La forêt et la cité de demain, Denis Boutineaud*

Le développement de l’emploi dans nos territoires, la diminution des distances de transports, la souveraineté industrielle, la gestion durable de nos forêts, tout plaide pour le redéveloppement ambitieux d’une grande filière bois en France. D’après la fédération CGT de la construction, du bois et de l’ameublement, cela ne sera possible qu’en créant un grand service public de gestion forestière.

*Denis Boutineaud est syndicaliste, fédération CGT de la construction, du bois et de l’ameublement.

Notre organisation a décidé lors de son IVe congrès de travailler sur la cité de demain, ce pour ce qui concerne les modes de construction aussi bien que la façon d’aborder les enjeux sociaux et environnementaux. Avoir une réflexion avec les autres fédérations et professions du bois dans ce cadre est important pour construire avec les salariés les revendications en la matière, avec pour objectif le développement de la filière et le respect des exigences écologiques et sociales.

UN PATRIMOINE, UNE MATIÈRE PREMIÈRE ET L’ÉCOLOGIE

La forêt fait incontestablement partie de notre patrimoine. Elle est, en même temps, matière première pour l’industrie du bois et élément indispensable au maintien des écosystèmes pour la flore, la faune, le climat, la préservation des sols, le cycle de l’eau et l’absorption de CO2. Elle est aussi un facteur essentiel de l’aménagement du territoire, côtoyant les espaces agricoles et urbanisés, ainsi qu’un espace social de loisirs et de découvertes pour chacun d’entre nous. En tant que syndicat défendant les travailleurs du bois et de l’ameublement, nous agissons pour que l’industrie du bois se développe de façon raisonnée, avec une gestion des forêts qui permette le développement des petites industries locales. Les industries du bois sont localisées surtout dans des zones rurales ; elles sont créatrices d’emplois dans celles-ci, et donc elles permettent de pérenniser leur développement.

Pour la préservation de la forêt est nécessaire une coordination de tous les acteurs – professionnel, citoyens… – qui interviennent dans sa protection afin de créer un vrai service public démocratique pour sa gestion.

UNE RESSOURCE ESSENTIELLE ET UN SECTEUR IMPORTANT POUR L’INDUSTRIE

Pour nos industries, le bois est une ressource essentielle qui devrait avoir a minima trois utilisations au cours de son exploitation industrielle. Tout d’abord, il sert en tant que bois brut à la construction et à l’ameublement. En deuxième transformation, il permet la réalisation de panneaux, de matériaux pour l’isolation. Enfin, il peut servir comme source d’énergie ou de combustion sous forme de pellet.

Nous ne pouvons que déplorer l’apparition à certains endroits des coupes rases effectuées pour des raisons de valorisation financière du bois sans gestion renouvelable de la matière première.

En France, la filière bois est un secteur important pour les industries. De la culture à l’industrialisation, c’est :

– 60000 entreprises, dont une majorité de PME;

– 440000 emplois (emplois directs et indirects) ;

– 53 milliards d’euros de chiffre d’affaires ;

– 24,7 milliards d’euros de valeur ajoutée.

Pour la préservation de la forêt, il est nécessaire une coordination de tous les acteurs qui interviennent dans sa protection afin de créer un vrai service public démocratique pour sa gestion.

Pas de bois, pas de fabrication de meubles, pas de constructions, les usines et scieries à l’arrêt ! Le sciage et le travail du bois, le bois de construction, la fabrication de meubles représentent en Nouvelle- Aquitaine près de 25 000 emplois salariés sur les 38000 salariés de toute la filière régionale et environ 3000 emplois non-salariés.

LA RECHERCHE, VECTEUR D’INNOVATIONS ÉCOLOGIQUE

Il est aussi important de développer les liens avec la recherche pour une meilleure utilisation du bois coupé, et pour développer de nouveaux produits et ouvrir des débouchés.

Le lamibois LVL est un matériau de construction bois pouvant résister à de fortes contraintes.

Ainsi, une expérience est menée avec l’ENSAM (École nationale supérieure des arts et métiers) de Cluny sur la fabrication de fenêtres en lamibois LVL (laminated veneer lumber, « bois de placage stratifié »). Le projet consiste à transformer du chêne de qualité secondaire, issu des forêts du territoire proche, en carrelets de LVL.

Les carrelets sont des petits morceaux de bois déroulé et collés de façon croisée. Le bois déroulé est issu d’une méthode qui permet d’obtenir une plaque de bois à partir d’une portion de tronc plus ou moins grande. L’utilisation de morceaux de bois de courtes longueurs permet d’optimiser le pourcentage d’utilisation du bois d’un arbre coupé, donc sa rentabilité au sens économique, mais aussi écologique car de ce fait une plus petite partie partira en bois de chauffage. Le bois collé par couches croisées acquiert une plus grande résistance, due à une meilleure uniformité de ses propriétés mécaniques.

Aujourd’hui, les partenaires en sont à l’étude de faisabilité technique et économique du projet pour une industrialisation du procédé et sa rentabilité économique. Cette action est menée avec la communauté de communes du Clunisois, la région Nouvelle-Aquitaine et des partenaires industriels. Cet exemple comme celui de la relance du gemmage dans les Landes montrent que la forêt reste génératrice d’activité éco nomique.

DÉVELOPPER DES EXPÉRIENCES SOURCES D’EMPLOIS

Pour des raisons écologiques, notamment pour faire l’économie des transports, mais aussi pour garantir un approvisionnement fiable, il est nécessaire d’utiliser tant que faire se peut le bois local, bien entendu en gérant le renouvellement des forêts. Nous avons pu constater que dans certaines usines, comme dans le groupe Savare, les approvisionnements en bois se sont arrêtés à cause du conflit en Ukraine, ce qui a pour conséquence de mettre les salariés en activité partielle de longue durée. De plus, entre mai 2020 et mai 2021, les achats chinois de chêne français ont augmenté de 42 %, et même de 66 % pour les résineux. Cela pose un véritable problème pour les industries sur nos territoires.

DE L’IMPORTANCE D’UNE GESTION PUBLIQUE DE NOS FORÊTS

Nous ne pouvons que déplorer toutes les tentatives d’implantation de champs photovoltaïques telles celles du projet « Horizeo ». Ce projet, porté par Engie, Neoen et RTE, comporte la destruction de pins maritimes sur 2 000 ha pour l’implantation de 1000 ha de panneaux photovoltaïques plus la création d’un data center. Engie porte ce projet alors même que le quart sud-ouest de la France est déjà la région qui produit le plus d’électricité solaire et est excédentaire en matière de fourniture d’énergie. De plus, après les incendies de l’été 2022, des propriétaires de parcelles brûlées ont été approchés par des commerciaux qui leur proposent de racheter leurs terres, sur lesquelles seraient installés de nouveaux champs photovoltaïques.

Les industries du bois peuvent dynamiser les zones rurales, où elles sont majoritairement implantées.

Nous ne pouvons que déplorer l’apparition à certains endroits des coupes rases effectuées pour des raisons de valorisation financière du bois coupé sans gestion renouvelable de la matière première. Cela a des conséquences environnementales non maîtrisées, sur la biodiversité ou le drainage des sols, et ne permet pas de gérer convenablement les ressources. À Lannemezan, dans les Hautes- Pyrénées, une scierie du groupe italien Florian devait s’implanter. Cette scierie devait surexploiter la forêt en faisant éventuellement des coupes sans plan de gestion de la ressource. Mais la mobilisation de militants au sein du collectif Touche pas à ma forêt a réussi à faire renoncer la multinationale à ce projet.

Militants issus des industries du bois et de l’ameublement, nous sommes vigilants et attentifs à une bonne gestion forestière. Les enjeux sont considérables pour la relance de la filière, et nous avons la volonté de faire revenir les activités de valorisation du bois dans nos régions. Ces objectifs doivent être conformes aux exigences écologiques qui doivent être absolument respectées pour que la forêt participe à la lutte contre le dérèglement climatique et le maintien de la biodiversité.

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