Transport et agglomération : l’exemple de Toulouse, Bernard Marquie
L’intervention des communistes sur les transports à Toulouse a été permanente, y compris lorsque la ville était gérée par la Droite (45 ans, de 1971 à 2008), que nous ayons des élus ou pas. Ainsi, au début des années 2000 avec Charles Marziani, vice-président PCF du Conseil régional, nous avons animé une bataille pour que la Société d’économie mixte Tisseo ne fasse pas l’objet d’une Délégation de service public au bénéfice de Conex (Véolia). Nous avons gagné et depuis 2005, Tisseo est une régie publique transformée plus tard en EPIC. La droite qui gérait Toulouse depuis 1971 ne s’était pas donné les moyens d’un système de transport ambitieux et laissait reposer la charge des emprunts pour financer les deux lignes de métro sur l’autofinancement de Tisseo: poussant ainsi Tisseo vers un surendettement qui aurait « justifié » une privatisation. Dès le retour de la gauche en 2008, unila- téralement, Toulouse avec sa nouvelle équipe municipale, a décidé de rajouter 15 millions d’euros au budget des transports. Le passage en Communauté Urbaine (C.U.) en 2009 nous a permis d’augmenter sensi- blement les versements, nous en sommes aujourd’hui à 100 millions d’euros par an versés par la C.U. au budget de Tisséo avec l’ambition d’arriver à 180 millions d’euros en 2020. Ce volontarisme politique a permis de consolider la dette de Tisséo, ce qui a été approuvé par la Cour des Comptes, et de voter un Plan de déplacement urbain (PDU) ambitieux en 2012.
• Les jeunes : pendant la campagne électorale notre liste d’union avait promis la gratuité pour les jeunes de moins de 26 ans, contre mon avis, car la situation financière ne nous a pas permis de le faire. Mais nous avons mis en place un abonnement à 10 euros par mois pour les jeunes de moins de 26 ans, ce qui fait de nous la ville la moins chère pour les jeunes.
• Le choix de la « toile d’araignée » Nous avons une ligne A du métro qui fête ses 20 ans cette année et une ligne B qui a été inaugurée peu de temps avant les municipales de 2008. Aujourd’hui la ligne A est saturée et nous proposons le doublement de sa capacité pour accompagner l’ar- rivée du TGV. La caractéristique du réseau que nous avons trouvé était qu’il reliait des zones d’habitat au centre-ville et que les principales zones d’emploi hors centre-ville n’étaient pas desservies (Aéroport, zone aéronautique, Sicoval, Oncopole etc.) Avec les habitants, après avoir tenu des assises de la Mobilité nous avons décidé de réorganiser le réseau en toile d’araignée et en même temps de desservir les villes de la banlieue : c’est notre PDU. Nous avons inauguré la 1re ligne de Tramway en 2009 et nous avons aus- sitôt décidé de la prolonger pour commencer notre toile d’araignée. Le nouveau tronçon sera mis en service le 20 décembre 2013. Nous avons également décidé : – Le prolongement de la ligne B du métro vers la zone économique du Sicoval pour 2018, – la mise en place d’un téléphérique qui relie les deux côtés de la Garonne au niveau de l’ Oncopôle qui sera lui aussi un élément de notre toile d’araignée et la mise en place de plusieurs BHNS (Bus à haut niveau de service). La progression du nombre de voyageurs depuis 2008 sur le réseau des transports en commun est de près de 50 % ce qui fait de nous le 3e réseau en Province après Lille et Lyon. Nous enregistrons à ce jour plus de 620 000 validations quotidiennes. Les Toulousains valident nos projets et nous avons fait la démonstration d’une gestion publique des transports dynamique et efficace. Dans la foulée, nous avons transformé la Société d’économie mixte (SMAT) d’assistance à maîtrise d’ouvrage de Tisséo en Service public local pour éviter les contraintes des procédures longues de mises en concurrence (code des marchés publics) et préserver les intérêts des cadres, techniciens et employés de cette société. La régie est confortée et si en 2003-2004 nous étions l’exception qui confirme la règle en passant en régie publique, aujourd’hui, le mouvement de retour vers une gestion publique des transports existe bel et bien.
• Le partage de l’espace public avec la voiture L’autre chantier que nous avons dû affronter avec le prolongement de la ligne de Tramway plus près du centre-ville c’est le partage de l’espace public avec la voiture. Et là nous avons dû passer aux travaux pratiques du débat avec les habitants concernés. Nous avons dû porter l’intérêt d’un outil de transport à la place de la voiture, plus efficace et moins cher, nous n’avons pas encore gagné partout mais, aujourd’hui, la recherche des solutions alternatives à la voiture indi- viduelle est dans la tête des gens avec le service d’autopartage, les systèmes de location de vélo, Velô Toulouse, la marche et l’utilisation des transports en commun. À noter que la progression de la fréquentation du réseau de transports en commun se fait sur la base de tous les modes : métro, tram bus et le TAD (Transport à la demande). Ce débat se complète par la politique du stationnement en centre-ville où nous avons continué et élargi dans le centre, et là où c’est nécessaire, la mise en place du stationnement payant avec un tarif préférentiel pour les résidents, pour les services à la personne et pour le maintien à domicile. Là aussi, le débat est ouvert, des habitants de certaines rues font des pétitions pour nous le demander, d’autres le refusent, et à ce jour, tout le centre-ville est couvert ce qui permet de limiter les flux de voitures qui asphyxiaient le centre-ville et nous avons inauguré le 15 juillet la piétonnisation de la place du Capitole et de quelques rues autour, chose impensable il y a 10 ans.
• Les zones limitées à 30 km/h : Nous progressons dans leur déploiement en fonction de la demande des habitants, contrairement à d’autres villes qui avaient fait de grandes annonces et ont organisé des référendums généraux qu’elles ont perdus.
• La prévention, axe très important Nous avons diminué sensiblement le nombre d’accidents. 40 % des tués dans la Communauté urbaine le sont en deux roues motorisés. Nous avons travaillé durant ce mandat avec la Fédération Française des Motards sur des campagnes de prévention, et dans le cadre de la semaine de la mobilité, l’effort a porté essentiellement sur la prévention. Tous les ans nous coorganisons avec la police, la gendarmerie, les fédérations et associations de motards, le « Printemps des Motards » événement festif qui a réuni cette année plus de 2500 personnes pour faire la fête sur un fond d’éducation à la prévention. J’ai pu aussi animer un atelier sur les livraisons en centre-ville. Il existait une charte de livraisons qui n’était respectée par personne et j’ai proposé de lancer une réflexion avec tous les intéressés sur ce sujet: transporteurs individuels, avec leurs syndicats, la chambre de commerce, l’Etat et les services de la ville. Nous avons fait faire un bilan des pratiques par un bureau d’études, bilan partagé par les intéressés et à partir de là nous avons lancé des ateliers pour travailler sur les différents aspects que revêt la livraison en ville et nous avons coécrit une charte dans laquelle toutes les parties prenaient des engagements. Cette charte a été conclue et votée en séance du Conseil Municipal en juin 2012 et signée solennellement en septembre 2012 par les représentants des participants. Depuis, nous nous revoyons tous les 3-4 mois pour faire le bilan de la mise en œuvre et pour modifier ou compléter certains aspects. Lors de la première réunion, nous étions une trentaine, rapidement ce chiffre a doublé et même aujourd’hui pour les réunions de mise au point, nous sommes encore une cinquantaine. Je dois dire que toutes les parties ont joué le jeu. Aujourd’hui la plus grosse difficulté rencontrée par les transporteurs est l’obtention de véhicules de livraisons électriques et l’installation chez eux de bornes de recharges avec une fourniture d’énergie suffisante. Devant les délais de fabrication, nous sommes obligés d’accorder des dérogations pour les véhicules thermiques. Que fait notre industrie ?
BERNARD MARQUIE est Maire Adjoint PCF et délégué à la Communauté urbaine Toulouse Métropole.