Les bus Tango à Nîmes: enjeux d’une lutte, Michel Perfettini*

Il n’est pas nécessaire d’être élu pour intégrer la réflexion écologique aux luttes locales et à la préparation des élections municipales ni pour faire avancer des propositions de progrès et de prise en compte de la réduction des émissions de CO2.

*Michel PERFETTINI est ancien vice-président du Conseil Général du Gard.


La ville de Nîmes (150000 hab.), et la communauté d’agglomération Nîmes Métropole, l’« Agglo » (250 000 hab.) sont très étendues, le réseau d’autobus appelé Tango y a donc une grande importance, d’autant que Nîmes est une ville plus pauvre que la moyenne. Depuis quatre ans, la question des tarifs de bus est l’objet d’une bataille politique massive et constante.

En décembre 2015, la droite et l’extrême droite, très majoritaires à l’Agglo, décident d’une nouvelle tarification applicable au 1er janvier 2016 : suppression de la gratuité instaurée depuis quarante ans pour les personnes à très faible revenu (personnes âgées, privés d’emploi, titulaires du RSA, adultes en situation de handicap, apprentis, stagiaires, contrats aidés…), augmentation des tarifs sociaux, augmentation des abonnements pour tous. La justification est purement comptable : l’Agglo estime que la subvention payée au délégataire privé est trop élevée (10 millions d’euros).

UNE PÉTITION ET UN COLLECTIF

Immédiatement, le PCF lance une pétition, qui rencontre d’emblée un gros succès. Des réunions publiques résultant d’initiatives diverses ont lieu dans les quartiers. Les traminots font des débrayages. Un collectif pluraliste est constitué, Tango pour Tous.

En septembre 2016, l’Agglo fait un recul tactique : baisse du passe Solidaire (qui avait remplacé la gratuité antérieure…) et hausse pour tous les autres tarifs. Et en octobre, elle annonce « un chamboulement du réseau », effectif en décembre. Cela se traduit par une baisse de couverture de 400 000 km/an dès la première année (suppression de dessertes ou élargissement des cadences), soit 15 % de l’offre.

Ainsi, le quartier populaire de Pissevin, qui rassemble à lui seul 12 % des usagers, se voit amputé de 7 stations sur 12 ; les lignes A, B et E sont remplacées par la seule nouvelle ligne 3, dont les bus sont surchargés et constamment en retard… Ces modifications ont pour seule justification une cohérence comptable : faire des économies sur le service public au mépris des usagers et du développement des transports en commun pour le bien de tous les Nîmois.

Le PCF et Tango pour Tous proposent d’autres pistes pour les finances de l’Agglo : abandon d’investissements coûteux et inutiles, comme les projets immobiliers autour de la dérivation TGV ; réduction des profits du délégataire Keolis (passés en deux ans, officiellement, de 600000 à 1,8 million d’euros) ; lutte contre la fraude sur l’impôt – versement transport dû par les entreprises de plus de 10 salariés (même l’armée ne paie pas…). Nouvelle montée de la protestation.

Les pétitions diverses recueilleront au final plus de 13 000 signatures, nombre jamais atteint à Nîmes. L’Agglo est obligée de modifier de façon non négligeable son nouveau réseau : rétablissement de lignes ou de dessertes. Mais elle cherche à faire des économies sur le personnel : suppression du service sécurité, recours par Keolis à la sous-traitance…

En mai 2017, abandon des hausses prévues pour septembre et (légère) baisse des abonnements scolaires, rétablissement du quotient familial supprimé l’année précédente. En novembre 2017, elle dénonce la délégation de service public ; elle refuse le passage en régie publique demandé par la gauche ; elle change de délégataire, avec plusieurs millions de baisse de la subvention au nouveau délégataire. 

DES PERSPECTIVES DE RASSEMBLEMENTS

Les tarifs restent élevés : l’abonnement scolaire coûte 160 € par an, alors qu’il est à 90 € là où la région gère directement, et à 70 € dans le reste du Gard, que ce soit établi par le département (géré par la gauche) dans les zones rurales, ou même dans l’agglomération du Grand Alès, où la droite est majoritaire. Les usagers restent très mécontents du réseau, et aussi des horaires : fin des dessertes à 21 heures (comment font les personnes, surtout des femmes, qui sont agents d’entretien ou travaillent dans les services à la personne ?), presque pas de bus en week-end…

En vue des élections municipales, le PCF participe à Nîmes Nouvelle Page, un très large collectif citoyen pour une ville solidaire, écologique et citoyenne, qui rassemble presque toute la gauche. Ce collectif réfléchit aux grands traits de son programme. Il n’est pas étonnant que le chapitre « transports », qui apparaît comme un des axes forts aux yeux de la population, soit plus avancé et plus précis que d’autres. Il s’attaque à trois questions : tarifs, réseau et horaires. Pour les tarifs, il prévoit trois temps : presque tout de suite alignement de l’abonnement scolaire sur le tarif pratiqué dans le reste du département (70 € par an) ; dans un second temps, tarification très basse, voire gratuité, pour certaines catégories d’usagers (scolaires, personnes âgées, chômeuses et chômeurs) ; mise à l’étude de l’intérêt et de la possibilité de gratuité complète des bus pour tous les usagers. Pour le réseau, remise à plat. Pour les horaires, allongement en soirée et amélioration en week-end.

Il est clair que l’action de longue haleine sur les bus a des conséquences importantes pour la campagne municipale : elle a permis de montrer la différence avec une gestion de droite; les succès partiels obtenus ont donné confiance en la possibilité de faire autrement ; le rassemblement alors réalisé a facilité le rassemblement en cours pour une ville solidaire, écologique et citoyenne.

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