*Alain TOURNEBISE, coordinateur du dossier, est ingénieur Supélec et directeur de la diffusion de Progressistes.
Le dossier du prĂ©sent numĂ©ro est consacrĂ© au mix Ă©lectrique. Le mix Ă©lectrique, câest lâensemble des moyens de production de lâĂ©nergie Ă©lectrique nĂ©cessaire Ă une nation. Chaque pays le dĂ©termine en fonction de ses caractĂ©ristiques propres, que sont ses ressources naturelles, les coĂ»ts de production, les Ă©missions de CO2 ou de polluants divers, mais Ă©galement des contraintes techniques propres au systĂšme Ă©lectrique.
Et ces contraintes sont trĂšs lourdes. Car lâĂ©lectricitĂ© doit ĂȘtre fournie quand on en a besoin et lĂ oĂč on en a besoin. Lâarticle de Françoise Ficheux le rappelle clairement : Ă©quilibre offre/demande, Ă©nergie rĂ©active, etc., qui nĂ©cessitent une gestion centralisĂ©e du systĂšme pour en assurer la continuitĂ© et des moyens de rĂ©serve, notamment hydraulique, dont la privatisation constituerait de ce fait une catastrophe pour la sĂ»retĂ© du systĂšme.

Aujourdâhui, nos sociĂ©tĂ©s dĂ©veloppĂ©es ne peuvent plus supporter une interruption de la fourniture dâĂ©lectricitĂ©. Mais la libĂ©ralisation continue du secteur Ă©lectrique, dont les Ă©tapes sont rappelĂ©es dans ce dossier par François Dos Santos et ValĂ©rie Goncalves, en a considĂ©rablement affaibli la cohĂ©rence en lâouvrant Ă une multitude dâacteurs, souvent privĂ©s, entraĂźnant une augmentation des coĂ»ts de transaction, des prĂ©lĂšvements de profit privĂ© et des risques de dysfonctionnement. Dans leur article, Michel Doneddu et Jean-Pierre Sotura dĂ©crivent bien cette dĂ©rive.
Une autre menace pÚse sur la sécurité du systÚme électrique.
Câest lâintroduction massive dâĂ©nergies intermittentes en remplacement des productions traditionnelles, notamment nuclĂ©aire. Câest ce que propose notamment lâADEME. Notre dossier montre que les hypothĂšses de lâADEME pour tenter de dĂ©montrer la faisabilitĂ© dâun tel scĂ©nario sont irrĂ©alistes, voire irresponsables. Lâintroduction trop massive des EnR dans la production Ă©lectrique nĂ©cessiterait des capacitĂ©s de stockage massives dont on ne maĂźtrise bien aujourdâhui ni les technologies ni les coĂ»ts, comme le montre lâarticle de Serge Vidal. Elle nĂ©cessiterait aussi, du fait de son caractĂšre trĂšs dĂ©centralisĂ©, des investissements considĂ©rables dans les rĂ©seaux, comme le souligne CĂ©cile Grimone.
Elle nĂ©cessiterait enfin que les usagers soient prĂȘts, de grĂ© ou de force, Ă renoncer Ă consommer sur rĂ©quisition du gestionnaire de rĂ©seau en fonction des fluctuations du vent ou de la luminositĂ© ambiante. Un tel scĂ©nario orwellien ne peut mĂȘme pas ĂȘtre justifiĂ© par les nĂ©cessitĂ©s de la lutte contre le rĂ©chauffement climatique puisquâen France, du fait du nuclĂ©aire, lâĂ©lectricitĂ© est dĂ©jĂ dĂ©carbonĂ©e Ă presque 90 %. Subventionner massivement les Ă©nergies renouvelables au motif de dĂ©carboner une Ă©lectricitĂ© qui, de fait, lâest dĂ©jĂ relĂšve dâune incohĂ©rence que mĂȘme la Cour des comptes ne sâest pas privĂ©e de dĂ©noncer.
Le but de ce dossier est donc de contribuer Ă dĂ©barrasser la question de lâĂ©lectricitĂ© en France des scories idĂ©ologiques qui la polluent pour militer en faveur dâun mix Ă©lectrique Ă©quilibrĂ©, oĂč chaque source de production doit avoir sa place en fonction des critĂšres de ressources, de prix, dâimpact sur le climat et de contribution Ă la sĂ»retĂ© du systĂšme Ă©lectrique.
On attend toujours une réponse « responsable » et non utopique à la question des déchets nucléaires