Les forêts dans les Pyrénées : éléments d’histoire et de sylviculture, Daniel Pons*

Les forêts pyrénéennes sont le fruit d’une longue histoire, modelée par l’agriculture, l’industrie et l’ensemble des besoins humains. Il faut dès aujourd’hui s’appuyer sur cette histoire pour mettre en place une gestion forestière démocratique et adaptée aux changements climatiques.

*Daniel Pons est syndicaliste du Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (SNUPFEN-Solidaires).

PORTRAIT DE LA FORÊT PYRÉNÉENNE

Les Pyrénées, au sens géographique, s’étalent sur une longueur de 460 km et une largeur de 30 à 120 km, soit une surface de 1 500 000 ha, dont 51 % sont boisés, le taux de boisement variant d’un département à l’autre : Ariège, 52 % ; Aude, 83 % ; Haute- Garonne, 52 % ; Hautes-Pyrénées, 35 % ; Pyrénées-Atlantiques, 37 % ; Pyrénées-Orientales, 72 %. Cette disparité est liée aux différentes activités humaines exercées depuis le néo – lithique, puis à leur abandon progressif à partir du milieu du XIXe siècle, moment où le point culminant de la déforestation est atteint dans les Pyrénées. Depuis cette date – soit un temps très court au regard de l’histoire pyrénéenne, mais aussi de la temporalité forestière –, la forêt a reconquis de nombreux espaces soit naturellement, soit par des reboisements1[1]. Aujourd’hui, cette disparité perdure et s’explique notamment par la différence des reliefs, des versants ou des activités pastorales, qui varient d’un bout à l’autre de la chaîne.

La forêt pyrénéenne s’étend sur plus de 750000 ha.

Actuellement, la forêt feuillue représente 70 % de la couverture forestière, la forêt résineuse 20 % et la forêt mixte feuillue-résineuse 10 %. La forêt pyrénéenne est très diversifiée dans la structure de son peuplement avec onze « visages » forestiers différents, parmi lesquels des futaies feuillues et résineuses (34 %), du taillis (19 %), un mélange futaie et taillis (17 %), des boisements lâches (19 %), des reboisements (3 %) et la garrigue et/ou maquis (3 %).

Les premiers indices d’occupation humaine dans les Pyrénées remontent au tournant du IXe et VIIIe millénaires.

La surface de production est égale à 92 % de la surface totale boisée, avec une possibilité moyenne de 4,30 m3/ha/an – soit environ 3,1millions de mètres cubes par an (Mm3/an), en deçà de la moyenne française – pour un capital sur pied de 160 m3/ha, soit 117 Mm3 au total.

Depuis 2008, un nouvel indicateur est pris en considération : le volume de bois mort au sol. Concernant la forêt pyrénéenne de production, celui-ci est de 18 m3/ha pour une moyenne nationale de 17 m3/ha, avec des amplitudes de 7 m3/ha en Provence à 31 m3/ha dans les Vosges. Le bois mort a de multiples fonctions : maintien de la fertilité du sol et de la biodiversité forestière ; garde du bois en forêt, et donc du CO2 ; recyclage des nutriments, etc.

À titre de comparaison, le bois mort représente 36 m3/ha dans la forêt communale de la Massane (commune d’Argelès-sur-Mer, Pyrénées-Orientales), dont la surface est de 336 ha et qui n’est plus exploitée depuis plus de cent vingt ans.

Les forêts domaniales, qui appartiennent à l’État, et les forêts communales représentent respectivement 15 % et 29 % des forêts pyrénéennes ; 56 % des forêts y sont privées, contre 75 % en moyenne en France.

UNE ÉVOLUTION AU RYTHME DES ACTIVITÉS HUMAINES

Comme l’ont établi Jean-Paul Métailié et Didier Galop2[2], les premiers indices d’occupation humaine dans les Pyrénées remontent au tournant du IXe et VIIIe millénaires dans la partie est de la chaîne et sont attestés par des études palynologiques. Puis, progressivement, les activités agricoles se développent à travers les Pyrénées et deviennent réelles entre 6800 et 6500 BP (before present : « avant le présent », soit avant l’an 1950) sur l’étage collinéen du piémont nord pyrénéen et dans la partie méditerranéenne au-dessus de 1500 m d’altitude. À la suite de cette phase pionnière, l’économie agropastorale se diffuse dans toute la chaîne pendant le néolithique moyen, soit entre 6200 et 6100 BP, période qui correspond aussi à la naissance des premiers espaces pastoraux.

Le pastoralisme est historiquement l’un des premiers vecteurs d’occupation humaine des Pyrénées.

Une deuxième phase d’expansion se termine à la fin du néolithique ; elle a laissé notamment des indices de dépôts de plomb vers 4500 BP, lesquels suggèrent les premières activités minières et métallurgiques avec, en miroir, les premières exploitations des forêts pour la production du charbon de bois.

Vers 4000 BP et 3000 BP, les données polliniques montrent une augmentation de la population des montagnes. Cette augmentation est attestée par l’abondance des restes archéologiques trouvés à plus de 2 000 m dans les Pyrénées centrales et orientales, l’accroissement des incendies (écobuage, déforestation), l’intensification des activités métallurgiques montrées par des données géochimiques dans la vallée d’Ossau et le Pays basque. Les premiers siècles de l’Antiquité ne voient que des déboisements locaux. Cela est peut-être à mettre en relation avec un système socio – écologique dans lequel l’économie et le pragmatisme gèrent mieux les ressources naturelles.

En revanche, entre l’Antiquité tardive (VIe siècle) et le Haut Moyen Âge (XIIe- XIIIe siècle), les études palynologiques montrent une augmentation des feux et des déboisements entre 700 et 1300 m ainsi que des établissements pastoraux à haute altitude. Néanmoins, la grande phase d’expansion médiévale commence au IXe et Xe siècle avec une accélération des déboisements à toutes les altitudes, liés à une augmentation des surfaces de terres cultivées et au développement des activités métallurgiques.

DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS HUMAINES, RÉGRESSION DE L’ESPACE FORESTIER

L’Antiquité débouche dans les Pyrénées avec une proto-industrie métallurgique déjà bien présente. Ce n’est qu’à partir du XIIIe et XIVe siècle que cette industrie commence à organiser l’espace forestier des vallées – l’Ariège notamment – avec des avancées technologiques (forge hydraulique) qui multiplient la productivité et les besoins en charbon de bois. Cette croissance industrielle provoque d’importants déboisements, qui se lisent dans les enregistrements polliniques et les vestiges des charbonnières3[3]. Cette pression de la sylviculture industrielle tend à faire disparaître des sapinières au profit de taillis de feuillus à courte rotation (12 à 20 ans). À l’aune de cette activité, toutes les essences sont utilisées : en premier les chênes et les hêtres, mais aussi des résineux et feuillus divers (châtaigniers, tilleuls) ou frênes et noisetiers dans les bocages.

La double croissance, industrielle et pastorale, va signifier la disparition de forêts de certaines vallées.

Cette progression est rompue au XIVe et XVe siècle avec la peste et la guerre, sans que pourtant la forêt ne reprenne une dynamique d’expansion.

Le XVIe siècle connaît une augmentation démographique, une nouvelle extension des terroirs et de nouvelles pressions sur l’espace forestier. Cette dynamique va s’accroître du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe avec une colonisation des hautes vallées et l’implantation d’habitats permanents créant des terroirs diversifiés de parcelles bocagères, de bois et de pâturages. Cette double croissance, à la fois industrielle et pastorale, va signifier la disparition de forêts de certaines vallées (ainsi, en Haute-Ariège, la limite supérieure de la forêt est à 1300-1500 m, contre 1800-2500 m à la fin du Moyen Âge) et le vieillissement des taillis parcourus aussi par les troupeaux et les écobuages. L’apogée de ce système prend fin au milieu du XIXe siècle, lorsqu’interviennent l’exode rural, l’arrivée du chemin de fer (en 1866 à Saint-Girons, par exemple), le début de la révolution industrielle dans les métropoles, l’arrivée du charbon de terre… Il est suivi au XXe siècle par une dynamique inverse, à savoir le début des enfrichements des pâturages abandonnés puis la lente recolonisation des forêts par simple dynamique naturelle dès 1840 dans la frange orientale pyrénéenne, 1920-1930 dans les Pyrénées centrales et une accélération en 1950 dans l’ensemble des Pyrénées.

RICHESSE ET DIVERSITÉ DES FORÊTS HÉRITÉES

Classiquement, le cycle de vie d’une forêt en libre évolution, laissée à sa propre dynamique évolutive, s’étale suivant les essences de 300 à 400 ans, parfois plus, et se divise en cinq grandes phases :

  1. La régénération, c’est-à-dire la mise en place de la forêt (< 10 % du cycle).

  2. La croissance, qui permet l’installation des arbres de futaie (< 10 %).

  3. La maturation, qui permet la croissance en diamètre et l’apparition de dendro-microhabitats (30 %). C’est lors de cette phase qu’en forêt de production, principalement en futaie régulière, les arbres sont récoltés (120 ans pour le hêtre et le chêne pédonculé, 180-250 ans pour le chêne rouvre, par exemple).

  4. Le vieillissement, avec l’apparition de branches maîtresses mortes (30 %).

  5. L’écroulement avec une forte mortalité, des chablis, etc. (20 %).

La connaissance de ce cycle permet ainsi de se rendre compte du temps long nécessaire à la maturation d’un écosystème forestier. Toutefois, sur des périodes aussi longues, le cycle est parfois tronqué, voire remis à zéro comme lors des tempêtes de 1999 où des forêts entières ont été renversées, ou lors d’incendies. Ainsi, sur le terrain, il peut être courant de trouver côte à côte des parties du cycle qui se visualisent par une mosaïque de phases de l’évolution naturelle.

Dans les Pyrénées, à partir du milieu du XIXe siècle, la reconfiguration de l’espace agroforestier sous la forme de la déprise agricole rebat les cartes et permet progressivement la création d’une forêt naturelle diversifiée à base de noisetiers, bouleaux, frênes, merisiers, châtaigniers dans une phase de régénération ; puis chênes, érables, hêtres, sapins, ifs et pins à crochets en fonction des altitudes (phases de régénération et de croissance, puis prélude à la maturation). Cette forêt férale (dont la naturalité a pour origine un milieu initialement transformé par l’homme), sous la forme d’une futaie mélangée – encore globalement jeune : de 60 à 150 ans – continue aujourd’hui d’évoluer dans sa composition dendrologique, mais aussi dans sa dynamique de colonisation de terres agricoles abandonnées, notamment sur les collines et vallées du piémont.

La longue période sylvo-industrielle a par contre orienté le socle forestier – principalement les forêts communales et domaniales – installé de longue date vers la prééminence de hêtraies plus ou moins monospécifiques pour le charbonnage comme nous pouvons le voir dans la partie occidentale de la chaîne, et ce souvent aux dépens des hêtraies-sapinières originelles. Le sapin Abies alba, ou sapin pectiné, a par contre été largement (sur)exploité au XVIIe siècle par la Marine royale. Sans l’importance de la métallurgie, il semblerait plus naturel aujourd’hui d’avoir des forêts mélangées à base de chênes, hêtres, sapins et divers feuillus et/ou résineux (érable sycomore, frêne, sorbier des oiseleurs, if, pin sylvestre, pin à crochets).

Sans l’importance de la métallurgie, il semblerait plus naturel aujourd’hui d’avoir des forêts mélangées.

Néanmoins, certaines de ces hêtraies publiques ont pu bénéficier à partir de cette rupture du milieu du XIXe siècle de nouvelles sylvicultures les orientant vers la futaie pour une production de bois d’œuvre sur le long terme. La pratique de la futaie jardinée pied à pied est également mentionnée dans les Pyrénées dès le XVIIe siècle[4]. Aujourd’hui, ces hêtraies ont pour principale origine sylvicole l’abandon du régime du taillis exploité sur de courtes rotations. Ces hêtraies ont plus ou moins bénéficié à partir de la rupture du XIXe siècle d’une longue période de reconstitution sans éclaircies[5] sylvicoles importantes, éclaircies qui auraient pu les orienter en croissance libre – vers un plus large développement des houppiers, et donc une croissance en diamètre plus importante des troncs, et donc un meilleur ratio bois de printemps/bois d’été – pour obtenir du bois d’œuvre moins nerveux et de meilleure qualité. Sur le piémont, les chênaies publiques ont pu bénéficier progressivement d’un modèle de sylviculture alliant agroforesterie, affouage et production de bois de feu et d’œuvre.

LES CYCLES DES PEUPLEMENTS FORESTIERS

Concrètement, les années 1970, avec la création des dessertes forestières modernes (routes empierrées pour les camions grumiers, pistes d’accès aux parcelles pour les tracteurs de débardage) et l’abandon progressif des affouages, ont vu une reprise de la sylviculture orientant la forêt pyrénéenne, notamment publique, vers la futaie de production ou des forêts de protection dans les parties de la chaîne aux milieux les plus géo – morphologiquement sensibles. Une partie de cette couverture forestière reconstituée, souvent privée, est aussi en libre évolution parce que non accessible ou par le non-intérêt patrimonial de leurs propriétaires.

À la suite des tempêtes de décembre 1999 s’est développée une mécanisation de l’exploitation forestière.

Dans la veine de cette libre évolution a émergé dans les Pyrénées, depuis 2008, un statut de vieille forêt ancienne et mature. Un inventaire en montagne a dénombré 7000 ha de forêt sous ce statut, soit 2 % des forêts de l’ex-région Midi-Pyrénées (Ariège, Haute- Garonne et Hautes-Pyrénées), et environ 500 ha en plaine-piémont. Ce statut recouvre un état boisé depuis le minimum forestier de 1850 pour le caractère d’ancienneté et un nombre important de gros et très gros bois, d’arbres habitats et dendro-microhabitats pour le caractère mature.

FORÊTS, SYLVICULTURES ET EXPLOITATIONS

Depuis le dernier quart du XXe siècle, la forêt pyrénéenne – hêtraie, hêtraiesapinière ou sapinière comme dans l’Aude, chênaie ou chênaie-hêtraie sur le piémont – a été principalement orientée vers une sylviculture de production de bois d’œuvre avec les régimes de la futaie régulière, irrégulière ou jardinée – respectivement gestion de la forêt par peuplement homogène avec une régénération naturelle par coupes progressives successives, dont la dernière découvre le sol ; conduite de la forêt arbre par arbre, mais aussi en îlots, bouquets ou paquets – suivant les contextes forestiers locaux, les altitudes avec lors des éclaircies intermédiaires des productions de bois d’industrie (pâte à papier ou bois énergie actuellement). Une production de bois de feu locale subsiste encore.

L’exploitation forestière actuelle repose sur de larges pistes parallèles qui détruisent de fait 16 à 24 % de la surface forestière.

À la suite des tempêtes de décembre 1999 s’est développée une mécanisation de l’exploitation forestière de plus en plus poussée, recourant à des engins forestiers de plus en plus puissants et lourds et d’une efficacité technique redoutable, comme la tête abatteuse, un engin monté sur roues ou chenilles, armé d’un bras de 7 à 12 m équipé d’une scie et d’un ébrancheur. Cette industrialisation s’inscrit également dans la trace des reboisements industriels résineux et feuillus du Fonds forestier national des années 1960-1990 réalisés sur le piémont et qui arrivent en pleine production. Les forestiers équipent aujourd’hui les forêts d’origine naturelle dans une nouvelle veine industrielle production- efficacité mécanisation-rentabilité ; c’est ainsi que depuis les années 2010 ils y pratiquent des cloisonnements d’exploitation, c’est-à-dire un maillage de pistes parallèles large de 4 m dont les interstices varient de 15 à 25 m, pistes vouées à la circulation des engins forestiers d’exploitation. Ce maillage, outre l’atteinte au paysage, détruit de fait de 16 à 24 % de la surface de l’écosystème forestier suivant les écartements pratiqués.

Il est possible d’associer production, protection des forêts et récréation dans les Pyrénées.

Il existe une méthodologie, utilisée avec une extrême parcimonie, plus respectueuse de l’écosystème – la traction animale – qui serait à développer avec la mise en place d’un maillage de cloisonnements par exemple tous les 100 m (soit 4 % de la surface) et qui prône une coopération comprenant le rapprochement par des chevaux forestiers des bois abattus vers le maillage en place où les tracteurs forestiers les reprennent et les amènent vers le quai de chargement des grumiers.

QUELQUES PERSPECTIVES DE GESTION

L’histoire forestière des Pyrénées est caractérisée par une très longue période de déforestation continue liée aux diverses activités humaines ; puis par ce brusque retournement de l’histoire commencé à partir de 1840, celui d’une reforestation naturelle prépondérante liée à l’abandon de ces activités et aux exodes sociétaux locaux. Globalement, à partir des noyaux de forêts restantes, une couverture forestière et des écosystèmes se sont reconstitués naturellement, et continuent de se reconstituer et d’évoluer.

Dans le temps de cette reconstitution, de nouvelles unités industrielles plus demandeuses de bois[6] sont nées, en liaison avec le développement de la société de consommation intronisée à partir des années 1970. La reconstitution de cette jeune couverture forestière est perçue par l’industrie comme une ressource à exploiter de nouveau.

La création de dessertes modernes dans les années 1970 a réorienté les forêts pyrénéennes vers la production.

Le tournant gestionnaire des années 2000 couplé à l’évolution de la gestion forestière publique vers plus de productivité et de rentabilité, telle une copie conforme des grandes coopératives forestières privées, a ouvert la boîte de Pandore : on a ainsi assisté à la création de filières de productions spécialisées (celles du chêne, du hêtre – d’où la tentative du géant industriel Florian d’installer une méga scierie dans la région –, des bois résineux, du bois énergie) créant de fait des organisations en silo, une division du travail poussant à valoriser la sectorisation des qualités via certaines essences (chêne, hêtre, sapin, bois énergie), et cela au détriment de la diversité des ventes et d’un maillage territorial des unités de transformation. La vente par contrat d’approvisionnement, au détriment des ventes par adjudication concurrentielle, facilite également ce modèle de silo industriel.

Le récent bras de fer qui a opposé le collectif de citoyen(ne)s Touche pas à ma forêt-Pyrénées à Florian7 soutenu par des collectivités locales et territoriales montre l’appétit du capitalisme extractiviste. Une nouvelle lutte est enclenchée depuis septembre2022 par ce même collectif contre la construction d’une usine de cogénération biomasse pour produire de l’électricité et fabriquer des pellets à Lannemezan, c’est-à-dire « brûler du bois » (énergie) pour fabriquer des pellets (rebrûler du bois pour se chauffer).

Le tournant gestionnaire des années 2000, couplé à l’évolution de la gestion forestière publique, a ouvert la boîte de Pandore.

Le travail d’inventaire des vieilles forêts mené depuis 2008 est à prendre en considération dans la prise de conscience citoyenne et scientifique de l’importance des forêts pour la biodiversité. À ce titre, rappelons quelques rôles essentiels de la forêt :

  • épuration de l’eau par filtration et fixation d’éléments chimiques ;

  • canalisation et rétention de l’eau lors d’abats de pluie importants ;

  • limitation de l’effet de serre par séquestration du CO2 (végétation et sols) ;

  • protection des sols contre l’érosion grâce au couvert végétal ;

  • limitation des transports d’avalanche et atténuation des chutes de blocs en montagne; – effet de frottement lors des tempêtes ;

  • espace social de récréation et d’apaisement mental et psychique…

Nous pensons qu’il est possible d’associer production, protection des forêts et récréation dans les Pyrénées tout en laissant des massifs en libre évolution.

Un modèle de sylviculture mélangée à couvert continu, aussi dénommée futaie irrégulière pied à pied ou encore futaie jardinée, pratiquée de longue date dans d’autres régions et pays en Europe pourrait se pratiquer dans les Pyrénées d’une façon plus large et bienveillante pour cette forêt somme toute encore jeune et en reconstruction. Dans ce modèle, la connaissance pointue des qualités des essences associée à la finesse du tri du bois sur le chantier serait à développer pour une valorisation marchande optimale de la diversité dendrologique des forêts.

Les années 1970 ont vu une reprise de la sylviculture orientant la forêt pyrénéenne vers la futaie de production.

Le bouleversement climatique en cours plaide aussi pour laisser vieillir cette forêt de façon qu’elle joue son rôle de stockage de CO2 et de pérennisation de la biodiversité.

Une voie pour assurer ces chantiers passe par l’engagement et la (ré)appropriation de savoir-faire sylvicoles des citoyen(ne)s et leur traduction politique dans les agoras, assemblées, hémicycles de la démocratie.


[1] Cette différence tient en ceci que la FAO et diverses agences internationales gouvernementales (ou nationales) comptent souvent comme « forêt » des formations végétales dont la couverture en arbres est discontinue, couvrant à peine 10 % de la surface au sol.

[2] Avant qu’un terme définitif n’y soit mis, au début de la dernière décennie, a été détruite une forte proportion de la surface qu’occupait cette forêt qui croît dans la région de la planète où apparurent, au secondaire, les premières plantes à fleurs.

[3] La destruction annuelle de surfaces de forêts amazoniennes a battu des records sous la mandature de ce triste personnage, qui avait abrogé toutes les mesures de protection de la forêt amazonienne prises par Lula, lesquelles avaient pourtant donné des résultats spectaculaires.

[4] Le volume de fumée dégagé atteignit de telles proportions que l’aéroport de Singapour (1500 km à l’ouest de la zone incendiée) fut fermé pendant plusieurs jours !

[5] On soulignera le rôle incitatif majeur des multinationales forestières dans le déboisement en vue de produire des cultures d’exportation destinées à soutenir leurs activités. Et les changements des habitudes alimentaires liés au développement spectaculaire de la Chine font qu’elle est devenue le premier importateur mondial de soja et de maïs, ce afin d’alimenter un cheptel porcin en croissance incessante.

[6] C’est ainsi que l’on explique l’apparition de graves affections virales, comme la maladie Ebola : des chauves-souris sont les porteurs « sains » du virus qui la provoque chez l’homme.

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