Université : fermetures de filières et faillites en perspective, MATTHIEU BAUHAIN

par Matthieu Bauhain, Secrétaire à l’organisation de l’UEC

Les réformes de ces dernières années sur les universités ont un bilan catastrophique, mettant toute l’économie française et la formation en grand danger. C’est l’avenir de millions de futurs salariés qui est en jeu.

Depuis une dizaine d’années, les politiques publiques gouvernementales qui se sont succédées ont visé une restructuration phénoménale de l’économie française. Le but assumé des réformes partait et part toujours du constat suivant : la France serait un système mixte où l’économie de marché se trouverait ralentie d’une part par des leviers d’action étatique faisant obstacle à la notion de libre concurrence, d’autre part par un code du travail et un système social avancés qui avantageraient le travail au détriment du capital.

Au regard des statistiques économiques de l’OCDE, ce constat paraît tout à fait inexact. Mais les tenants du pouvoir économique ont compris qu’il n’y a pas de mutations économiques d’ampleur sans transformation et adaptation du système de formation. Et c’est bien pour «adapter» l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) à l’économie néolibérale de marché qu’ont été mises en place les dernières réformes de l’Enseignement supérieur (LRU, Fioraso). L’enjeu est immense: c’est là que se forme l’ensemble des salariés qualifiés de demain, mais aussi les futurs créateurs d’entreprises, les chercheurs, les professeurs. En clair, l’économie de demain naîtra pour beaucoup de l’enseignement supérieur d’aujourd’hui.

Avec l’autonomie des universités, l’État a considérablement diminué ses dotations vers l’Enseignement supérieur, en espérant que les directions d’entreprise et les collectivités combleraient le trou. Elles ne l’ont pas fait, ou très marginalement: c’est donc un désastre. Selon le SNESUP, 38 universités françaises (c’est-à-dire, plus de la moitié) subissent une austérité conséquente, entraînant fermetures de filières ou d’UFR. Pour certaines d’entre elles, comme à Versailles Saint-Quentin, c’est l’université entière qui risque de disparaître. Cette situation est un frein considérable au développement du pays, du monde du travail et des sciences. En effet, nous sommes à l’heure de la révolution informationnelle, là où les échanges de connaissances et d’informations circulent à une vitesse phénoménale et où les technologies de demain sont en évolution constante et de plus en plus accessibles aux particuliers comme aux entreprises. Dans ce contexte, il est inconcevable que l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve l’ESR entraîne une dizaine d’établissements à fermer leurs filières d’information-communication.

De même, quand les fondements théoriques du management et de l’encadrement se focalisent seulement sur les logiques de profit et de rentabilité immédiate, sans prise en compte des besoins humains et de l’intérêt général, il apparaît fondamental de repenser les rapports humains au sein de l’entreprise. C’est pourquoi, la volonté de fermer des filières de sociologie comme à l’université de Nantes et de baisser de 5 % le budget de l’UFR de sciences humaines de Poitiers est à contre-courant des besoins. Dans un monde hyperconnecté, où les échanges entre partenaires internationaux sont si primordiaux, comment comprendre les menaces qui portent sur les départements de portugais et d’allemand à Rennes ?

Le monde du travail et l’enseignement supérieur ont intérêt à un lien étroit. Ne serait-ce que pour garantir l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Et surtout parce que le monde universitaire permet le développement du progrès et des techniques qui viendront, demain, nourrir le monde du travail.

Mais l’austérité budgétaire ne renforce ni l’enseignement supérieur, ni les entreprises. Il faut donc en finir avec le court-termisme toxique qui est appliqué au monde de l’enseignement après l’avoir été dans les entreprises. Les actionnaires sont incapables de gérer l’économie. Cette incapacité se révèle être encore plus criante depuis qu’ils essayent de mettre la main sur l’ESR. Il est temps que la puissance publique reprenne en main l’enseignement supérieur pour créer les conditions du renouveau démocratique, économique, technique et scientifique dont la société a besoin pour sortir de la crise du capitalisme. l’interdiction de fermetures des filières, UFR, et universités ainsi que le réengagement budgétaire de l’État peuvent être les leviers de ce renouveau.

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