Une présentation de réalités toujours à l’œuvre pour maintenir des inégalités tenaces entre hommes et femmes, et donc la répartition inégalitaire des fonctions, malgré les discours sur une démarche vers l’égalité.
*NICOLAS KIEFFER, JEANNE PÉCHON et ÉLYSE GODIN sont membres du groupe Féminisme du Conseil national de l’Union des étudiants communistes.
Même si le taux d’emploi des femmes progresse, hommes et femmes ne font pas les mêmes études et n’ont pas les mêmes métiers ; c’est ce qu’on appelle l’« orientation genrée » : à l’université, les filles sont surreprésentées dans les filières littéraires (81 % en lettres et 79 % en langues). Les garçons sont plus nombreux dans les filières scientifiques (72 %) ou sportives (74 %).
LA MARQUE TRÈS FORTE D’UN IMAGINAIRE QUI NE SEMBLE PAS ÉVOLUER
L’imaginaire collectif répartit les valeurs et les aptitudes selon le genre, créant ainsi une ségrégation fondée sur des critères douteux : « Les garçons sont considérés comme robustes, forts et bien bâtis, les filles comme fines, délicates et douces ». Les enfants sont encouragés par l’école et leurs parents dans des activités attribuées à un sexe ; ils sont découragés quand ils veulent entreprendre des activités qui « correspondent à l’autre ». Des activités « calmes » seront proposées aux filles (poupée, dînette) alors que des activités physiques seront proposées aux garçons.
Ces différences ne sont pas innocentes et découlent de l’attribution des rôles dans la famille, préparant ainsi les fillettes à leur futur rôle – à la maison ! – et à la reproduction de ce rôle. La pédagogie est différenciée selon le genre de l’enfant : les attentes des instituteurs diffèrent selon les matières et les stéréotypes de genre. Cette socialisation différenciée participe aux inégalités d’orientation entre les genres.
Une des conséquences directes de cette orientation genrée est la sexuation de l’emploi, c’est-à-dire la répartition des professions et des secteurs d’activité selon les genres. En France, le triste bilan de l’enseignement supérieur sur cette question a des répercussions dans le monde du travail, favorisant par rebond les préjugés sexistes liés aux différentes professions, qui sembleraient « naturellement » réservées aux hommes ou aux femmes par les compétences genrées qu’elles nécessiteraient.
Ainsi, les métiers dits « féminins » ont souvent certaines caractéristiques : ce sont des professions d’« assistance », de soin, subalternes, souvent à temps partiel. Ce sont aussi les emplois les moins payés. Ils regroupent un certain nombre de professions jugées « accessoires » ou « non productives », tout comme les études qui y mènent (métiers de la culture, sciences humaines…), majoritairement fréquentées par des femmes et peu valorisées. Derrière cette réalité se cachent des préjugés éculés sur le travail des femmes, « pas indispensable », « revenu de complément », surtout en période de chômage. L’orientation genrée fait ainsi apparaître des niches de sexisme, mais aussi des pratiques et des raisonnements sexistes à grande échelle (harcèlement, plafond de verre en entreprise). C’est le cas du secteur médical, où les médecins, majoritairement des hommes, ont sous leurs ordres une majorité d’infirmières.
Alors qu’il faudrait dépasser cette division du travail les politiques menées travaillent encore trop souvent à la conforter. Sous prétexte d’économies et de « simplification de procédure », la lutte pour l’obtention réelle de l’égalité professionnelle est ainsi mise en danger dans le cadre du projet de loi Rebsamen. Le travail des femmes, donc leurs études et leur avenir, ne sont pourtant pas une variable d’ajustement pour justifier ces politiques de régression !
Nous pensons que les femmes doivent être partie intégrante de toutes les sphères de notre économie. À l’heure où des secteurs de métier manquent de travailleurs, comme dans l’ingénierie, et alors qu’on nous parle de « fuite des cerveaux » à l’étranger, que penser de ces 52 % de la population consciemment écartés de certaines formations ?
DES PROPOSITIONS POUR DÉPASSER CES OBSTACLES
Nous pensons qu’il est nécessaire d’enrayer le sexisme des ouvrages éducatifs, dans lesquels les femmes sont absentes.
Toute la sphère culturelle doit être revue afin de redonner aux femmes la place qu’elles méritent et de lutter contre les stéréotypes réactionnaires. À l’université, les femmes doivent avoir leur juste place dans les programmes. Une Lise Meitner ou une Germaine Tillon ont participé comme leurs pairs masculins au progrès scientifique. Plutôt que des unités d’enseignement en « écriture de CV » ou « autoentrepreneuriat », mettons en place des moments de formation sur le rôle des femmes à l’université.
Il est temps de lever les barrières qui freinent l’investissement des femmes dans des métiers auxquels elles n’ont trop souvent pas accès. La division sexuée du travail ne profite qu’à quelques dominants, qui en font un outil d’exploitation rabaissant les droits de tous. Le harcèlement sexuel, les salaires inégaux et le plafond de verre doivent être sanctionnés dans toutes les entreprises, l’égalité n’est pas négociable.
En 2016, pour la Semaine du féminisme, nous donnerons la parole aux femmes pour qu’elles se réapproprient des espaces dans lesquels elles sont déjà expertes et légitimes, bien que mises de côté. Il s’agira d’en faire un moment de reconnaissance de la vraie valeur des femmes, car elles doivent prendre conscience qu’elles représentent une force révolutionnaire.