EDITO: L’urgence climatique, la science et la démocratie, Anne Barbagelata*

Anne Barbagelata, directrice de la rédaction de progressistes

Comme le dit le GIEC dans son 6e rapport, publié le 20 mars 2023, la décennie 2011-2020 est la plus chaude qu’ait connue la Terre depuis 125000 ans, et cela est principalement dû aux activités humaines.

Les effets du réchauffement climatique sur l’ensemble de la planète sont indéniablement là, meurtriers, dévastateurs. Des images médiatiques l’attestent, et on a pu le vivre sur nos territoires…

Au mois d’octobre, l’ONU aussi nous a alertés : « Le changement climatique menace d’anéantir des décennies de progrès vers une meilleure santé et un meilleur bien être, en particulier dans les communautés les plus vulnérables. »

Il ne fait donc plus de doute que l’urgence climatique nous impose de réagir rapidement et efficacement contre ce changement pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et tenter ainsi de limiter à 1,5 °C le réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle.

C’est tout le sens du plan climat « Empreinte 2050 » élaboré par la revue Progressistes avec les contributions de militants communistes œuvrant dans le monde scientifique. Ce plan, présenté le 6 novembre à Paris, ouvre des perspectives qui ne s’inscrivent pas dans les logiques du capitalisme. Il propose de réduire immédiatement, massivement et durablement les émissions de gaz à effet de serre, et donc, aussi, de nous émanciper de l’utilisation des énergies fossiles dans les trois prochaines décennies. Les scientifiques pensent que c’est encore possible, bien que nos chances d’y parvenir s’amenuisent dangereusement au fil des atermoiements des uns et des autres.

Comme notre revue le préconise depuis dix ans, il est urgent de repenser le triptyque science, expertise et politique; c’est ce qu’a fait plus récemment « L’appel des Houches », qui a rassemblé des scientifiques de toutes disciplines, des experts, des responsables politiques, des journalistes et des militants associatifs. Nous devons relever le défi démocratique et scientifique imposé par les enjeux du climat et de l’énergie.

Pour nous passer des énergies fossiles, nous avons besoin de mettre les progrès scientifiques, la formation scientifique et technique, l’investissement financier public et privé au cœur d’une indispensable transformation de la société. Nous devons modifier nos modes de production, notre façon de consommer, nos déplacements, et faire de ces évolutions des outils de justice sociale, car les applications du progrès scientifique ne vaudront que si leurs fruits sont partagés par tous.

Ce changement de société peut et doit se faire en faveur des plus modestes, et donc en gommant les inégalités, en améliorant le monde du travail et en éradiquant les rapports délétères du « marché du travail ». Ce changement de société doit se faire dans le cadre d’une coopération internationale, tout d’abord par solidarité, mais aussi parce que les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas les frontières.

Mettre en place des mesures à la hauteur des enjeux climatiques ne pourra se faire que dans une société progressiste, grâce à une politique d’investissement très massive et franche de la part de l’État, des États.

Une telle transition demande ainsi d’investir non seulement dans les infrastructures, mais aussi dans la formation, dans une culture scientifique pour tous. Aussi la filière scientifique doit-elle redevenir attrayante et, du technicien au bac + 5, l’État doit se donner les moyens de former la jeunesse en augmentant le nombre de places à l’université, en permettant à tous les étudiants de mener à bien leurs études.

Pour cela, il faut lutter contre le poids des stéréotypes qui conduisent les filles à s’autocensurer, lutter en mettant en avant la contribution des femmes à la recherche scientifique et au progrès et en permettant à nos élèves de faire des choix d’orientation moins conditionnés et déterminés par leur genre comme par leur milieu socioéconomique. On ne peut pas se satisfaire d’un monde où, d’après l’UNESCO, moins de 30 % des personnes qui se consacrent à la recherche sont des femmes. Et, plus généralement, chacun de nous doit pouvoir exercer son droit à une formation citoyenne scientifique tout au long de sa vie pour pouvoir décider, démocratiquement, en connaissance de cause, des choix que la société doit faire.

Oui, la lutte contre le réchauffement sera scientifique, démocratique, sociale… et mondiale. En démontrant la possibilité d’un lien direct entre épanouissement personnel et réponse à l’urgence climatique, notre projet politique, fondé sur le savoir émancipateur, est plus à même de convaincre et de mobiliser pour que les actes desquels dépend notre survie même soient enfin mis en œuvre.

téléchargez le plan climat Empreinte 2050

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