Climat: distinguer le vrai du faux, Jean Poitou*

Au fur et Ă  mesure que s’accumulent les signaux montrant l’ampleur de la catastrophe climatique, l’attitude de dĂ©ni de cette rĂ©alitĂ© et la montĂ©e des arguments climatosceptiques prennent plus de place et apparaissent comme une porte de sortie confortable. Le prĂ©sident Donald Trump en joue et a pu convaincre les États-Uniens de sortir de l’accord de Paris. Il s’avĂšre nĂ©cessaire de reprendre l’ensemble des objections les plus courantes et de les passer sous les fourches caudines de la connaissance scientifique. Un exercice auquel Progressistes vous invite Ă  travers cet article – paru en 2018 sur le site de l’association Sauvons le climat – qui peut se lire au fil de ses sections indĂ©pendantes.

*Jean POITOU est climatologue et prĂ©sident du conseil scientifique de l’association Sauvons le climat (www.sauvonsleclimat.org).


AVANT PROPOS

Alors que le rĂŽle de l’homme dans le rĂ©chauffement actuel du climat est reconnu de façon quasi unanime par la communautĂ© des sciences du climat, il est des personnes qui mĂšnent un combat sans relĂąche pour tenter de convaincre l’opinion et les dĂ©cideurs qu’il n’en est rien. Certains, de parfaite bonne foi, doutent que l’homme agisse vraiment sur le climat ; d’autres le proclament par intĂ©rĂȘt : les actions nĂ©cessaires pour rĂ©duire le rĂ©chauffement ou s’y adapter vont Ă  l’encontre de leurs intĂ©rĂȘts.

Certains des arguments prĂ©sentĂ©s par ceux qu’on appelle des climatosceptiques sont fondĂ©s sur des donnĂ©es biaisĂ©es ou des jeux de donnĂ©es excluant soigneusement ce qui pourrait contredire leur argumentation ; d’autres se basent sur des calculs qui ne sont pas rĂ©alistes parce que leurs auteurs ont une vision trop simpliste des processus en jeu dans le systĂšme climatique. Face Ă  cette polĂ©mique, notre but n’est pas de discuter une par une les affirmations des uns ou des autres – cela nĂ©cessiterait un gros volume dont la lecture pourrait s’avĂ©rer ardue – mais de donner au lecteur des moyens d’exercer sa vigilance et son esprit critique vis-Ă -vis des arguments qui lui sont prĂ©sentĂ©s, de voir dans quelle mesure les donnĂ©es pourraient Ă©ventuellement ne montrer que la partie de la rĂ©alitĂ© qui va dans le sens de celui qui l’énonce, d’identifier d’éventuelles failles dans les raisonnements prĂ©sentĂ©s.

AprĂšs une introduction sur les mĂ©canismes du climat, nous explicitons les rĂšgles de bon usage que sont censĂ©es respecter les prĂ©sentations de donnĂ©es. Ensuite sont exposĂ©es quelques-unes des lacunes de reprĂ©sentations trop simplistes des processus climatiques qui conduisent Ă  des conclusions erronĂ©es sur l’évolution du climat. Le lecteur est ensuite mis en garde contre les propos de certains scientifiques Ă©trangers aux sciences du climat qui veulent se faire passer pour des experts du rĂ©chauffement. Enfin, nous abordons quelques impacts du rĂ©chauffement que les climatosceptiques veulent ignorer.

INTRODUCTION

La Terre reçoit l’essentiel de son Ă©nergie du Soleil : ce qui provient de l’intĂ©rieur du globe ne reprĂ©sente que 1/4000 de ce qui arrive du Soleil. De l’énergie s’échappe de la Terre vers l’espace, une partie Ă©tant simplement la lumiĂšre solaire incidente rĂ©flĂ©chie ; le reste, sous forme de rayonnement infrarouge, est Ă©mis par la surface terrestre et par l’atmosphĂšre. Les rayons solaires qui ne repartent pas vers l’espace sont absorbĂ©s, leur Ă©nergie se retrouve sous forme de chaleur. De façon similaire, le rayonnement infrarouge Ă©mis par la Terre emporte de l’énergie. Quand la quantitĂ© d’énergie qui quitte la Terre diffĂšre de la quantitĂ© d’énergie qui lui arrive, il y a, selon le signe de cet Ă©cart, refroidissement du globe s’il part plus d’énergie qu’il n’en arrive, et rĂ©chauffement dans le cas contraire. Ces variations de la tempĂ©rature de la planĂšte et de son atmosphĂšre vont se poursuivre jusqu’à ce qu’un nouvel Ă©quilibre entre Ă©nergie reçue et Ă©nergie Ă©mise soit atteint. Ainsi, tout ce qui modifie le bilan de l’énergie Ă©changĂ©e avec l’espace induit une modification du climat.

La Terre Ă©tant sphĂ©rique, la surface de sol touchĂ©e par un rayon de soleil est d’autant plus grande que l’on s’éloigne de la zone Ă©quatoriale. La quantitĂ© de chaleur apportĂ©e par unitĂ© de surface dĂ©croĂźt donc de l’équateur aux pĂŽles. La machine climatique redistribue cette chaleur Ă  la surface du globe, attĂ©nuant le contraste latitudinal. Cette redistribution est portĂ©e par deux fluides : l’atmosphĂšre qui enveloppent le globe et les ocĂ©ans.

Le cycle de l’eau joue un rĂŽle important dans cette redistribution du fait des caractĂ©ristiques de l’eau qui se trouve dans notre environnement sous ses trois phases physiques : solide, liquide et vapeur. Le passage d’une phase Ă  l’autre se fait avec une consommation importante de chaleur (fusion, vaporisation) ou une restitution des mĂȘmes quantitĂ©s de chaleur (gel, condensation).

Un dĂ©sĂ©quilibre du bilan Ă©nergĂ©tique du globe et le changement du climat qui en rĂ©sulte peuvent ĂȘtre dus Ă  une modification soit de l’intensitĂ© du rayonnement solaire incident pour lequel l’atmosphĂšre est essentiellement transparente, soit de la rĂ©flectivitĂ© de la Terre pour ce rayonnement, soit encore de la transparence de l’atmosphĂšre au rayonnement infrarouge.

Le climat peut aussi ĂȘtre affectĂ© par des fluctuations internes au systĂšme climatique, liĂ©es au couplage entre les mouvements propres de l’atmosphĂšre et les mouvements propres des ocĂ©ans. De telles fluctuations sont limitĂ©es Ă  une rĂ©gion plus ou moins large du globe. L’étude des climats du dernier million d’annĂ©es montre que le systĂšme climatique est parfois sujet Ă  des phĂ©nomĂšnes de bascule dans lesquels la tempĂ©rature croĂźt rapidement dans un hĂ©misphĂšre en mĂȘme temps qu’elle dĂ©croĂźt dans l’autre. Ce type de phĂ©nomĂšnes est liĂ© Ă  des modifications de la circulation ocĂ©anique. Ces fluctuations propres du climat ont cependant une incidence limitĂ©e en valeur et en temps sur la tempĂ©rature moyenne globale. Ainsi, un fort El Niño peut accroĂźtre, pendant une durĂ©e de l’ordre d’un an, la tempĂ©rature moyenne Ă  la surface du globe de 0,1 Ă  0,2 °C.

Du fait de la grande variabilitĂ© mĂ©tĂ©orologique (le temps fluctue beaucoup d’un jour Ă  l’autre, d’une annĂ©e Ă  l’autre), on se doit de considĂ©rer uniquement les tendances sur des pĂ©riodes longues pour Ă©valuer une Ă©volution climatique ; typiquement, on considĂ©rera des pĂ©riodes couvrant trois dĂ©cennies.

Depuis la dĂ©cennie 1970-1979, on constate un rĂ©chauffement de la tempĂ©rature moyenne de la surface du globe. Sur ce sujet circulent beaucoup d’informations, souvent contradictoires, dont le profane a du mal Ă  apprĂ©cier le niveau de crĂ©dibilitĂ©. Dans ce qui suit, nous exposons certaines des caractĂ©ristiques qui font qu’une information est plausible ou qu’elle doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e avec prudence, voire rejetĂ©e. Nous pointons Ă©galement un certain nombre de thĂ©ories qui sont incompatibles avec la physique du climat. Enfin, nous verrons dans quelle mesure ceux qui minimisent les impacts d’un rĂ©chauffement prennent en compte la rĂ©alitĂ© des choses.

QUELQUES RÈGLES DE BON USAGE DANS LA PRÉSENTATION DES DONNÉES

Couverture temporelle Du fait des fluctuations propres du climat et de la variabilitĂ© mĂ©tĂ©orologique, il importe de considĂ©rer des pĂ©riodes qui ne soient pas trop courtes. Les observations mĂ©tĂ©orologiques bien distribuĂ©es sur une grande partie du globe terrestre datent de 1880. Depuis les annĂ©es 1970, on observe un rĂ©chauffement marquĂ©. Au fil du temps, les mesures deviennent Ă  la fois plus nombreuses et plus prĂ©cises. Si un document montre une sĂ©rie de donnĂ©es qui ne couvre pas toute la pĂ©riode pour laquelle les donnĂ©es sont disponibles, il faut toujours se demander pourquoi. En effet, souvent, pour biaiser une prĂ©sentation, des auteurs choisissent de n’utiliser qu’une sĂ©rie temporelle limitĂ©e,dans le dessein d’occulter la tendance qui serait ressortie s’ils avaient utilisĂ© les donnĂ©es d’une pĂ©riode plus longue. Le choix d’une couverture temporelle limitĂ©e peut cependant ĂȘtre justifiĂ© si les donnĂ©es prĂ©sentĂ©es sont extraites, sans les tronquer, d’une publication scientifique dont Ă©videmment on aura donnĂ© la rĂ©fĂ©rence, et sous rĂ©serve que la publication citĂ©e n’ait pas Ă©tĂ© rectifiĂ©e par une publication plus rĂ©cente.

Couverture spatiale Un phĂ©nomĂšne ne peut ĂȘtre qualifiĂ© de global que s’il affecte de façon synchrone les diverses rĂ©gions du globe. Toutefois, ce phĂ©nomĂšne peut avoir une intensitĂ© trĂšs variable d’un lieu Ă  un autre. En effet, la latitude, la position des continents, le relief, les rĂ©gimes des vents, les courants marins
 conditionnent la façon dont les Ă©volutions se rĂ©partissent Ă  la surface du globe. Des observations d’un mĂȘme phĂ©nomĂšne en divers points du globe ne permettront de faire qualifier ce phĂ©nomĂšne de global que si elles sont concomitantes. L’observation par satellite, quand elle est possible, apporte une contribution prĂ©cieuse pour apprĂ©cier le caractĂšre global d’un phĂ©nomĂšne.

Cependant, un phĂ©nomĂšne peut prĂ©senter certains effets dĂ©routants, voire contradictoires. Par exemple, l’affaiblissement du Gulf Stream dĂ» au rĂ©chauffement global peut conduire Ă  un refroidissement sur l’Atlantique Nord qui va contrebalancer localement la tendance gĂ©nĂ©rale. Ainsi, certaines anomalies locales dans l’évolution du climat global sont en fait des consĂ©quences de cette Ă©volution. Dans de tels cas, les causes de cette anomalie locale apparaissent physiquement liĂ©es Ă  l’évolution globale par des processus connus.

Figure 1. – En grisĂ©, les moyennes mensuelles ; en bleu les moyennes annuelles, en rouge les moyennes glissantes sur 5 ans ; en noir les moyennes glissantes sur 11 ans. L’ordonnĂ©e correspond Ă  l’écart par rapport Ă  la moyenne des annĂ©es 1961-1990. Source : HadCRUT4 (https://crudata.uea.ac.uk/cru/data/temperature/)

Quelles donnĂ©es Il faut une pĂ©riode longue pour dĂ©finir une tendance climatique. Les conditions mĂ©tĂ©orologiques sont trĂšs fluctuantes, le temps change beaucoup d’un jour Ă  l’autre, d’une semaine Ă  l’autre, d’un mois Ă  l’autre, d’une annĂ©e Ă  l’autre. Si on porte sur un graphique la tempĂ©rature moyenne globale mois aprĂšs mois, la courbe obtenue est fluctuante (grisĂ© sur la figure 1), avec des variations mensuelles qui sont nettement supĂ©rieures aux variations interannuelles ou Ă  la tendance. Pour rĂ©duire le bruit d’origine mĂ©tĂ©orologique, on effectue des moyennes. La moyenne annuelle (courbe bleue) est encore assez chahutĂ©e. Pour cette raison, la plupart des auteurs travaillant dans les sciences du climat prĂ©fĂšrent une moyenne glissante sur 5 ans qui est beaucoup plus rĂ©guliĂšre (courbe rouge). Finalement si on dĂ©sire s’affranchir de la modulation due au cycle de l’activitĂ© solaire (11 ans), on utilisera la moyenne glissante sur 11 ans (courbe noire).

Les modĂšles climatiques doivent ĂȘtre capables de reproduire la nature chaotique de la physique du climat, et donc l’amplitude des variations mensuelles ou annuelles, mais ces variations n’ont bien sĂ»r aucune raison d’ĂȘtre synchrones avec celles du climat rĂ©el. Ainsi, lorsqu’on compare les rĂ©sultats de modĂ©lisations climatiques Ă  des observations, il est nĂ©cessaire de lisser ces fluctuations chaotiques au moyen de moyennes temporelles appropriĂ©es, ou d’en tenir compte dans l’apprĂ©ciation des diffĂ©rences.

La comparaison des observations aux rĂ©sultats d’un modĂšle d’évolution du climat aura beaucoup plus de sens si elle se fait avec des donnĂ©es filtrĂ©es des fluctuations rapides de la mĂ©tĂ©orologie ou de celles dues au cycle du soleil. Évidemment, un modĂšle (contestataire, « climato-sceptique ») qui prĂ©tend reproduire les observations pourra assez aisĂ©ment s’insĂ©rer dans la zone grisĂ©e de la figure alors qu’il ne s’approcherait que trĂšs mĂ©diocrement de la courbe noire.

CorrĂ©lations Certains auteurs prĂ©sentent des observations de corrĂ©lations entre un paramĂštre environnemental et un paramĂštre liĂ© au climat ou aux conditions mĂ©tĂ©orologiques comme une preuve de l’influence de ce paramĂštre environnemental sur le climat. Il ne faut pas oublier que des corrĂ©lations ne sont jamais Ă  elles seules une preuve de relation de cause Ă  effet. On peut trouver de nombreux exemples de coĂŻncidences complĂštement fortuites. Voir par exemple l’article de Jean-Pierre Delahaye dans Pour la Science no 481 de novembre 2017, dont quelques courbes sont reproduites dans la figure 2. Pour que la relation de cause Ă  effet soit plausible, il faut qu’on puisse Ă©noncer et justifier quantitativement le processus par lequel la cause supposĂ©e produirait prĂ©cisĂ©ment l’effet observĂ©.

Figure 2.– CorrĂ©lation ne signifie pas relation de cause Ă  effet. Les exemples de la figure (tous amĂ©ricains), en sont une bonne illustration.

Origine des informations Quand on montre des donnĂ©es, des figures, en science, il convient de citer ses sources. Cela permet au lecteur ou Ă  l’éditeur de se reporter Ă  la source originelle pour en savoir plus sur les donnĂ©es, sur les incertitudes associĂ©es
 MĂȘme si l’indication de la source n’est pas une garantie d’authenticitĂ© (la rĂ©fĂ©rence est parfois erronĂ©e, ou les donnĂ©es manipulĂ©es ou tronquĂ©es avant prĂ©sentation), son absence doit toujours inciter Ă  la prudence.

DES THÉORIES QUI IGNORENT LA PHYSIQUE DES PROCESSUS EN JEU

Certaines personnes, Ă©ventuellement de bonne foi, prĂ©tendent dĂ©montrer que l’homme n’est pas en cause dans l’évolution rĂ©cente du climat. À cet effet, elles Ă©laborent des thĂ©ories et se livrent Ă  des calculs qui leur semblent probants. Toutefois leur mĂ©connaissance de phĂ©nomĂšnes intervenant dans le fonctionnement du climat les conduit Ă  Ă©laborer des thĂ©ories qui ne s’appliquent pas Ă  la rĂ©alitĂ© de la machine climatique. Nous allons en donner quelques exemples.

L’atmosphĂšre agissant comme une vitre Un certain nombre de calculs reposent sur l’hypothĂšse implicite que l’atmosphĂšre se comporte comme une feuille mince transparente Ă  la lumiĂšre visible, comme une vitre. Le rayonnement thermique de la Terre vers l’espace est supposĂ© Ă©mis par la surface terrestre. Si on suppose que la « vitre » est opaque pour ce type de rayonnement, celui-ci est absorbĂ© et rien n’en part vers l’espace.

Cette hypothĂšse est implicite dans les raisonnements qui affirment que, puisque tout Ă©tant pratiquement absorbĂ© dans les premiers mĂštres de l’atmosphĂšre, doubler la concentration de CO2 ne peut pas augmenter signifie une absorption qui est dĂ©jĂ  quasi-totale. La mĂȘme hypothĂšse implicite sous-tend les argumentations selon lesquelles le CO2 ne joue pratiquement aucun rĂŽle puisque le rayonnement a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la vapeur d’eau, le principal gaz Ă  effet de serre naturel, beaucoup plus abondant dans l’atmosphĂšre que le CO2.

De tels raisonnements violent le principe de conservation de l’énergie. Ils ignorent une des lois d’émission du rayonnement infrarouge, la loi de Kirchhoff : tout corps susceptible d’absorber un rayonnement est lui-mĂȘme Ă©metteur de rayonnement aux mĂȘmes longueurs d’onde. Ainsi, si le CO2 ou la vapeur d’eau absorbent du rayonnement infrarouge, ces corps Ă©mettent aussi un rayonnement dans les mĂȘmes longueurs d’onde. Le rayonnement qui quitte la Terre sera donc Ă©mis essentiellement par l’atmosphĂšre et pas par la surface terrestre. Il quittera l’atmosphĂšre lorsque la quantitĂ© de gaz absorbant situĂ©e au-dessus du point d’émission ne suffira plus Ă  l’absorber. Quand la concentration de gaz Ă  effet de serre croĂźt, l’altitude Ă  laquelle le rayonnement doit ĂȘtre Ă©mis pour quitter l’atmosphĂšre va donc s’élever. Comme dans la troposphĂšre la tempĂ©rature dĂ©croĂźt avec l’altitude, l’intensitĂ© du rayonnement Ă©mis Ă  l’altitude qui permet de quitter l’atmosphĂšre va dĂ©croĂźtre tant que le climat n’aura pas rĂ©agi, puisque l’intensitĂ© du rayonnement Ă©mis varie comme la puissance 4 de la tempĂ©rature absolue. L’énergie emportĂ©e par le rayonnement sera donc plus faible que celle apportĂ©e par le soleil. Il s’ensuivra une accumulation de chaleur, et donc un rĂ©chauffement de l’atmosphĂšre. Celui-ci accroĂźt le rayonnement Ă©mis et permet d’atteindre un nouvel Ă©tat d’équilibre dans lequel l’énergie apportĂ©e par le rayonnement solaire entrant est compensĂ©e par un rayonnement infrarouge sortant accru du fait de l’augmentation de la tempĂ©rature. Ceci est illustrĂ© sur la figure 3.

Le CO2 se rĂ©partit uniformĂ©ment dans l’atmosphĂšre. À l’inverse, lorsque la tempĂ©rature baisse, la capacitĂ© de l’air Ă  contenir de la vapeur d’eau sans que celle-ci se condense diminue fortement. De ce fait, la concentration de vapeur d’eau dans l’air chute lorsqu’on s’élĂšve. Si des concentrations de l’ordre du % sont possibles au voisinage de la surface du globe, elles sont nĂ©cessairement plus faibles Ă  quelques kilomĂštres d’altitude, lĂ  oĂč interviennent les processus radiatifs qui rĂ©gissent le bilan radiatif de la Terre. Ainsi, la vapeur d’eau ne saurait empĂȘcher le CO2 de jouer le rĂŽle majeur dans l’action de l’homme sur le climat.

Figure 3. – L’augmentation de la concentration atmosphĂ©rique de gaz Ă  effet de serre fait augmenter la tempĂ©rature. La figure a montre le systĂšme dans son Ă©tat initial, oĂč l’énergie sortante Ă©quilibre l’énergie entrante. La ligne oblique schĂ©matise le profil vertical de tempĂ©rature de la troposphĂšre, dont la pente est fixĂ©e par la thermodynamique. Si la concentration de gaz Ă  effet de serre croĂźt (figure b), les infrarouges qui peuvent quitter l’atmosphĂšre n’emportent plus assez d’énergie. La tempĂ©rature de l’atmosphĂšre doit croĂźtre pour que le systĂšme atteigne un nouvel Ă©quilibre (figure c), et, la pente du profil vertical Ă©tant inchangĂ©e, la tempĂ©rature croĂźt simultanĂ©ment au niveau de la surface. (Des explications dĂ©taillĂ©es peuvent ĂȘtre trouvĂ©es dans un article de Jean-Louis Dufresne et Jacques Treiner paru dans la MĂ©tĂ©orologie en fĂ©vrier 2011.)

CO2 atmosphĂ©rique En l’absence de perturbations apportĂ©es par l’homme, l’atmosphĂšre Ă©change des quantitĂ©s considĂ©rables de CO2 avec l’environnement Ă  bilan total nul. Ce sont environ 250 milliards de tonnes qui, chaque annĂ©e, sont Ă©mises et absorbĂ©es dans les Ă©changes entre l’atmosphĂšre et les ocĂ©ans. Par ailleurs, environ 420 milliards de tonnes sont Ă©mises et absorbĂ©es par les continents (vĂ©gĂ©tation). Ces deux bilans annuels globaux sont Ă©quilibrĂ©s : pour chaque molĂ©cule Ă©mise, il y en a une qui est absorbĂ©e.

Composition isotopique Dans la nature, le carbone existe sous trois formes isotopiques diffĂ©rentes : le noyau de l’atome contient toujours 6 protons, mais pas le mĂȘme nombre de neutrons. Le carbone naturel contient prĂšs de 99 % de carbone 12 (6 neutrons), 1 % de carbone 13 (7 neutrons) et des traces infimes (10-12) de carbone 14 (8 neutrons). Ce dernier est produit par des rĂ©actions nuclĂ©aires entre le rayonnement cosmique et les atomes d’azote de l’atmosphĂšre. Le carbone 14 est radioactif, avec une demivie de 5 730 ans : au bout de 5730 ans, la moitiĂ© des atomes de carbone 14 redonne de l’azote 14. Le carbone des combustibles fossiles qui n’a pas interagi avec l’atmosphĂšre depuis des centaines de millions d’annĂ©es ne contient Ă©videmment plus de carbone 14. De plus, ces combustibles sont pauvres en carbone 13 du fait de leur origine biologique (l’assimilation de carbone dans les rĂ©actions biologiques favorise le carbone 12, plus lĂ©ger, et donc plus mobile). Les mesures isotopiques offrent donc un moyen de suivre l’effet de la combustion du charbon, du pĂ©trole et du gaz sur la composition du carbone de l’atmosphĂšre. La faiblesse anormale des concentrations de carbone 14 et de carbone 13 dans l’atmosphĂšre observĂ©e dans les annĂ©es 1950 a permis de mettre en Ă©vidence l’origine fossile d’une partie du carbone atmosphĂ©rique.

Le suivi des compositions isotopiques permet d’estimer la durĂ©e moyenne du sĂ©jour d’une molĂ©cule de CO2 dans l’atmosphĂšre. On trouve qu’elle est faible : seulement de quelques annĂ©es. La perturbation de la concentration de CO2 dans notre atmosphĂšre est estimĂ©e par les climatologues Ă  plusieurs siĂšcles. Arguant de la faible durĂ©e de sĂ©jour atmosphĂ©rique d’une molĂ©cule de CO2, certains concluent que l’homme ne peut contribuer significativement Ă  l’augmentation de la concentration de ce gaz dans l’atmosphĂšre. Mais ce raisonnement ignore les Ă©changes de carbone avec l’environnement et leur importance dans la concentration relative des diffĂ©rents isotopes du carbone. La dynamique qui rĂ©git le sort d’une molĂ©cule ne prĂ©juge pas de celle qui dĂ©crit les grands ensembles. Par exemple, dans une enceinte fermĂ©e Ă  tempĂ©rature constante contenant de l’eau liquide et de la vapeur d’eau, les volumes et les masses d’eau et de vapeur restent constants alors que des molĂ©cules d’eau traversent sans cesse la surface, passant d’un milieu Ă  l’autre. Pour en revenir au CO2, sur une annĂ©e, les ocĂ©ans et la vĂ©gĂ©tation Ă©changent avec l’atmosphĂšre au total plus de 10 fois ce que l’homme y injecte pendant cette pĂ©riode. Cela veut dire que du carbone ayant une certaine composition isotopique sera remplacĂ© dans l’atmosphĂšre par du carbone ayant une autre composition isotopique initialement stockĂ© dans les ocĂ©ans ou les plantes. La composition isotopique du carbone de l’atmosphĂšre n’est donc certainement pas le bon paramĂštre pour dĂ©terminer le temps de vie du carbone qui s’y trouve : elle permet d’estimer le temps de rĂ©sidence d’une molĂ©cule de CO2 dans l’atmosphĂšre, mais pas le temps caractĂ©ristique d’une perturbation globale de composition liĂ©e Ă  des Ă©missions anthropiques de CO2 qui se cumulent au fil des ans.

Origine du carbone atmosphĂ©rique Pour certains auteurs, le carbone qui s’accumule dans l’atmosphĂšre serait Ă©mis par les ocĂ©ans Ă  la suite du rĂ©chauffement marquant la sortie du Petit Âge glaciaire depuis le milieu du XIXe siĂšcle. Cette affirmation est contredite par les faits : la quantitĂ© de CO2 dissous dans l’eau de mer augmente rĂ©guliĂšrement, provoquant une acidification croissante (baisse du pH) des ocĂ©ans. Puisque le taux de CO2 dissous augmente, c’est qu’il y a absorption et non Ă©mission par l’ocĂ©an.

En outre, le bilan du carbone atmosphĂ©rique montre que son augmentation annuelle est de l’ordre de la moitiĂ© des Ă©missions humaines. Celles-ci peuvent ĂȘtre dĂ©terminĂ©es avec une prĂ©cision de l’ordre de 10 % puisqu’on sait quelles quantitĂ©s de combustibles fossiles ont Ă©tĂ© extraites puis brĂ»lĂ©es. La moitiĂ© de nos Ă©missions qui quittent l’atmosphĂšre est absorbĂ©e par l’environnement (ocĂ©ans et surfaces terrestres), une preuve que ce n’est pas lui qui est Ă  l’origine de ce qui s’accumule dans l’atmosphĂšre.

Des affirmations naĂŻves
Concentration actuelle du CO2. Certains prĂ©tendent que la faible quantitĂ© de CO2 prĂ©sent dans l’atmosphĂšre ne peut avoir d’impact sur le climat. Ce raisonnement, qui ne repose sur aucune thĂ©orie, ignore un certain nombre de rĂ©alitĂ©s. D’abord, la quantitĂ© de CO2 (0,04 %) n’est pas nĂ©gligeable : si au lieu d’ĂȘtre mĂ©langĂ©s, les diffĂ©rents gaz se sĂ©paraient et stratifiaient par densitĂ©, le CO2 formerait autour du globe une couche de 3,20 m d’épaisseur. Ensuite, une concentration trĂšs faible n’est pas la preuve d’une action nĂ©gligeable. Ainsi, dans notre organisme, les hormones qui y jouent un rĂŽle essentiel pour notre bonne santĂ© ont des concentrations 1 000 fois plus faibles que celle du CO2 dans l’atmosphĂšre.

Concentration passĂ©e du CO2. Dans le passĂ©, la Terre a connu des concentrations de CO2 bien plus Ă©levĂ©es qu’actuellement sans que cela entraĂźne un rĂ©chauffement. Il faut toutefois prĂ©ciser ce qu’on appelle le passĂ© et ce qui s’est alors rĂ©ellement produit. Le passĂ©, cela peut ĂȘtre les annĂ©es prĂ©cĂ©dant les mesures prĂ©cises du CO2 atmosphĂ©rique, effectuĂ©es loin des sources de pollution, introduites par Keeling en 1958, mais cela peut aussi ĂȘtre les Ăšres gĂ©ologiques de la Terre.

Concernant les diverses mesures effectuĂ©es antĂ©rieurement Ă  1958, les rĂ©sultats prĂ©sentent des variations considĂ©rables en des temps trĂšs courts, des variations qui ne peuvent ĂȘtre reprĂ©sentatives de l’atmosphĂšre terrestre dans son ensemble. En effet, il n’existe aucun processus qui puisse, Ă  l’échelle globale, absorber suffisamment de CO2 en des temps trĂšs courts pour faire passer de valeurs Ă©levĂ©es d’une mesure aux valeurs faibles mesurĂ©es peu de temps aprĂšs. En fait, dans ces cas-lĂ  les mesures Ă©taient effectuĂ©es Ă  cĂŽtĂ© des laboratoires, de sorte qu’elles intĂ©graient au moment de la mesure le CO2 qui venait juste d’ĂȘtre Ă©mis localement par les usines, le chauffage ou la circulation. C’est prĂ©cisĂ©ment pour s’affranchir de ces perturbations fluctuantes liĂ©es aux activitĂ©s humaines que Keeling a eu l’idĂ©e d’installer ses stations de mesure loin de celles-ci, dans une Ăźle au milieu du Pacifique.

En ce qui concerne les Ăšres gĂ©ologiques, les conditions gĂ©nĂ©rales Ă©taient alors trĂšs diffĂ©rentes. Il suffit de rappeler que l’activitĂ© du Soleil croĂźt avec son Ăąge (augmentation de 7 % par milliard d’annĂ©es) et que, par consĂ©quent, il y a quelques centaines de millions d’annĂ©es il fallait une concentration de CO2beaucoup plus Ă©levĂ©e qu’aujourd’hui pour aboutir Ă  la mĂȘme tempĂ©rature Ă  la surface du globe.

Émissions de CO2 et variation du climat. Le climat de la Terre a connu des variations importantes. Pensons par exemple aux glaciations que la Terre a connues au cours des trois derniers millions d’annĂ©es, et dont nous avons une connaissance assez prĂ©cise pour les derniĂšres centaines de milliers d’annĂ©es grĂące Ă  l’analyse des carottes de glace extraites de l’Antarctique et du Groenland. Dans certains cas, le dĂ©but des variations de tempĂ©rature semble avoir prĂ©cĂ©dĂ© celui des variations de la concentration atmosphĂ©rique du CO2. Si c’est le cas pour le dĂ©clenchement du refroidissement, dont les caractĂ©ristiques astronomiques de l’orbite de la Terre sont la cause, c’est faux au moins dans un certain nombre de cas pour le rĂ©chauffement. NĂ©anmoins, certains dĂ©duisent des cas oĂč le dĂ©but du rĂ©chauffement aurait prĂ©cĂ©dĂ© le dĂ©but de l’accroissement du CO2 atmosphĂ©rique que ce n’est pas le CO2 qui agit sur le climat mais l’inverse. Serait-il donc si extraordinaire que deux phĂ©nomĂšnes ne puissent selon les circonstances servir de cause l’un Ă  l’autre ? Par exemple, un moteur Ă©lectrique asynchrone engendrera un mouvement lorsqu’on l’alimente en courant mais pourra produire de l’énergie Ă©lectrique si par une action extĂ©rieure on le force Ă  tourner. Notons de plus que, si l’effet de serre n’est pas le processus qui dĂ©clenche les glaciations, la diminution de l’effet de serre due Ă  la dĂ©croissance des concentrations atmosphĂ©riques de CO2 et de vapeur d’eau a jouĂ© un rĂŽle fondamental pour donner au refroidissement l’ampleur qu’on lui connaĂźt.

Certains mentionnent des variations passĂ©es du climat oĂč le CO2 ne joue pas de rĂŽle moteur, comme lors de l’optimum (pĂ©riode chaude) d’il y a 8 000 ans. Or on sait que ce dernier est dĂ» Ă  une configuration orbitale spĂ©cifique de la Terre autour du Soleil, une situation qui se met en place sur des Ă©chelles de temps de milliers d’annĂ©es, et non de dizaines d’annĂ©es comme les variations que l’activitĂ© humaine actuelle est en train de crĂ©er. D’autres mentionnent des observations limitĂ©es gĂ©ographiquement oĂč un rĂ©chauffement rĂ©gional Ă©tait compensĂ© globalement par un refroidissement d’autres rĂ©gions.

Des donnĂ©es satellites dĂ©tournĂ©es. Les satellites sont trĂšs utilisĂ©s pour acquĂ©rir des donnĂ©es mĂ©tĂ©orologiques et climatologiques, et suivre leur Ă©volution. Les instruments embarquĂ©s sur satellites apportent des informations prĂ©cieuses, en particulier parce qu’un instrument unique peut apporter une couverture quasi globale quotidienne. Plusieurs instruments sur un satellite donnĂ© permettent d’observer simultanĂ©ment des paramĂštres variĂ©s. Cependant, ils ont aussi leurs limites, que certains utilisateurs de leurs donnĂ©es ignorent ou feignent d’ignorer. Ces derniĂšres annĂ©es, les climatosceptiques ont mis en avant la tempĂ©rature de l’atmosphĂšre, qui est dĂ©duite de l’intensitĂ© du rayonnement, infrarouge et micro-onde, Ă©mis par le milieu observĂ©. Une limitation majeure est que la tempĂ©rature obtenue est reprĂ©sentative d’une couche d’atmosphĂšre trĂšs Ă©paisse et mal dĂ©finie. Le lien avec la tempĂ©rature de surface n’est pas direct et peut varier dans le temps. D’autre part, l’étalonnage des instruments en vol n’est pas facile et est une source d’incertitude. Les climatosceptiques prĂ©sentent ces indices de tempĂ©rature sans mentionner les limitations, et surtout sans indiquer qu’elles ne sont pas directement reprĂ©sentatives de la tempĂ©rature de surface, qui est pourtant le paramĂštre important puisque c’est Ă  la surface, et pas Ă  5 km d’altitude, que nous vivons.

DES EXPERTS QUI N’EN SONT PAS

La controverse sur l’action de l’homme sur le climat provoquĂ©e par l’opposition aux conclusions du GIEC est rarement le fait de climatologues. Certes, on en trouve quelques-uns ( John Christy, Judith Curry, Richard Lindzen) qui y participent. Mais quelle thĂ©orie n’a pas ses dĂ©tracteurs au sein de la communautĂ© de ses spĂ©cialistes ? La thĂ©orie de l’évolution, la relativitĂ©, la mĂ©canique quantique ont toutes eu leurs opposants, et il en reste toujours quelques-uns, bien que la relativitĂ© et la mĂ©canique quantique soient Ă  l’Ɠuvre partout dans notre vie quotidienne (sans elles, nos ordinateurs ou le GPS ne fonctionneraient pas). Parmi les scientifiques, le gros de ceux qui contestent l’influence de l’homme d’aujourd’hui sur le climat se recrute dans d’autres disciplines. Ces scientifiques n’ont cependant qu’une connaissance trĂšs partielle des processus en jeu. On les retrouve ainsi parmi les dĂ©fenseurs des thĂšses erronĂ©es mentionnĂ©es plus haut. Certains, pour crĂ©dibiliser leur point de vue, se prĂ©sentent nĂ©anmoins comme des experts du climat : comme des experts du GIEC pour les rapports sur le climat que cette entitĂ© publie rĂ©guliĂšrement.

Qui sont les experts du GIEC ? L’élaboration des rapports du GIEC se fait en plusieurs Ă©tapes. Tout d’abord, des scientifiques choisis pour leur connaissance de la discipline, attestĂ©e par leur production scientifique dans des revues de rĂ©fĂ©rence, sont sĂ©lectionnĂ©s pour rĂ©diger un rapport. Ils en rĂ©digent une premiĂšre version, laquelle est soumise Ă  un panel aussi large que possible d’experts, qui feront toutes les remarques, commentaires, demandes de modifications qui leur semblent justifiĂ©es.
À ce stade, n’importe quel scientifique peut se faire agrĂ©er comme expert et soumettre son point de vue. De lĂ  vient l’ambiguĂŻtĂ© de la notion d’expert dont certains jouent pour confondre le public. Pour ĂȘtre expert, il suffit d’en faire explicitement la demande, en justifiant qu’on a des compĂ©tences scientifiques. Si la trĂšs grosse majoritĂ© des experts sont effectivement des experts du domaine, les scientifiques ayant leurs compĂ©tences dans des domaines extĂ©rieurs Ă  celui des sciences du climat sont Ă©galement acceptĂ©s comme experts. Il est en effet apparu judicieux de disposer d’un Ă©ventail aussi large que possible incluant des regards extĂ©rieurs au domaine pour garantir la pertinence des rapports. Les auteurs du rapport ont alors l’obligation d’étudier toutes les remarques qui leur sont faites, quelle que soit leur origine. Si elles ne leur semblent pas pertinentes, ils doivent expliciter pourquoi ils choisissent de ne pas les prendre en compte. Le projet de rapport est alors modifiĂ© pour tenir compte des avis d’expertise qui ont Ă©tĂ© validĂ©s. La seconde version est alors soumise Ă  un nouveau panel d’experts qui peuvent avoir fait partie ou non du premier panel. Que peut-on alors penser de ceux qui, ayant relu un rapport et l’ayant seulement commentĂ©, se prĂ©sentent publiquement comme « experts auprĂšs du GIEC » ? Juste qu’ils utilisent un label rendu facilement accessible par la communautĂ© elle-mĂȘme pour jouer sur les termes et faire accroire que cela garantit qu’ils ont des compĂ©tences en climatologie ?

LES CONSÉQUENCES DU RÉCHAUFFEMENT

IndĂ©pendamment des questions concernant le climat, on assiste aussi Ă  des controverses sur les impacts du changement climatique, pour l’homme et pour l’environnement. Dans ce cas, ce ne sont pas nĂ©cessairement le rĂ©chauffement ni le fait qu’il soit dĂ» Ă  l’homme qui sont niĂ©s. Par contre, les consĂ©quences sont prĂ©sentĂ©es comme nĂ©gligeables, voire bĂ©nĂ©fiques, pour le globe et pour l’humanitĂ©. Nous allons donner quelques exemples.
TempĂ©rature « Une augmentation de 3 °C, ce n’est finalement rien de plus que de retrouver Ă  Lille le climat actuel de Marseille. Ce serait donc plutĂŽt agrĂ©able. » Ce genre d’affirmation plaisante est malheureusement tendancieuse pour trois raisons :
1. Le rĂ©chauffement n’est pas uniforme Ă  la surface du globe. Les continents se rĂ©chauffent beaucoup plus que les ocĂ©ans, et le rĂ©chauffement est d’autant plus accentuĂ© qu’on est plus loin de l’équateur. C’est ce qui est dĂ©jĂ  observĂ© actuellement. Un rĂ©chauffement terrestre moyen de 3 °C, c’est au moins un rĂ©chauffement de 5 °C Ă  Lille.
2. L’environnement gĂ©ographique de Lille est trĂšs diffĂ©rent de celui de Marseille. La ville n’est pas situĂ©e au bord d’une mer qui tempĂšre les effets des canicules.
3. La modification du climat ne se limite pas Ă  un rĂ©chauffement moyen. Le rĂ©gime des prĂ©cipitations aussi est modifiĂ©. Et, surtout, les extrĂȘmes (par exemple les fortes prĂ©cipitations, l’intensitĂ© et la durĂ©e des canicules
) sont accentuĂ©s.
Or ce n’est pas tant l’état moyen que les extrĂȘmes qui ont un impact fort sur nous.

Certains arguent que l’homme a dĂ©jĂ  connu des rĂ©chauffements importants. Entre le maximum de la derniĂšre glaciation, il y a 21 000 ans, et l’optimum d’il y a 8 000 ans, la tempĂ©rature moyenne globale avait augmentĂ© de 6 °C. Selon eux, cela s’est fait sans consĂ©quences catastrophiques pour l’humanitĂ©. Cette affirmation est difficilement vĂ©rifiable, mais prenons- la pour vraie. Nous devons noter que l’augmentation de la tempĂ©rature a Ă©tĂ© 10 fois plus lente que celle que nous induisons actuellement et que la Terre ne comptait que quelques millions d’habitants, et non des milliards comme aujourd’hui. Les ajustements individuel et collectif aux modifications de l’environnement pouvaient ĂȘtre effectuĂ©s posĂ©ment, et sans les problĂšmes conflictuels majeurs que risquent d’engendrer les dĂ©placements massifs de population.

Finalement, n’oublions pas qu’il n’est pas exclu que des changements climatiques aient Ă©tĂ© la cause de l’extinction de certaines civilisations. Le Grand Nord va souffrir particuliĂšrement du rĂ©chauffement : toutes les infrastructures s’appuient sur un sol gelĂ©, et donc rigide, dont la fonte va complĂštement faire disparaĂźtre la cohĂ©sion. DĂšs Ă  prĂ©sent, on constate des effondrements d’infrastructures et d’habitations.

Figure 4. – Le niveau de la mer ne monte pas de façon uniforme. Certaines rĂ©gions, telles que les États insulaires du Pacifique, subissent une Ă©lĂ©vation 10 fois plus rapide que d’autres rĂ©gions.

Niveau de la mer En se rĂ©chauffant, l’eau des mers se dilate. MĂ©caniquement, cela fait monter leur niveau. En outre, le rĂ©chauffement provoque des fontes massives de glaciers, tant continentaux qu’alpins. Cela ajoute de l’eau aux ocĂ©ans et participe Ă  l’élĂ©vation du niveau marin.

Beaucoup pensent qu’une montĂ©e du niveau de la mer de quelques dizaines de centimĂštres en un siĂšcle c’est peu de chose : il serait « facile » de s’en protĂ©ger avec des digues comme le montre l’exemple des Pays-Bas, dont de grandes mĂ©tropoles cĂŽtiĂšres (Rotterdam, Amsterdam) sont situĂ©es plusieurs mĂštres au-dessous du niveau de la mer. Cependant, ceux qui disent cela paraissent ignorer que la mer n’est pas une grande bassine d’eau calme : le systĂšme ocĂ©anique mondial est soumis aux vents et aux tempĂȘtes ; il est le siĂšge de courants marins ; sa tempĂ©rature n’est pas partout la mĂȘme. Il s’ensuit que le niveau de la mer prĂ©sente de fortes variations selon le lieu. Ces variations vont se trouver amplifiĂ©es par le rĂ©chauffement climatique qui va aussi altĂ©rer les courants marins. Ainsi, comme le montre la figure 4, on observe dĂ©jĂ  une grande disparitĂ© gĂ©ographique dans la montĂ©e du niveau de la mer. Si certaines rĂ©gions seront peu affectĂ©es par une montĂ©e moyenne de 40 Ă  50 cm (la valeur actuellement prĂ©vue d’ici Ă  la fin du XXIe siĂšcle), d’autres le seront beaucoup.

D’autre part, si construire et entretenir une digue est Ă  la portĂ©e d’un État dĂ©veloppĂ© et peu Ă©tendu comme les Pays-Bas, il en sera tout autrement pour les pays plus pauvres qui ont justement une part de plus en plus importante de leur population qui vit dans leur bande cĂŽtiĂšre.

BiodiversitĂ© Les espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales prospĂšrent chacune dans les conditions environnementales (tempĂ©rature, pluviositĂ©) qui leur sont favorables. Quand les conditions locales changent, les espĂšces qui le peuvent migrent pour retrouver des conditions favorables, les autres disparaissent. La plupart des animaux peuvent en principe migrer tant qu’ils ne rencontrent pas un obstacle naturel (mer, montagne) ou artificiel (voies de circulation, urbanisation) qui le leur interdit. Il leur reste ensuite Ă  dĂ©nicher des Ă©cosystĂšmes qui leur conviennent. Il n’en est pas de mĂȘme de la vĂ©gĂ©tation, particuliĂšrement les arbres, qui ont un cycle vĂ©gĂ©tatif long qui ne leur permet pas de suivre la rapiditĂ© d’un changement climatique qui s’accĂ©lĂšre.

CONCLUSION

Comme exposĂ© dans l’avant propos, nous ne prĂ©sentons ni ne discutons les arguments des climatosceptiques, sauf dans des cas oĂč c’est clairement une mĂ©connaissance du sujet qui est Ă  l’origine de leurs arguments. La rĂ©futation de la plupart des arguments nĂ©cessite souvent des connaissances sur le fonctionnement du climat que n’a pas le profane et des dĂ©veloppements dont le volume aurait nui Ă  la lisibilitĂ© de cet article.

Pour les questions sur le rĂ©chauffement climatique l’Institut Pierre-Simon-Laplace a créé un site (https://www.ipsl.fr/Pourtous/ Le-climat-en-questions) oĂč le lecteur trouvera des rĂ©ponses accessibles au nonspĂ©cialiste. Le fonctionnement du climat est dĂ©taillĂ© dans un livre accessible sans connaissances mathĂ©matiques (il ne contient aucune formule mathĂ©matique) abondamment illustrĂ© : le Climat : la Terre et les hommes de Jean Poitou, Pascale Braconnot et ValĂ©rie Masson-Delmotte (EDP Sciences). Il est aussi disponible en version Ă©lectronique.

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