Notre alimentation dépend de l’agriculture au sens large. Xavier Compain pointe ici problèmes et pistes de solutions permettant la pérennisation du secteur hors mainmise des grands groupes capitalistes, dont la visée est le profit maximal dans le minimum de temps.
*Xavier Compain est responsable du secteur agriculture du PCF.
Pour relever les nombreux défis auxquels elle est confrontée, l’agriculture doit s’affranchir de l’OMC, des politiques libérales de l’Union européenne et des marchés spéculatifs.
Avec la nouvelle politique agricole commune 2014-2020, nous sommes à un tournant de l’histoire : soit l’Europe abandonne notre alimentation aux groupes de la grande distribution, soit nous parvenons à faire entendre l’exigence d’une politique publique forte alternative au capitalisme.
En France, les revenus agricoles se sont effondrés, éliminant sans cesse les plus fragiles, des filières entières sont menacées par la concurrence, le renouvellement des générations est compromis, des écosystèmes sont parfois endommagés à jamais… L’Europe a besoin d’une nouvelle feuille de route agricole et alimentaire prenant en compte l’horizon 2050. La France peut en être le moteur et lui apporter une vision novatrice. La gauche doit être audacieuse sur le champ de la politique agricole, courageuse face aux seules prétendues réalités du marché.
Face à l’urgence de la crise, des mesures immédiates doivent être prises :
– engager les pouvoirs publics à protéger les prix agricoles plutôt que de contractualiser sur des marchés à terme. Et partant mettre en place des prix garantis rémunérateurs ;
– appliquer la préférence communautaire et suspendre les accords bilatéraux de libre-échange négociés par l’Union européenne (avec le Mercosur), s’opposer au traité transatlantique de libre-échange, le TAFTA;
– renforcer la souveraineté alimentaire par la constitution de stocks européens de sécurité.
L’agriculture est un élément déterminant du projet de société pour les générations futures. Parmi nos propositions, quatre engagements forts :
1. Produire en quantités suffisantes une alimentation saine et accessible. Face au défi alimentaire, la production agricole doit être soutenue par de nouvelles politiques publiques. L’indépendance alimentaire doit être garantie. La relocalisation des productions doit privilégier la satisfaction des besoins humains.
2. Vivre dignement de son travail. Des paysans justement rémunérés sont la condition d’installation de jeunes. Cette exigence vaut pour les salariés de l’agroalimentaire. Cela passe par des prix rémunérateurs garantis, la planification de la production et la régulation des marchés, la production et la répartition des terres agricoles, le soutien public aux exploitations et aux filières les plus fragiles. La redistribution de la valeur ajoutée au bénéfice des producteurs est essentielle.
3. Engager la transition écologique de l’agriculture. À la culpabilisation d’un secteur empêtré dans le productivisme nous proposons d’en sortir par le haut : promotion de bonnes pratiques agronomiques, aptes à maintenir durablement les rendements ; diversification des productions ; amélioration de la complémentarité entre cultures et élevages. La recherche agronomique doit être dédiée à la conquête de ce nouveau développement.
4. Promouvoir un aménagement équilibré des territoires. Les paysans sont des acteurs économiques et sociaux majeurs des espaces ruraux européens. Le rôle qui est le leur dans l’aménagement des territoires doit être reconnu, soutenu et encouragé par une politique de maintien des services publics.
Ces enjeux alimentaires interpellent nos civilisations. Ils appellent un nouveau mode de développement. C’est le sens de la contribution populaire à l’écriture du projet d’émancipation humaine que vient de formuler le PCF. Notre croissance est celle d’un développement en faveur d’une alimentation de qualité, saine et accessible à toutes et tous, assise sur des productions relocalisées. En France, en Europe, pour le devenir de la planète, notre détermination à construire une nouvelle ambition agricole et alimentaire est à la hauteur de notre conviction que le capitalisme ne se moralise pas, il se combat.