Au fur et Ă mesure que sâaccumulent les signaux montrant lâampleur de la catastrophe climatique, lâattitude de dĂ©ni de cette rĂ©alitĂ© et la montĂ©e des arguments climatosceptiques prennent plus de place et apparaissent comme une porte de sortie confortable. Le prĂ©sident Donald Trump en joue et a pu convaincre les Ătats-Uniens de sortir de lâaccord de Paris. Il sâavĂšre nĂ©cessaire de reprendre lâensemble des objections les plus courantes et de les passer sous les fourches caudines de la connaissance scientifique. Un exercice auquel Progressistes vous invite Ă travers cet article â paru en 2018 sur le site de lâassociation Sauvons le climat â qui peut se lire au fil de ses sections indĂ©pendantes.
*Jean POITOU est climatologue et prĂ©sident du conseil scientifique de l’association Sauvons le climat (www.sauvonsleclimat.org).
AVANT PROPOS
Alors que le rĂŽle de lâhomme dans le rĂ©chauffement actuel du climat est reconnu de façon quasi unanime par la communautĂ© des sciences du climat, il est des personnes qui mĂšnent un combat sans relĂąche pour tenter de convaincre lâopinion et les dĂ©cideurs quâil nâen est rien. Certains, de parfaite bonne foi, doutent que lâhomme agisse vraiment sur le climat ; dâautres le proclament par intĂ©rĂȘt : les actions nĂ©cessaires pour rĂ©duire le rĂ©chauffement ou sây adapter vont Ă lâencontre de leurs intĂ©rĂȘts.
Certains des arguments prĂ©sentĂ©s par ceux quâon appelle des climatosceptiques sont fondĂ©s sur des donnĂ©es biaisĂ©es ou des jeux de donnĂ©es excluant soigneusement ce qui pourrait contredire leur argumentation ; dâautres se basent sur des calculs qui ne sont pas rĂ©alistes parce que leurs auteurs ont une vision trop simpliste des processus en jeu dans le systĂšme climatique. Face Ă cette polĂ©mique, notre but nâest pas de discuter une par une les affirmations des uns ou des autres â cela nĂ©cessiterait un gros volume dont la lecture pourrait sâavĂ©rer ardue â mais de donner au lecteur des moyens dâexercer sa vigilance et son esprit critique vis-Ă -vis des arguments qui lui sont prĂ©sentĂ©s, de voir dans quelle mesure les donnĂ©es pourraient Ă©ventuellement ne montrer que la partie de la rĂ©alitĂ© qui va dans le sens de celui qui lâĂ©nonce, dâidentifier dâĂ©ventuelles failles dans les raisonnements prĂ©sentĂ©s.
AprĂšs une introduction sur les mĂ©canismes du climat, nous explicitons les rĂšgles de bon usage que sont censĂ©es respecter les prĂ©sentations de donnĂ©es. Ensuite sont exposĂ©es quelques-unes des lacunes de reprĂ©sentations trop simplistes des processus climatiques qui conduisent Ă des conclusions erronĂ©es sur lâĂ©volution du climat. Le lecteur est ensuite mis en garde contre les propos de certains scientifiques Ă©trangers aux sciences du climat qui veulent se faire passer pour des experts du rĂ©chauffement. Enfin, nous abordons quelques impacts du rĂ©chauffement que les climatosceptiques veulent ignorer.
INTRODUCTION
La Terre reçoit lâessentiel de son Ă©nergie du Soleil : ce qui provient de lâintĂ©rieur du globe ne reprĂ©sente que 1/4000 de ce qui arrive du Soleil. De lâĂ©nergie sâĂ©chappe de la Terre vers lâespace, une partie Ă©tant simplement la lumiĂšre solaire incidente rĂ©flĂ©chie ; le reste, sous forme de rayonnement infrarouge, est Ă©mis par la surface terrestre et par lâatmosphĂšre. Les rayons solaires qui ne repartent pas vers lâespace sont absorbĂ©s, leur Ă©nergie se retrouve sous forme de chaleur. De façon similaire, le rayonnement infrarouge Ă©mis par la Terre emporte de lâĂ©nergie. Quand la quantitĂ© dâĂ©nergie qui quitte la Terre diffĂšre de la quantitĂ© dâĂ©nergie qui lui arrive, il y a, selon le signe de cet Ă©cart, refroidissement du globe sâil part plus dâĂ©nergie quâil nâen arrive, et rĂ©chauffement dans le cas contraire. Ces variations de la tempĂ©rature de la planĂšte et de son atmosphĂšre vont se poursuivre jusquâĂ ce quâun nouvel Ă©quilibre entre Ă©nergie reçue et Ă©nergie Ă©mise soit atteint. Ainsi, tout ce qui modifie le bilan de lâĂ©nergie Ă©changĂ©e avec lâespace induit une modification du climat.
La Terre Ă©tant sphĂ©rique, la surface de sol touchĂ©e par un rayon de soleil est dâautant plus grande que lâon sâĂ©loigne de la zone Ă©quatoriale. La quantitĂ© de chaleur apportĂ©e par unitĂ© de surface dĂ©croĂźt donc de lâĂ©quateur aux pĂŽles. La machine climatique redistribue cette chaleur Ă la surface du globe, attĂ©nuant le contraste latitudinal. Cette redistribution est portĂ©e par deux fluides : lâatmosphĂšre qui enveloppent le globe et les ocĂ©ans.
Le cycle de lâeau joue un rĂŽle important dans cette redistribution du fait des caractĂ©ristiques de lâeau qui se trouve dans notre environnement sous ses trois phases physiques : solide, liquide et vapeur. Le passage dâune phase Ă lâautre se fait avec une consommation importante de chaleur (fusion, vaporisation) ou une restitution des mĂȘmes quantitĂ©s de chaleur (gel, condensation).
Un dĂ©sĂ©quilibre du bilan Ă©nergĂ©tique du globe et le changement du climat qui en rĂ©sulte peuvent ĂȘtre dus Ă une modification soit de lâintensitĂ© du rayonnement solaire incident pour lequel lâatmosphĂšre est essentiellement transparente, soit de la rĂ©flectivitĂ© de la Terre pour ce rayonnement, soit encore de la transparence de lâatmosphĂšre au rayonnement infrarouge.
Le climat peut aussi ĂȘtre affectĂ© par des fluctuations internes au systĂšme climatique, liĂ©es au couplage entre les mouvements propres de lâatmosphĂšre et les mouvements propres des ocĂ©ans. De telles fluctuations sont limitĂ©es Ă une rĂ©gion plus ou moins large du globe. LâĂ©tude des climats du dernier million dâannĂ©es montre que le systĂšme climatique est parfois sujet Ă des phĂ©nomĂšnes de bascule dans lesquels la tempĂ©rature croĂźt rapidement dans un hĂ©misphĂšre en mĂȘme temps quâelle dĂ©croĂźt dans lâautre. Ce type de phĂ©nomĂšnes est liĂ© Ă des modifications de la circulation ocĂ©anique. Ces fluctuations propres du climat ont cependant une incidence limitĂ©e en valeur et en temps sur la tempĂ©rature moyenne globale. Ainsi, un fort El Niño peut accroĂźtre, pendant une durĂ©e de lâordre dâun an, la tempĂ©rature moyenne Ă la surface du globe de 0,1 Ă 0,2 °C.
Du fait de la grande variabilitĂ© mĂ©tĂ©orologique (le temps fluctue beaucoup dâun jour Ă lâautre, dâune annĂ©e Ă lâautre), on se doit de considĂ©rer uniquement les tendances sur des pĂ©riodes longues pour Ă©valuer une Ă©volution climatique ; typiquement, on considĂ©rera des pĂ©riodes couvrant trois dĂ©cennies.
Depuis la dĂ©cennie 1970-1979, on constate un rĂ©chauffement de la tempĂ©rature moyenne de la surface du globe. Sur ce sujet circulent beaucoup dâinformations, souvent contradictoires, dont le profane a du mal Ă apprĂ©cier le niveau de crĂ©dibilitĂ©. Dans ce qui suit, nous exposons certaines des caractĂ©ristiques qui font quâune information est plausible ou quâelle doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e avec prudence, voire rejetĂ©e. Nous pointons Ă©galement un certain nombre de thĂ©ories qui sont incompatibles avec la physique du climat. Enfin, nous verrons dans quelle mesure ceux qui minimisent les impacts dâun rĂ©chauffement prennent en compte la rĂ©alitĂ© des choses.
QUELQUES RĂGLES DE BON USAGE DANS LA PRĂSENTATION DES DONNĂES
Couverture temporelle Du fait des fluctuations propres du climat et de la variabilitĂ© mĂ©tĂ©orologique, il importe de considĂ©rer des pĂ©riodes qui ne soient pas trop courtes. Les observations mĂ©tĂ©orologiques bien distribuĂ©es sur une grande partie du globe terrestre datent de 1880. Depuis les annĂ©es 1970, on observe un rĂ©chauffement marquĂ©. Au fil du temps, les mesures deviennent Ă la fois plus nombreuses et plus prĂ©cises. Si un document montre une sĂ©rie de donnĂ©es qui ne couvre pas toute la pĂ©riode pour laquelle les donnĂ©es sont disponibles, il faut toujours se demander pourquoi. En effet, souvent, pour biaiser une prĂ©sentation, des auteurs choisissent de nâutiliser quâune sĂ©rie temporelle limitĂ©e,dans le dessein dâocculter la tendance qui serait ressortie sâils avaient utilisĂ© les donnĂ©es dâune pĂ©riode plus longue. Le choix dâune couverture temporelle limitĂ©e peut cependant ĂȘtre justifiĂ© si les donnĂ©es prĂ©sentĂ©es sont extraites, sans les tronquer, dâune publication scientifique dont Ă©videmment on aura donnĂ© la rĂ©fĂ©rence, et sous rĂ©serve que la publication citĂ©e nâait pas Ă©tĂ© rectifiĂ©e par une publication plus rĂ©cente.
Couverture spatiale Un phĂ©nomĂšne ne peut ĂȘtre qualifiĂ© de global que sâil affecte de façon synchrone les diverses rĂ©gions du globe. Toutefois, ce phĂ©nomĂšne peut avoir une intensitĂ© trĂšs variable dâun lieu Ă un autre. En effet, la latitude, la position des continents, le relief, les rĂ©gimes des vents, les courants marins⊠conditionnent la façon dont les Ă©volutions se rĂ©partissent Ă la surface du globe. Des observations dâun mĂȘme phĂ©nomĂšne en divers points du globe ne permettront de faire qualifier ce phĂ©nomĂšne de global que si elles sont concomitantes. Lâobservation par satellite, quand elle est possible, apporte une contribution prĂ©cieuse pour apprĂ©cier le caractĂšre global dâun phĂ©nomĂšne.
Cependant, un phĂ©nomĂšne peut prĂ©senter certains effets dĂ©routants, voire contradictoires. Par exemple, lâaffaiblissement du Gulf Stream dĂ» au rĂ©chauffement global peut conduire Ă un refroidissement sur lâAtlantique Nord qui va contrebalancer localement la tendance gĂ©nĂ©rale. Ainsi, certaines anomalies locales dans lâĂ©volution du climat global sont en fait des consĂ©quences de cette Ă©volution. Dans de tels cas, les causes de cette anomalie locale apparaissent physiquement liĂ©es Ă lâĂ©volution globale par des processus connus.

Quelles donnĂ©es Il faut une pĂ©riode longue pour dĂ©finir une tendance climatique. Les conditions mĂ©tĂ©orologiques sont trĂšs fluctuantes, le temps change beaucoup dâun jour Ă lâautre, dâune semaine Ă lâautre, dâun mois Ă lâautre, dâune annĂ©e Ă lâautre. Si on porte sur un graphique la tempĂ©rature moyenne globale mois aprĂšs mois, la courbe obtenue est fluctuante (grisĂ© sur la figure 1), avec des variations mensuelles qui sont nettement supĂ©rieures aux variations interannuelles ou Ă la tendance. Pour rĂ©duire le bruit dâorigine mĂ©tĂ©orologique, on effectue des moyennes. La moyenne annuelle (courbe bleue) est encore assez chahutĂ©e. Pour cette raison, la plupart des auteurs travaillant dans les sciences du climat prĂ©fĂšrent une moyenne glissante sur 5 ans qui est beaucoup plus rĂ©guliĂšre (courbe rouge). Finalement si on dĂ©sire sâaffranchir de la modulation due au cycle de lâactivitĂ© solaire (11 ans), on utilisera la moyenne glissante sur 11 ans (courbe noire).
Les modĂšles climatiques doivent ĂȘtre capables de reproduire la nature chaotique de la physique du climat, et donc lâamplitude des variations mensuelles ou annuelles, mais ces variations nâont bien sĂ»r aucune raison dâĂȘtre synchrones avec celles du climat rĂ©el. Ainsi, lorsquâon compare les rĂ©sultats de modĂ©lisations climatiques Ă des observations, il est nĂ©cessaire de lisser ces fluctuations chaotiques au moyen de moyennes temporelles appropriĂ©es, ou dâen tenir compte dans lâapprĂ©ciation des diffĂ©rences.
La comparaison des observations aux rĂ©sultats dâun modĂšle dâĂ©volution du climat aura beaucoup plus de sens si elle se fait avec des donnĂ©es filtrĂ©es des fluctuations rapides de la mĂ©tĂ©orologie ou de celles dues au cycle du soleil. Ăvidemment, un modĂšle (contestataire, « climato-sceptique ») qui prĂ©tend reproduire les observations pourra assez aisĂ©ment sâinsĂ©rer dans la zone grisĂ©e de la figure alors quâil ne sâapprocherait que trĂšs mĂ©diocrement de la courbe noire.
CorrĂ©lations Certains auteurs prĂ©sentent des observations de corrĂ©lations entre un paramĂštre environnemental et un paramĂštre liĂ© au climat ou aux conditions mĂ©tĂ©orologiques comme une preuve de lâinfluence de ce paramĂštre environnemental sur le climat. Il ne faut pas oublier que des corrĂ©lations ne sont jamais Ă elles seules une preuve de relation de cause Ă effet. On peut trouver de nombreux exemples de coĂŻncidences complĂštement fortuites. Voir par exemple lâarticle de Jean-Pierre Delahaye dans Pour la Science no 481 de novembre 2017, dont quelques courbes sont reproduites dans la figure 2. Pour que la relation de cause Ă effet soit plausible, il faut quâon puisse Ă©noncer et justifier quantitativement le processus par lequel la cause supposĂ©e produirait prĂ©cisĂ©ment lâeffet observĂ©.

Origine des informations Quand on montre des donnĂ©es, des figures, en science, il convient de citer ses sources. Cela permet au lecteur ou Ă lâĂ©diteur de se reporter Ă la source originelle pour en savoir plus sur les donnĂ©es, sur les incertitudes associĂ©es⊠MĂȘme si lâindication de la source nâest pas une garantie dâauthenticitĂ© (la rĂ©fĂ©rence est parfois erronĂ©e, ou les donnĂ©es manipulĂ©es ou tronquĂ©es avant prĂ©sentation), son absence doit toujours inciter Ă la prudence.
DES THĂORIES QUI IGNORENT LA PHYSIQUE DES PROCESSUS EN JEU
Certaines personnes, Ă©ventuellement de bonne foi, prĂ©tendent dĂ©montrer que lâhomme nâest pas en cause dans lâĂ©volution rĂ©cente du climat. Ă cet effet, elles Ă©laborent des thĂ©ories et se livrent Ă des calculs qui leur semblent probants. Toutefois leur mĂ©connaissance de phĂ©nomĂšnes intervenant dans le fonctionnement du climat les conduit Ă Ă©laborer des thĂ©ories qui ne sâappliquent pas Ă la rĂ©alitĂ© de la machine climatique. Nous allons en donner quelques exemples.
LâatmosphĂšre agissant comme une vitre Un certain nombre de calculs reposent sur lâhypothĂšse implicite que lâatmosphĂšre se comporte comme une feuille mince transparente Ă la lumiĂšre visible, comme une vitre. Le rayonnement thermique de la Terre vers lâespace est supposĂ© Ă©mis par la surface terrestre. Si on suppose que la « vitre » est opaque pour ce type de rayonnement, celui-ci est absorbĂ© et rien nâen part vers lâespace.
Cette hypothĂšse est implicite dans les raisonnements qui affirment que, puisque tout Ă©tant pratiquement absorbĂ© dans les premiers mĂštres de lâatmosphĂšre, doubler la concentration de CO2 ne peut pas augmenter signifie une absorption qui est dĂ©jĂ quasi-totale. La mĂȘme hypothĂšse implicite sous-tend les argumentations selon lesquelles le CO2 ne joue pratiquement aucun rĂŽle puisque le rayonnement a dĂ©jĂ Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la vapeur dâeau, le principal gaz Ă effet de serre naturel, beaucoup plus abondant dans lâatmosphĂšre que le CO2.
De tels raisonnements violent le principe de conservation de lâĂ©nergie. Ils ignorent une des lois dâĂ©mission du rayonnement infrarouge, la loi de Kirchhoff : tout corps susceptible dâabsorber un rayonnement est lui-mĂȘme Ă©metteur de rayonnement aux mĂȘmes longueurs dâonde. Ainsi, si le CO2 ou la vapeur dâeau absorbent du rayonnement infrarouge, ces corps Ă©mettent aussi un rayonnement dans les mĂȘmes longueurs dâonde. Le rayonnement qui quitte la Terre sera donc Ă©mis essentiellement par lâatmosphĂšre et pas par la surface terrestre. Il quittera lâatmosphĂšre lorsque la quantitĂ© de gaz absorbant situĂ©e au-dessus du point dâĂ©mission ne suffira plus Ă lâabsorber. Quand la concentration de gaz Ă effet de serre croĂźt, lâaltitude Ă laquelle le rayonnement doit ĂȘtre Ă©mis pour quitter lâatmosphĂšre va donc sâĂ©lever. Comme dans la troposphĂšre la tempĂ©rature dĂ©croĂźt avec lâaltitude, lâintensitĂ© du rayonnement Ă©mis Ă lâaltitude qui permet de quitter lâatmosphĂšre va dĂ©croĂźtre tant que le climat nâaura pas rĂ©agi, puisque lâintensitĂ© du rayonnement Ă©mis varie comme la puissance 4 de la tempĂ©rature absolue. LâĂ©nergie emportĂ©e par le rayonnement sera donc plus faible que celle apportĂ©e par le soleil. Il sâensuivra une accumulation de chaleur, et donc un rĂ©chauffement de lâatmosphĂšre. Celui-ci accroĂźt le rayonnement Ă©mis et permet dâatteindre un nouvel Ă©tat dâĂ©quilibre dans lequel lâĂ©nergie apportĂ©e par le rayonnement solaire entrant est compensĂ©e par un rayonnement infrarouge sortant accru du fait de lâaugmentation de la tempĂ©rature. Ceci est illustrĂ© sur la figure 3.
Le CO2 se rĂ©partit uniformĂ©ment dans lâatmosphĂšre. Ă lâinverse, lorsque la tempĂ©rature baisse, la capacitĂ© de lâair Ă contenir de la vapeur dâeau sans que celle-ci se condense diminue fortement. De ce fait, la concentration de vapeur dâeau dans lâair chute lorsquâon sâĂ©lĂšve. Si des concentrations de lâordre du % sont possibles au voisinage de la surface du globe, elles sont nĂ©cessairement plus faibles Ă quelques kilomĂštres dâaltitude, lĂ oĂč interviennent les processus radiatifs qui rĂ©gissent le bilan radiatif de la Terre. Ainsi, la vapeur dâeau ne saurait empĂȘcher le CO2 de jouer le rĂŽle majeur dans l’action de lâhomme sur le climat.

CO2 atmosphĂ©rique En lâabsence de perturbations apportĂ©es par lâhomme, lâatmosphĂšre Ă©change des quantitĂ©s considĂ©rables de CO2 avec lâenvironnement Ă bilan total nul. Ce sont environ 250 milliards de tonnes qui, chaque annĂ©e, sont Ă©mises et absorbĂ©es dans les Ă©changes entre lâatmosphĂšre et les ocĂ©ans. Par ailleurs, environ 420 milliards de tonnes sont Ă©mises et absorbĂ©es par les continents (vĂ©gĂ©tation). Ces deux bilans annuels globaux sont Ă©quilibrĂ©s : pour chaque molĂ©cule Ă©mise, il y en a une qui est absorbĂ©e.
Composition isotopique Dans la nature, le carbone existe sous trois formes isotopiques diffĂ©rentes : le noyau de lâatome contient toujours 6 protons, mais pas le mĂȘme nombre de neutrons. Le carbone naturel contient prĂšs de 99 % de carbone 12 (6 neutrons), 1 % de carbone 13 (7 neutrons) et des traces infimes (10-12) de carbone 14 (8 neutrons). Ce dernier est produit par des rĂ©actions nuclĂ©aires entre le rayonnement cosmique et les atomes dâazote de lâatmosphĂšre. Le carbone 14 est radioactif, avec une demivie de 5 730 ans : au bout de 5730 ans, la moitiĂ© des atomes de carbone 14 redonne de lâazote 14. Le carbone des combustibles fossiles qui nâa pas interagi avec lâatmosphĂšre depuis des centaines de millions dâannĂ©es ne contient Ă©videmment plus de carbone 14. De plus, ces combustibles sont pauvres en carbone 13 du fait de leur origine biologique (lâassimilation de carbone dans les rĂ©actions biologiques favorise le carbone 12, plus lĂ©ger, et donc plus mobile). Les mesures isotopiques offrent donc un moyen de suivre lâeffet de la combustion du charbon, du pĂ©trole et du gaz sur la composition du carbone de lâatmosphĂšre. La faiblesse anormale des concentrations de carbone 14 et de carbone 13 dans lâatmosphĂšre observĂ©e dans les annĂ©es 1950 a permis de mettre en Ă©vidence lâorigine fossile dâune partie du carbone atmosphĂ©rique.
Le suivi des compositions isotopiques permet dâestimer la durĂ©e moyenne du sĂ©jour dâune molĂ©cule de CO2 dans lâatmosphĂšre. On trouve quâelle est faible : seulement de quelques annĂ©es. La perturbation de la concentration de CO2 dans notre atmosphĂšre est estimĂ©e par les climatologues Ă plusieurs siĂšcles. Arguant de la faible durĂ©e de sĂ©jour atmosphĂ©rique dâune molĂ©cule de CO2, certains concluent que lâhomme ne peut contribuer significativement Ă lâaugmentation de la concentration de ce gaz dans lâatmosphĂšre. Mais ce raisonnement ignore les Ă©changes de carbone avec lâenvironnement et leur importance dans la concentration relative des diffĂ©rents isotopes du carbone. La dynamique qui rĂ©git le sort dâune molĂ©cule ne prĂ©juge pas de celle qui dĂ©crit les grands ensembles. Par exemple, dans une enceinte fermĂ©e Ă tempĂ©rature constante contenant de lâeau liquide et de la vapeur dâeau, les volumes et les masses dâeau et de vapeur restent constants alors que des molĂ©cules dâeau traversent sans cesse la surface, passant dâun milieu Ă lâautre. Pour en revenir au CO2, sur une annĂ©e, les ocĂ©ans et la vĂ©gĂ©tation Ă©changent avec lâatmosphĂšre au total plus de 10 fois ce que lâhomme y injecte pendant cette pĂ©riode. Cela veut dire que du carbone ayant une certaine composition isotopique sera remplacĂ© dans lâatmosphĂšre par du carbone ayant une autre composition isotopique initialement stockĂ© dans les ocĂ©ans ou les plantes. La composition isotopique du carbone de lâatmosphĂšre nâest donc certainement pas le bon paramĂštre pour dĂ©terminer le temps de vie du carbone qui sây trouve : elle permet dâestimer le temps de rĂ©sidence dâune molĂ©cule de CO2 dans lâatmosphĂšre, mais pas le temps caractĂ©ristique dâune perturbation globale de composition liĂ©e Ă des Ă©missions anthropiques de CO2 qui se cumulent au fil des ans.
Origine du carbone atmosphĂ©rique Pour certains auteurs, le carbone qui sâaccumule dans lâatmosphĂšre serait Ă©mis par les ocĂ©ans Ă la suite du rĂ©chauffement marquant la sortie du Petit Ăge glaciaire depuis le milieu du XIXe siĂšcle. Cette affirmation est contredite par les faits : la quantitĂ© de CO2 dissous dans lâeau de mer augmente rĂ©guliĂšrement, provoquant une acidification croissante (baisse du pH) des ocĂ©ans. Puisque le taux de CO2 dissous augmente, câest quâil y a absorption et non Ă©mission par lâocĂ©an.
En outre, le bilan du carbone atmosphĂ©rique montre que son augmentation annuelle est de lâordre de la moitiĂ© des Ă©missions humaines. Celles-ci peuvent ĂȘtre dĂ©terminĂ©es avec une prĂ©cision de lâordre de 10 % puisquâon sait quelles quantitĂ©s de combustibles fossiles ont Ă©tĂ© extraites puis brĂ»lĂ©es. La moitiĂ© de nos Ă©missions qui quittent lâatmosphĂšre est absorbĂ©e par lâenvironnement (ocĂ©ans et surfaces terrestres), une preuve que ce nâest pas lui qui est Ă lâorigine de ce qui sâaccumule dans lâatmosphĂšre.
Des affirmations naĂŻves
Concentration actuelle du CO2. Certains prĂ©tendent que la faible quantitĂ© de CO2 prĂ©sent dans lâatmosphĂšre ne peut avoir dâimpact sur le climat. Ce raisonnement, qui ne repose sur aucune thĂ©orie, ignore un certain nombre de rĂ©alitĂ©s. Dâabord, la quantitĂ© de CO2 (0,04 %) nâest pas nĂ©gligeable : si au lieu dâĂȘtre mĂ©langĂ©s, les diffĂ©rents gaz se sĂ©paraient et stratifiaient par densitĂ©, le CO2 formerait autour du globe une couche de 3,20 m dâĂ©paisseur. Ensuite, une concentration trĂšs faible nâest pas la preuve dâune action nĂ©gligeable. Ainsi, dans notre organisme, les hormones qui y jouent un rĂŽle essentiel pour notre bonne santĂ© ont des concentrations 1 000 fois plus faibles que celle du CO2 dans lâatmosphĂšre.
Concentration passĂ©e du CO2. Dans le passĂ©, la Terre a connu des concentrations de CO2 bien plus Ă©levĂ©es quâactuellement sans que cela entraĂźne un rĂ©chauffement. Il faut toutefois prĂ©ciser ce quâon appelle le passĂ© et ce qui sâest alors rĂ©ellement produit. Le passĂ©, cela peut ĂȘtre les annĂ©es prĂ©cĂ©dant les mesures prĂ©cises du CO2 atmosphĂ©rique, effectuĂ©es loin des sources de pollution, introduites par Keeling en 1958, mais cela peut aussi ĂȘtre les Ăšres gĂ©ologiques de la Terre.
Concernant les diverses mesures effectuĂ©es antĂ©rieurement Ă 1958, les rĂ©sultats prĂ©sentent des variations considĂ©rables en des temps trĂšs courts, des variations qui ne peuvent ĂȘtre reprĂ©sentatives de lâatmosphĂšre terrestre dans son ensemble. En effet, il nâexiste aucun processus qui puisse, Ă lâĂ©chelle globale, absorber suffisamment de CO2 en des temps trĂšs courts pour faire passer de valeurs Ă©levĂ©es dâune mesure aux valeurs faibles mesurĂ©es peu de temps aprĂšs. En fait, dans ces cas-lĂ les mesures Ă©taient effectuĂ©es Ă cĂŽtĂ© des laboratoires, de sorte quâelles intĂ©graient au moment de la mesure le CO2 qui venait juste dâĂȘtre Ă©mis localement par les usines, le chauffage ou la circulation. Câest prĂ©cisĂ©ment pour sâaffranchir de ces perturbations fluctuantes liĂ©es aux activitĂ©s humaines que Keeling a eu lâidĂ©e dâinstaller ses stations de mesure loin de celles-ci, dans une Ăźle au milieu du Pacifique.
En ce qui concerne les Ăšres gĂ©ologiques, les conditions gĂ©nĂ©rales Ă©taient alors trĂšs diffĂ©rentes. Il suffit de rappeler que lâactivitĂ© du Soleil croĂźt avec son Ăąge (augmentation de 7 % par milliard dâannĂ©es) et que, par consĂ©quent, il y a quelques centaines de millions dâannĂ©es il fallait une concentration de CO2beaucoup plus Ă©levĂ©e quâaujourdâhui pour aboutir Ă la mĂȘme tempĂ©rature Ă la surface du globe.
Ămissions de CO2 et variation du climat. Le climat de la Terre a connu des variations importantes. Pensons par exemple aux glaciations que la Terre a connues au cours des trois derniers millions dâannĂ©es, et dont nous avons une connaissance assez prĂ©cise pour les derniĂšres centaines de milliers dâannĂ©es grĂące Ă lâanalyse des carottes de glace extraites de lâAntarctique et du Groenland. Dans certains cas, le dĂ©but des variations de tempĂ©rature semble avoir prĂ©cĂ©dĂ© celui des variations de la concentration atmosphĂ©rique du CO2. Si câest le cas pour le dĂ©clenchement du refroidissement, dont les caractĂ©ristiques astronomiques de lâorbite de la Terre sont la cause, câest faux au moins dans un certain nombre de cas pour le rĂ©chauffement. NĂ©anmoins, certains dĂ©duisent des cas oĂč le dĂ©but du rĂ©chauffement aurait prĂ©cĂ©dĂ© le dĂ©but de lâaccroissement du CO2 atmosphĂ©rique que ce nâest pas le CO2 qui agit sur le climat mais lâinverse. Serait-il donc si extraordinaire que deux phĂ©nomĂšnes ne puissent selon les circonstances servir de cause lâun Ă lâautre ? Par exemple, un moteur Ă©lectrique asynchrone engendrera un mouvement lorsquâon lâalimente en courant mais pourra produire de lâĂ©nergie Ă©lectrique si par une action extĂ©rieure on le force Ă tourner. Notons de plus que, si lâeffet de serre nâest pas le processus qui dĂ©clenche les glaciations, la diminution de lâeffet de serre due Ă la dĂ©croissance des concentrations atmosphĂ©riques de CO2 et de vapeur dâeau a jouĂ© un rĂŽle fondamental pour donner au refroidissement lâampleur quâon lui connaĂźt.
Certains mentionnent des variations passĂ©es du climat oĂč le CO2 ne joue pas de rĂŽle moteur, comme lors de lâoptimum (pĂ©riode chaude) dâil y a 8 000 ans. Or on sait que ce dernier est dĂ» Ă une configuration orbitale spĂ©cifique de la Terre autour du Soleil, une situation qui se met en place sur des Ă©chelles de temps de milliers dâannĂ©es, et non de dizaines dâannĂ©es comme les variations que lâactivitĂ© humaine actuelle est en train de crĂ©er. Dâautres mentionnent des observations limitĂ©es gĂ©ographiquement oĂč un rĂ©chauffement rĂ©gional Ă©tait compensĂ© globalement par un refroidissement dâautres rĂ©gions.
Des donnĂ©es satellites dĂ©tournĂ©es. Les satellites sont trĂšs utilisĂ©s pour acquĂ©rir des donnĂ©es mĂ©tĂ©orologiques et climatologiques, et suivre leur Ă©volution. Les instruments embarquĂ©s sur satellites apportent des informations prĂ©cieuses, en particulier parce quâun instrument unique peut apporter une couverture quasi globale quotidienne. Plusieurs instruments sur un satellite donnĂ© permettent dâobserver simultanĂ©ment des paramĂštres variĂ©s. Cependant, ils ont aussi leurs limites, que certains utilisateurs de leurs donnĂ©es ignorent ou feignent dâignorer. Ces derniĂšres annĂ©es, les climatosceptiques ont mis en avant la tempĂ©rature de lâatmosphĂšre, qui est dĂ©duite de lâintensitĂ© du rayonnement, infrarouge et micro-onde, Ă©mis par le milieu observĂ©. Une limitation majeure est que la tempĂ©rature obtenue est reprĂ©sentative dâune couche dâatmosphĂšre trĂšs Ă©paisse et mal dĂ©finie. Le lien avec la tempĂ©rature de surface nâest pas direct et peut varier dans le temps. Dâautre part, lâĂ©talonnage des instruments en vol nâest pas facile et est une source dâincertitude. Les climatosceptiques prĂ©sentent ces indices de tempĂ©rature sans mentionner les limitations, et surtout sans indiquer quâelles ne sont pas directement reprĂ©sentatives de la tempĂ©rature de surface, qui est pourtant le paramĂštre important puisque câest Ă la surface, et pas Ă 5 km dâaltitude, que nous vivons.
DES EXPERTS QUI NâEN SONT PAS
La controverse sur lâaction de lâhomme sur le climat provoquĂ©e par lâopposition aux conclusions du GIEC est rarement le fait de climatologues. Certes, on en trouve quelques-uns ( John Christy, Judith Curry, Richard Lindzen) qui y participent. Mais quelle thĂ©orie nâa pas ses dĂ©tracteurs au sein de la communautĂ© de ses spĂ©cialistes ? La thĂ©orie de lâĂ©volution, la relativitĂ©, la mĂ©canique quantique ont toutes eu leurs opposants, et il en reste toujours quelques-uns, bien que la relativitĂ© et la mĂ©canique quantique soient Ă lâĆuvre partout dans notre vie quotidienne (sans elles, nos ordinateurs ou le GPS ne fonctionneraient pas). Parmi les scientifiques, le gros de ceux qui contestent lâinfluence de lâhomme dâaujourdâhui sur le climat se recrute dans dâautres disciplines. Ces scientifiques nâont cependant quâune connaissance trĂšs partielle des processus en jeu. On les retrouve ainsi parmi les dĂ©fenseurs des thĂšses erronĂ©es mentionnĂ©es plus haut. Certains, pour crĂ©dibiliser leur point de vue, se prĂ©sentent nĂ©anmoins comme des experts du climat : comme des experts du GIEC pour les rapports sur le climat que cette entitĂ© publie rĂ©guliĂšrement.
Qui sont les experts du GIEC ? LâĂ©laboration des rapports du GIEC se fait en plusieurs Ă©tapes. Tout dâabord, des scientifiques choisis pour leur connaissance de la discipline, attestĂ©e par leur production scientifique dans des revues de rĂ©fĂ©rence, sont sĂ©lectionnĂ©s pour rĂ©diger un rapport. Ils en rĂ©digent une premiĂšre version, laquelle est soumise Ă un panel aussi large que possible dâexperts, qui feront toutes les remarques, commentaires, demandes de modifications qui leur semblent justifiĂ©es.
Ă ce stade, nâimporte quel scientifique peut se faire agrĂ©er comme expert et soumettre son point de vue. De lĂ vient lâambiguĂŻtĂ© de la notion dâexpert dont certains jouent pour confondre le public. Pour ĂȘtre expert, il suffit dâen faire explicitement la demande, en justifiant quâon a des compĂ©tences scientifiques. Si la trĂšs grosse majoritĂ© des experts sont effectivement des experts du domaine, les scientifiques ayant leurs compĂ©tences dans des domaines extĂ©rieurs Ă celui des sciences du climat sont Ă©galement acceptĂ©s comme experts. Il est en effet apparu judicieux de disposer dâun Ă©ventail aussi large que possible incluant des regards extĂ©rieurs au domaine pour garantir la pertinence des rapports. Les auteurs du rapport ont alors lâobligation dâĂ©tudier toutes les remarques qui leur sont faites, quelle que soit leur origine. Si elles ne leur semblent pas pertinentes, ils doivent expliciter pourquoi ils choisissent de ne pas les prendre en compte. Le projet de rapport est alors modifiĂ© pour tenir compte des avis dâexpertise qui ont Ă©tĂ© validĂ©s. La seconde version est alors soumise Ă un nouveau panel dâexperts qui peuvent avoir fait partie ou non du premier panel. Que peut-on alors penser de ceux qui, ayant relu un rapport et lâayant seulement commentĂ©, se prĂ©sentent publiquement comme « experts auprĂšs du GIEC » ? Juste quâils utilisent un label rendu facilement accessible par la communautĂ© elle-mĂȘme pour jouer sur les termes et faire accroire que cela garantit quâils ont des compĂ©tences en climatologie ?
LES CONSĂQUENCES DU RĂCHAUFFEMENT
IndĂ©pendamment des questions concernant le climat, on assiste aussi Ă des controverses sur les impacts du changement climatique, pour lâhomme et pour lâenvironnement. Dans ce cas, ce ne sont pas nĂ©cessairement le rĂ©chauffement ni le fait quâil soit dĂ» Ă lâhomme qui sont niĂ©s. Par contre, les consĂ©quences sont prĂ©sentĂ©es comme nĂ©gligeables, voire bĂ©nĂ©fiques, pour le globe et pour lâhumanitĂ©. Nous allons donner quelques exemples.
TempĂ©rature « Une augmentation de 3 °C, ce nâest finalement rien de plus que de retrouver Ă Lille le climat actuel de Marseille. Ce serait donc plutĂŽt agrĂ©able. » Ce genre dâaffirmation plaisante est malheureusement tendancieuse pour trois raisons :
1. Le rĂ©chauffement nâest pas uniforme Ă la surface du globe. Les continents se rĂ©chauffent beaucoup plus que les ocĂ©ans, et le rĂ©chauffement est dâautant plus accentuĂ© quâon est plus loin de lâĂ©quateur. Câest ce qui est dĂ©jĂ observĂ© actuellement. Un rĂ©chauffement terrestre moyen de 3 °C, câest au moins un rĂ©chauffement de 5 °C Ă Lille.
2. Lâenvironnement gĂ©ographique de Lille est trĂšs diffĂ©rent de celui de Marseille. La ville nâest pas situĂ©e au bord dâune mer qui tempĂšre les effets des canicules.
3. La modification du climat ne se limite pas Ă un rĂ©chauffement moyen. Le rĂ©gime des prĂ©cipitations aussi est modifiĂ©. Et, surtout, les extrĂȘmes (par exemple les fortes prĂ©cipitations, lâintensitĂ© et la durĂ©e des caniculesâŠ) sont accentuĂ©s.
Or ce nâest pas tant lâĂ©tat moyen que les extrĂȘmes qui ont un impact fort sur nous.
Certains arguent que lâhomme a dĂ©jĂ connu des rĂ©chauffements importants. Entre le maximum de la derniĂšre glaciation, il y a 21 000 ans, et lâoptimum dâil y a 8 000 ans, la tempĂ©rature moyenne globale avait augmentĂ© de 6 °C. Selon eux, cela sâest fait sans consĂ©quences catastrophiques pour lâhumanitĂ©. Cette affirmation est difficilement vĂ©rifiable, mais prenons- la pour vraie. Nous devons noter que lâaugmentation de la tempĂ©rature a Ă©tĂ© 10 fois plus lente que celle que nous induisons actuellement et que la Terre ne comptait que quelques millions dâhabitants, et non des milliards comme aujourdâhui. Les ajustements individuel et collectif aux modifications de lâenvironnement pouvaient ĂȘtre effectuĂ©s posĂ©ment, et sans les problĂšmes conflictuels majeurs que risquent dâengendrer les dĂ©placements massifs de population.
Finalement, nâoublions pas quâil nâest pas exclu que des changements climatiques aient Ă©tĂ© la cause de lâextinction de certaines civilisations. Le Grand Nord va souffrir particuliĂšrement du rĂ©chauffement : toutes les infrastructures sâappuient sur un sol gelĂ©, et donc rigide, dont la fonte va complĂštement faire disparaĂźtre la cohĂ©sion. DĂšs Ă prĂ©sent, on constate des effondrements dâinfrastructures et dâhabitations.

Niveau de la mer En se rĂ©chauffant, lâeau des mers se dilate. MĂ©caniquement, cela fait monter leur niveau. En outre, le rĂ©chauffement provoque des fontes massives de glaciers, tant continentaux quâalpins. Cela ajoute de lâeau aux ocĂ©ans et participe Ă lâĂ©lĂ©vation du niveau marin.
Beaucoup pensent quâune montĂ©e du niveau de la mer de quelques dizaines de centimĂštres en un siĂšcle câest peu de chose : il serait « facile » de sâen protĂ©ger avec des digues comme le montre lâexemple des Pays-Bas, dont de grandes mĂ©tropoles cĂŽtiĂšres (Rotterdam, Amsterdam) sont situĂ©es plusieurs mĂštres au-dessous du niveau de la mer. Cependant, ceux qui disent cela paraissent ignorer que la mer nâest pas une grande bassine dâeau calme : le systĂšme ocĂ©anique mondial est soumis aux vents et aux tempĂȘtes ; il est le siĂšge de courants marins ; sa tempĂ©rature nâest pas partout la mĂȘme. Il sâensuit que le niveau de la mer prĂ©sente de fortes variations selon le lieu. Ces variations vont se trouver amplifiĂ©es par le rĂ©chauffement climatique qui va aussi altĂ©rer les courants marins. Ainsi, comme le montre la figure 4, on observe dĂ©jĂ une grande disparitĂ© gĂ©ographique dans la montĂ©e du niveau de la mer. Si certaines rĂ©gions seront peu affectĂ©es par une montĂ©e moyenne de 40 Ă 50 cm (la valeur actuellement prĂ©vue dâici Ă la fin du XXIe siĂšcle), dâautres le seront beaucoup.
Dâautre part, si construire et entretenir une digue est Ă la portĂ©e dâun Ătat dĂ©veloppĂ© et peu Ă©tendu comme les Pays-Bas, il en sera tout autrement pour les pays plus pauvres qui ont justement une part de plus en plus importante de leur population qui vit dans leur bande cĂŽtiĂšre.
BiodiversitĂ© Les espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales prospĂšrent chacune dans les conditions environnementales (tempĂ©rature, pluviositĂ©) qui leur sont favorables. Quand les conditions locales changent, les espĂšces qui le peuvent migrent pour retrouver des conditions favorables, les autres disparaissent. La plupart des animaux peuvent en principe migrer tant quâils ne rencontrent pas un obstacle naturel (mer, montagne) ou artificiel (voies de circulation, urbanisation) qui le leur interdit. Il leur reste ensuite Ă dĂ©nicher des Ă©cosystĂšmes qui leur conviennent. Il nâen est pas de mĂȘme de la vĂ©gĂ©tation, particuliĂšrement les arbres, qui ont un cycle vĂ©gĂ©tatif long qui ne leur permet pas de suivre la rapiditĂ© dâun changement climatique qui sâaccĂ©lĂšre.
CONCLUSION
Comme exposĂ© dans lâavant propos, nous ne prĂ©sentons ni ne discutons les arguments des climatosceptiques, sauf dans des cas oĂč câest clairement une mĂ©connaissance du sujet qui est Ă lâorigine de leurs arguments. La rĂ©futation de la plupart des arguments nĂ©cessite souvent des connaissances sur le fonctionnement du climat que nâa pas le profane et des dĂ©veloppements dont le volume aurait nui Ă la lisibilitĂ© de cet article.
Pour les questions sur le rĂ©chauffement climatique lâInstitut Pierre-Simon-Laplace a créé un site (https://www.ipsl.fr/Pourtous/ Le-climat-en-questions) oĂč le lecteur trouvera des rĂ©ponses accessibles au nonspĂ©cialiste. Le fonctionnement du climat est dĂ©taillĂ© dans un livre accessible sans connaissances mathĂ©matiques (il ne contient aucune formule mathĂ©matique) abondamment illustrĂ© : le Climat : la Terre et les hommes de Jean Poitou, Pascale Braconnot et ValĂ©rie Masson-Delmotte (EDP Sciences). Il est aussi disponible en version Ă©lectronique.