Livres (N°12)

Europe, état d’urgence BRUNO ODENT 

Le Temps des cerises, 2016, 230 p. 

N103Le projet européen est miné. Partout progressent des forces de régression nationaliste. On le mesure en France au niveau atteint par le Front national. Il n’est pratiquement plus contesté par aucun observateur sérieux que la léthargie économique, le déficit démocratique, la paupérisation d’une large partie des populations et le creusement des inégalités soient à l’origine du scepticisme croissant des opinions publiques à l’égard du projet européen… et du succès des joueurs de flûte nationalistes. Selon le diagnostic du prêt-à-penser relayé par les médias dominants, le mal viendrait de l’incapacité à respecter et/ou à faire respecter les normes du « modèle ordo-libéral » : les critères des traités de Maastricht et de Lisbonne, ceux du « pacte de stabilité » ou les engagements du « traité budgétaire » adopté en 2012. Il faudrait donc renforcer encore l’« ordo », ces capacités de contrôle et de coercition d’organismes « indépendants », pour les protéger des vents facétieux de la démocratie et pour garantir l’administration de purges que certains dirigeants rechigneraient ou refuseraient d’appliquer. Diktat des marchés financiers et hégémonie du « modèle allemand » sur l’Europe constituent ainsi les deux faces d’une même pièce de monnaie. Ainsi, l’ordo-libéralisme ne crée pas seulement un terrain favorable aux joueurs de flûte européens en laminant l’emploi, les salaires et les solidarités sociales existantes dans chacun des pays, il est fondamentalement constitué de logiques de compétition et de puissance, porteuses d’une désagrégation de l’Europe. Le nationalisme ne nie pas le modèle, il en est une consécration. L’urgence alternative est d’autant plus forte que les besoins de rapprochements et de coopération des peuples du continent n’ont jamais été aussi flagrants. Pour libérer la souveraineté populaire, étendre les droits d’intervention des salariés à l’entreprise, triompher de la « post-démocratie » en marche, il faut se donner les moyens de coopérer.◊


Le Progrès sans le peuple DAVID NOBLE

Agone, Marseille, 2016, 236 p. 

N101

Thomas More, dans son Utopia – dont nous fêtons cette année les cinq cents ans –, prônait un modèle de société où la journée normale de travail serait de quelque trois ou quatre heures. Cela lui semblait parfaitement suffisant, alors qu’il ne pouvait même pas imaginer les techniques prodigieuses dont nous disposons, nous, hommes et femmes aux prises avec les 35-39 heures et avec des taux de chômage abyssaux qui vident de sens le concept même des sociétés. Que s’est-il passé ? Dans cette traduction d’un texte de 1993, il s’agit de chercher des éléments de réponse pour comprendre le présent. Je retiendrai surtout une excellente description des mécanismes socioéconomiques et psychologiques de la construction de l’idéo logie du progrès par la classe dominante. L’auteur nous explique que « Ce lien historique entre capitalisme et production s’amenuise de plus en plus, une part croissante des investissements étant détournée vers des sphères économiques non productives comme l’immobilier ou la spéculation financière […] une tendance au désinvestissement qui laisse derrière elle un sillage de débris – usines fermées, travailleurs sans travail, villes fantômes » (p. 166) ou que « la mobilité a consommé la rupture entre la santé d’un groupe et la prospérité des pays d’accueil (y compris ceux qui l’ont vu naître) » (p. 174), ainsi que « les technologies soi-disant économes en travail n’ont pas été utilisées pour faire des économies de travail – épargner aux ouvriers des efforts mentaux et physiques – mais pour faire des économies de travailleurs » (p. 179). Ces argumentations sonnent vrai et actuel. Le reste du livre présente surtout un intérêt historique. Il est utile de connaître les luttes des briseurs de machines du XIXe siècle ; leur détermination et les dangers encourus témoignent d’une détresse insoutenable, propre à rappeler que les évidences des démunis ont peu à voir avec celles des nantis. On y comprend que, des deux éléments de la dialectique du capital et de la main d’oeuvre, seul le premier détenait le pouvoir de décision. Et cela constitue une clé pour comprendre le présent. Sous l’apparence de concertation nationale, la démocratie libérale abandonne les véritables leviers de commande à la finance internationale qui, n’étant pas concernée par la vie des hommes et des femmes, remplace la recherche de bien-être par une course au profit des placements financiers. Cela entraîne l’exacerbation de la compétitivité, qui conduit au chômage pour certains et à l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail pour les autres. Si on relisait Thomas More ? ◊ EVARISTE SANCHEZ-PALENCIA


La Saga nucléaire. Témoignages d’acteurs NICOLE COLAS-LINHART ET ANNE PETIET 

L’Harmattan, 2015, 254 p. N102

Dès la première page, les auteures annoncent leur intention : « Présenter les pionniers de la deuxième génération nucléaire […] Leurs discours, leurs souvenirs, leur vécu […] passionnants, exceptionnels et parfois surprenants. […] Leur témoignage dessine des portraits humains bien loin de la caricature. » Dix-huit d’entre eux – ingénieurs, chercheurs, médecins, tous acteurs historiques de la filière nucléaire française – ont accepté de raconter leur histoire, souvent agrémentée d’anecdotes savoureuses. Aux côtés de noms prestigieux – Marcel Boiteux, Maurice Tubiana, Pierre Pellerin… – on découvre un monde porteur d’une histoire passionnante dans laquelle Leonid Urutskoïev, parti à Tchernobyl deux mois après l’accident, ou Luc Foulquier, qui a créé dans les années 1960 le premier laboratoire de radio éco logie de France, nous font entrer. Membre de la commission Écologie du PCF depuis plus de quarante ans, ce dernier nous décrit avec sincérité et humour ce que furent ses premiers pas dans cette science toute neuve et évoque les circonstances de son engagement politique. Un ouvrage attachant, parfois émouvant, souvent drôle. Un remarquable travail de mémoire qui permet de se faire une idée bien différente de celles communément répandues sur la question du nucléaire. ◊ ALAIN LAMBRECHTS


La troisième guerre mondiale est sociale BERNARD THIBAULT 

Les Éditions de l’atelier, 2016, 224 p. 

N106

Le titre de l’ouvrage que nous livre Bernard Thibault est à lui seul un résumé de la situation mondiale caractérisée par une guerre de classe contre tout ce qui pourrait contrarier le profit maximal à court terme. La défaite, au XXe siècle, de l’expérience socialiste en Europe de l’Est a considérablement affaibli la position du prolétariat mondial. En Europe, les droits sociaux, arrachés de haute lutte, souvent au prix du sang, sont fréquemment présentés comme des privilèges surannés. La version néolibérale de la mondialisation a fait de la concurrence et de la compétitivité un absolu qui s’est étendu à la planète tout entière, et à tous les domaines de la vie sociale, au mépris des besoins humains. Les dégâts de cette guerre mondiale sociale sont gigantesques. Ancien secrétaire général de la CGT et actuellement membre de l’OIT, l’auteur dénonce ici le culte du moindre coût, qui sacrifie les travailleurs du monde sur l’autel de la concurrence. La solution ne peut être le repli sur soi nationaliste. À la mondialisation néolibérale, à la Commission européenne qui en est un rouage, au FMI, il faut opposer la force des travailleurs qui dépasse les frontières par la promotion de l’égalité des êtres humains, par l’adoption en Europe et dans les divers pays du monde de normes protectrices et élevées en termes de rémunérations et de temps de travail. En indiquant comment ces normes et l’OIT peuvent être un levier pour faire progresser les droits sociaux partout, Bernard Thibault ouvre une perspective : les travailleurs et leurs organisations syndicales et politiques ont des atouts pour sortir de la guerre sociale mondiale en s’unissant et en construisant un monde guidé par le respect des droits sociaux.◊  IVAN LAVALLÉE


Environnement et énergie AMAR BELLAL

Le Temps des Cerises, 2016, 150 p. 

N104L’introduction de ce petit livre, sous-titré Comprendre pour débattre et agir, indique qu’il faut faire un effort de compréhension. De quoi s’inquiéter ? Non, ce livre se lit presque comme un roman, tant son écriture est limpide. Tout ce qu’il demande, c’est de faire l’effort de l’ouvrir. L’essentiel est composé de 13 chapitres, 13 clés pour comprendre avec, dans chacune de ces clés, une brève introduction suivie de questions-réponses, les questions étant celles que l’on se pose ou que l’on entend couramment dès que l’on parle énergie. Et cette présentation en rend la lecture fluide : un peu d’attention pour la lecture des quelques premières pages de chaque clé… et le suspense des réponses aux questions ! Derrière cette présentation se cache un livre remarquablement documenté sur l’ensemble des questions de l’énergie, qu’il s’agisse du bilan énergétique en France ou dans le monde, des déchets et pollutions, des conséquences sur la santé, du bilan carbone des différentes sources d’énergie, des différents scénarios préconisés en France… En le lisant, vous vous éviterez de confondre part du nucléaire dans la production électrique et part du nucléaire dans la consommation énergétique, de confondre chauffe-eau solaire et photovoltaïque… Environnement et Énergie est un livre qui contredit certaines idées reçues et qui permet d’avancer dans le débat démocratique nécessaire pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique car, comme le dit la citation de Louis Aragon par laquelle Amar Bellal introduit sa conclusion : « Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ces querelles. » L’environnement et l’énergie ont besoin que vous lisiez ce livre ! ◊ MICHÈLE LEFLON


Notez que vous pourrez faire dédicacer par son auteur ce dernier livre à l’occasion du repas scientifico-gastronomique de la revue qui aura lieu le 8 Septembre 2016. Vous y retrouverez aussi Pierre Laurent auteur du livre 99%

N105


Rappelons aussi que vous pouvez trouver les derniers numéros de la Revue du Projet qui est mensuelle et des documents tel que “Pour une transition énergétique réussie” sur le site du PCF dans l’ensemble de ses publications

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