Quand on ne sait pas où on va, on a toujours la ressource de faire semblant, Yves Bréchet*

Ancien haut commissaire à l’énergie atomique, Yves Bréchet nous livre ce billet d’humeur à l’attention d’Antoine Peillon, responsable du « Plan national Intégré Énergie Climat » ce dernier justifiant l’abandon de la filière neutron rapide.

*Yves Bréchet est ancien haut-commissaire à l’énergie atomique, membre de l’académie des sciences.

Alors que la ministre Agnès Panier Runacher et ses équipes s’efforcent du mieux qu’ils peuvent de relancer le nucléaire et de mettre fin au niveau européen à 20 ans de « nucléaire bashing » , la créativité des jésuites en costard dans les équipes en charge de la transition énergétique sous la férule de Antoine Peillon, forcent l’admiration…par leur obstination a voir dans le nucléaire une énergie de transition. Et à agir en conséquence.

Le projet « Plan national Intégré Énergie Climat » pondu en octobre 2023 par les services de Antoine Peillon contient, cachées dans une prose particulièrement plâtreuse (218 pages dont le responsable s’auto-félicite sans barguiner), quelques perles particulièrement savoureuses. Parmi elles, les responsables du sabordage de la filière de surrégénérateurs à neutrons rapides ont réussi à inventer, page 203, un nouveau concept de physique nucléaire : la « semi-fermeture du cycle » :

« Validation de l’orientation pérenne de semi-fermeture du cycle du combustible et, dans cette perspective, poursuite des travaux d’ici fin 2026 au plus tard en vue d’une prise de décision, notamment sur la stratégie post 2040, en veillant à prendre les mesures permettant d’assurer l’adéquation aux besoins des infrastructures existantes d’ici 2035 »

 McKinsey est passé par là…je suppose. Car on chercherait en vain une définition précise de la « semi-fermeture » … s’agit-il de la stratégie de multi-recyclage en réacteur à eau pressurisée, stratégie qui ne résout ni le problème de la ressource, ni le problème des déchets, qui augmente de à peine  1% la consommation d’Uranium, qui aggrave la gestion du combustible en fin de deuxième cycle, rend l’opération des réacteurs plus difficile, et in fine transforme en actinides parti du plutonium qui est en fait, dans les réacteurs à neutrons rapides, une ressource ! Et cela fait quand même cinquante ans qu’on le sait (c’est vrai, c’était dans l’ancien monde…). Et les rapports qui le prouvent ont été transmis entre 2012 et 2018 à ceux-là mêmes qui font aujourd’hui semblant de l’ignorer.

Il n’est pas imaginable que ce soit cela. Alors il faut bien que ce soit une découverte majeure…Ce concept génial de « semi-fermeture du cycle » signifie sans doute que des neutrons « semi verts » sont « semi-absorbés » par le plutonium pour produire des « semi-actinides ». On sait depuis longtemps que la seule certitude de ces gens est que le chef a toujours raison et que s’il a décidé du haut de l’olympe de jeter par-dessus bord 50 ans de recherche payée par le contribuable, il est impossible que cela soit par ignorance. C’est qu’il savait bien, lui, que la « semi-fermeture du cycle » était la solution.

On dit qu’un courtisan avait répondu à Louis XV qui lui demandait l’heure, « il est l’heure qui plaira à votre majesté ». On en est là. Mais il est plus que temps de rappeler aux florentins qui prétendent nous gouverner en jouant sur les mots faute de pouvoir accepter les faits, qu’une demi-vérité est un mensonge complet.

7 réflexions sur “Quand on ne sait pas où on va, on a toujours la ressource de faire semblant, Yves Bréchet*

  1. Autre proverbe qui illustre ce scandale : « quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage ».
    On retrouve là la pratique perverse des conseillers techniques d’aujourd’hui, qui au lieu de faire leur boulot honnêtement quitte à déplaire au prince, s’efforcent de lui démontrer avec des arguments biaisés, que ses intuitions sont géniales.
    Cette redoutable « stratégie » conduit évidement à la catastrophe, les lois de la physique étant toujours plus fortes que celles des hommes, surtout quand elles sont basées sur des erreurs volontaires. Et à l’irresponsabilité : celle des conseillers évidemment, car ils ne sont que « conseillers » ; et celle des décideurs, malheureusement, car ils ne sont pas sensés être des « sachants » et sont « enduits d’erreur » par leurs courtisans infâmes.

  2. Il faudrait que le Parti popularise réellement le nucléaire et les solutions du futur, il faut s »attaquer au discours dominant antiscientifique, pondu par la Commission européenne ou Mac Kinsey ( le lobby anti nucléaire, qui est celui d’autres intérêts antinationayx).
    . Produire et diffuser des brochures, imposer un débat.
    Les meilleurs articles de Progressistes ( les plus convaincants et intéressants) sont ceux sur le nucléaire, donc on a les ressources.

      1. Mon opinion (et je la partage) est que le scénario du PCF est « en même temps » génial et délirant. Génial car il suit négaTep pour les 100 GW de nucléaire; délirant car il propose près de 200 GW d’intermittence électrique rien qu’en France. Ceci est justement pour moi anti-scientifique car anti-écologique et antisocial vu les coût et l’empreinte faramineuse. Sans compter les importations.

  3. bonjour
    Et la radiolyse de l’eau par le plutonium ,par exemple pour produire de l’hydrogène séparable ou recyclable directement dans des turbines?
    y-a-t-il des études à ce sujet ou des prototypes ?
    Y-at-il des isotopes indésirables ?

  4. Je note que l’AEN dès 2012 parle de la mise en place de cycles de combustible partiellement fermés comme projet d avenir ….

  5. J’ai eu l’honneur d’être conseiller technique d’un de vos prédécesseurs (Jean Teillac) et j’avais aussi noté que le recyclage du Pu en réacteur à eau était une impasse. Et je ne doute pas que ceux qui s’en tenaient à une approche strictement technique ne l’ignoraient pas. Mais les manœuvres politiques sont passées par là, ce qui conjugué avec certains carriérismes a conduit à un fiasco. On pourrait en dire autant des délires autour des déchets.

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