salarié avait profité à toutes les villes, petites et grandes. » (9).

Cette croissance renouvelée de l’emploi dans les grandes métropoles renvoie à plusieurs types d’explications. Elle serait pour certains le fruit de l’essor de la « classe créative », nouveau fer de lance de la métropolisation selon Richard Florida. Bien qu’elle soit assez floue, cette notion désigne principalement des activités relevant du champ culturel : professions artistiques, métiers de l’information et de la communication, de l’éducation et de la recherche… Ces emplois sont de fait surreprésentés dans les grandes villes en raison de la présence de nombreux équipements et services culturels. Mais leurs effectifs restent limités, et leur poids n’est significatif dans la structure des emplois que dans quelques villes à fort rayonnement culturel, comme Paris.

Une autre ligne d’argumentation met en avant un effet de rattrapage de la tertiarisation dans les zones de croissance urbaine récente, particulièrement dans le sud et l’ouest du pays. Celles-ci bénéficieraient de la croissance des emplois « présentiels », liés à la satisfaction des besoins locaux de la population (administrations, services publics, transports, commerces). On se trouverait dans ce cas dans une continuation des processus de tertiarisation qui avaient jalonné la politique des métropoles d’équilibre à l’époque des Trente Glorieuses, dans un contexte de décentralisation administrative et de montée en puissance de l’État-providence.  



MÉTROPOLES «PRODUCTIVES» MAIS INÉGALITAIRES
L’aspect le plus remarquable, et plutôt inattendu, de l’évolution récente de l’emploi dans les métropoles françaises tient à la place importante qu’y occupent désormais les emplois productifs.

Ainsi, sur la période 2008-2013, ceux-ci représentent 37 % du solde net d’emplois créés dans les métropoles. Cette proportion avoisine même les 50 % dans un certain nombre d’entre elles, comme Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Aix-Marseille, Montpellier, qui sont les seules parties du territoire national à connaître une évolution positive de leurs effectifs d’emplois productifs.

Au total, grâce à leurs fonctions économiques diversifiées, les métropoles auraient « mieux résisté à la crise » que les autres parties du territoire national (10). Cet essor de l’emploi est conditionné par les nouvelles normes de production imposées par la globalisation économique : incorporation massive des nouvelles technologies dans les procédés de fabrication, ouverture sur les marchés internationaux en amont et en aval…

Cela va de pair avec une transformation profonde des règles sociales s’appliquant au travail salarié. Si la globalisation économique est souvent vue comme une tendance favorisant l’élévation des qualifications et des rémunérations, elle peut aussi avoir des effets très néfastes pour les catégories les plus précarisées de salariés. On perçoit ainsi dans les métropoles françaises une forte accentuation des inégalités de revenus, celles-ci étant plus marquées qu’à l’échelle nationale. Ainsi : « À l’échelle des 15 métropoles françaises, les 10 % les plus modestes ont un niveau de vie […] inférieur de 7 % au seuil au-dessous duquel vivent les 10 % des Français les plus pauvres. À l’opposé, les 10 % les plus aisés vivent avec […] 16 % de plus que le niveau de vie plancher des Français les plus aisés. » (11)

Au-delà des revenus et des situations d’emploi, ces inégalités se prolongent dans les formes d’occupation résidentielle de l’espace. La « gentrification » des quartiers les mieux lotis va de pair avec la paupérisation et la dégradation des moins favorisés.

À défaut de mixité sociale, les fractures territoriales s’accentuent à l’échelle du périmètre métropolitain et jusque dans ses franges. Ces inégalités varient toutefois sensiblement d’une métropole à l’autre. Elles sont très marquées dans les villes où se concentrent traditionnellement les populations les plus fortunées, comme à Paris ou sur le littoral méditerranéen (Aix-Marseille, Nice) ; elles le sont aussi, inversement, dans les capitales de régions industrielles en reconversion, particulièrement dans le nord et l’est (Lille, Nancy, Strasbourg), qui sont confrontées à des formes plus aiguës de pauvreté. En revanche, les villes de croissance plus récente, dans le sud et surtout l’ouest, ont plutôt mieux préservé leur niveau de cohésion sociale.

LE POIDS DES INSTITUTIONS
Outre ces situations socioéconomiques très diverses, les facteurs institutionnels et politiques ne sont pas sans incidence sur les processus de métropolisation.

À l’échelle de l’Europe, on a pu remarquer que les pays à structure administrative décentralisée (Espagne, Italie) ont été plus précoces à prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux de la métropolisation. L’autonomie des collectivités locales a permis dans le même temps de mieux relayer les aspirations civiques locales. Les mobilisations citoyennes ont pu intervenir et infléchir le cours des politiques métropolitaines sur différents plans : économique, social, environnemental, culturel, etc.

À l’inverse, les pays à tradition plus centralisatrice, comme la France, s’en sont tenus à une approche plus réductrice de la métropolisation, abordée presque exclusivement sous l’angle de l’optimisation économique. Sa mise en oeuvre institutionnelle s’est en outre opérée de manière très directive de la part de l’État, au détriment de l’intervention des élus et des citoyens. Il en résulte des structures de gouvernance métropolitaine à faible légitimité et peu à même de peser efficacement sur les tendances lourdes de la métropolisation.

Il est donc probable que le dilemme entre polarisation économique et fragmentation sociale se perpétue encore longtemps dans le cas des métropoles françaises. 

(1) Pour une critique de cette position, cf. Olivier Bouba-Olga, Michel Grossetti, « La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ? », Revue de l’OFCE 2015/7, no 143, p. 117-144.
(2) Ludovic Halbert, l’Avantage métropolitain, PUF, Paris, 2010.
(3) Paul Bairoch, De Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire, Gallimard, 1985, p. 115-117.
(4) McKinsey Global Institute, Urban World : Mapping the Economic Power of Cities, McKinsey & Company, mars 2011.
(5) Saskia Sassen, la Globalisation. Une sociologie, Gallimard, Paris, 2009.
(6) S. Sassen, op. cit., p. 125-126.
(7) Le zonage en « aires urbaines » a été proposé par l’INSEE à partir du recensement de 1990. Il distingue au sein d’une aire urbaine trois types d’espaces : le « pôle urbain » rassemblant au moins 5 000 habitants, la « couronne périurbaine » et les « communes multi-polarisées », ensemble de communes dispersées dont au moins 40 % des actifs travaillent dans des aires urbaines. En 2014, elles étaient une cinquantaine à dépasser les 200 000 habitants, et celles-ci rassemblaient au total 37 millions d’habitants, soit 55 % de la population française.
(8) « Quelle dynamique de l’emploi dans les métropoles françaises », Métroscope, 50 indicateurs clés pour les métropoles françaises, Fédération nationale des agences d’urbanisme, juin 2017.
(9) France Stratégie, « Dynamique de l’emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ? », in Note d’analyse, no 53, février 2017.
(10) « En matière d’emploi, les métropoles ont davantage résisté à la crise », in INSEE Première, no 1503, juin 2014.
(11) Métroscope, op. cit., p. 33.

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