La RT 2012 est un ensemble de règles techniques applicable depuis le 1er janvier 2013 à tout nouveau projet de construction. Présentée et justifiée par le gouvernement comme un outil de lutte contre le réchauffement climatique et la précarité énergétique, elle semble manquer son but.
*MARCEL VITTONATO est retraité, ingénieur EDF.
TROIS PILIERS FONDAMENTAUX
Déclinaison française de textes européens, la RT 2012 a pour objectif affiché de réduire les dépenses énergétiques et d’intégrer au moins un approvisionnement en énergie renouvelable dans chaque projet de construction selon trois axes :
1. Le B bio (pour besoin bioclimatique conventionnel), un indicateur qui exprime les besoins des habitations en chauffage, climatisation et éclairage. Il est défini en vue de limiter ces besoins, grâce à une conception réfléchie :
– en travaillant sur l’orientation et la disposition des baies vitrées pour favoriser l’apport solaire en hiver et s’en protéger l’été ; – en limitant les déperditions thermiques grâce à la compacité des volumes ;
– en prévoyant une bonne isolation du bâti et des baies vitrées ; – en traitant avec soins les ponts thermiques et les fuites d’air. Autant de dispositions de bon sens auxquelles on ne peut qu’adhérer et qui, depuis longtemps, ont été prises en compte par les bons architectes.
2. Le Cep (coefficient de consommation conventionnelle d’énergie primaire), qui est lié au mode de chauffage, à la production d’eau chaude sanitaire, à l’éclairage, au type de ventilation, à la climatisation éventuelle et aux auxiliaires (pompes…). Il vise à inciter à une réduction de la consommation d’énergie au quotidien.
3. La Tic (température intérieure conventionnelle), enfin, doit évaluer un bon confort d’été sans climatisation, en prenant en compte la température relevée au cours des cinq jours les plus chauds de la saison. Pour chacun de ces facteurs, une valeur à ne pas dépasser est établie. Dans un projet donné, les calculs doivent être faits par un bureau d’études thermiques, qui doit s’appuyer sur des logiciels de calcul agréés, certes, mais qui demeurent très mystérieux. Le permis de construire ne sera accordé que sur la base du document de synthèse établi par ce bureau et dans lequel on retrouvera les résultats des calculs liés au projet. Ils doivent attester qu’ils sont inférieurs aux valeurs réglementaires de la région concernée.
DES CONSÉQUENCES DIFFÉRENTES SELON LES ACTEURS
Les grandes entreprises du bâtiment qui construisent des logements collectifs, des ensembles pavillonnaires, des centres de loisirs ou autres ont des bureaux d’études qui pourront délivrer ces attestations.
En revanche, un simple particulier qui veut faire construire sa maison devra faire appel quasi obligatoirement non seulement à un architecte, mais également à un bureau d’études spécialisé (théoriquement différent de celui qui va faire les vérifications pour délivrer l’attestation). Ces bureaux d’études vont de fait imposer aux artisans les techniques de mise en œuvre et les matériaux à utiliser (isolation par l’extérieur ou l’intérieur, caractéristiques des baies vitrées, épaisseur et type d’isolant, type de chauffage, de ventilation, moyens de production d’eau chaude…).
ÉNERGIE PRIMAIRE, LES PIÈGES DU CEP
Pour le « néophyte », le Cep semble le plus accessible. Il doit être d’environ 50 kWh/m2 par an (modulé en fonction de la zone géographique et de l’altitude). Mais attention, c’est un maximum, une consommation en énergie primaire à ne pas dépasser. Pourquoi le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie est-il si discret sur ce point ?
Précisons que l’énergie primaire n’est pas l’énergie consommée, mais celle qui a été nécessaire à la source pour produire cette énergie ; l’écart entre les deux est dû aux rendements des moyens de production, aux pertes liées au transport… Ces écarts correspondent à une réalité. Ils sont différents selon que l’on utilise du gaz, de l’électricité, du fuel ou du bois pour se chauffer. Ils sont également plus ou moins importants selon que l’on prenne en compte ou non la « chaîne de production » dans son ensemble.
La décision de raisonner en énergie primaire et d’imposer des coefficients de conversion entre énergie consommée et énergie primaire correspond, quant à elle, à des choix politiques. En effet, ces coefficients sont différents selon les pays et, en outre, peuvent varier dans le temps. Ils s’éloignent donc très sensiblement d’une réalité physique. Ainsi apparaît le but de la démarche : orienter les consommateurs vers tel ou tel type de chauffage et de moyen de production d’eau chaude.
OÙ EST L’ÉCOLOGIE DANS TOUT CELA ?
Pour ce qui est de la France et de la RT 2012, le gaz, le fioul, le charbon, le bois ont un coefficient de 1, tandis que l’électricité a un coefficient de 2.58.

Pour l’électricité, le Cep passe donc de 50 kWh/m2 par an à 19 kWh/m2, c’est-à-dire qu’il est pratiquement impossible à réaliser sauf à générer des surcoûts considérables d’isolation, ou à installer des panneaux photovoltaïques, puisque la production d’électricité de ces derniers est déduite de la consommation. Sans le dire clairement, on décourage ce mode de chauffage, y compris pour des logements correctement isolés.
Pour se chauffer, il faudra donc :
– dans le logement neuf, utiliser principalement le gaz (voire un réseau de chaleur à partir de la géothermie) ;
– dans la maison individuelle, recourir au gaz (si le réseau existe), au bois (mais les pellets, granulés… posent question), à des pompes à chaleur air/eau ou eau/eau (géothermie de surface ou de profondeur) qui ont des coûts d’installation et d’entretien très élevés. Au moment où l’ensemble des pays est sensibilisé, tout au moins en théorie, aux questions du réchauffement climatique lié au rejet des gaz à effet de serre – du CO2 en particulier –, il est assez paradoxal de voir nos gouvernements vouloir remplacer l’électricité par des moyens de production d’énergie beaucoup plus polluants. En effet, étant donné la structuration de la production d’électricité de notre parc (90 % à partir du nucléaire et de l’hydraulique), le chauffage électrique est de loin le moins polluant. Non seulement il cause peu de gaz à effet de serre (4 fois moins que le chauffage au gaz, et 6 fois moins que le fioul), mais il émet également moins de particules fines, d’oxyde d’azote…
Ce paradoxe ne semble pourtant guère soucier notre ministre de l’Écologie ni notre gouvernement.
ÉCONOMIE D’ÉNERGIE N’EST PAS TOUJOURS RÉDUCTION DE LA DÉPENSE…
Répondre à la RT 2012, c’est devoir faire appel aux bureaux d’études thermiques, aux organismes agréés de contrôle pour appliquer les techniques proposées et effectuer les tests d’étanchéité à l’air. Tout cela génère, selon les professionnels, un surcoût d’investissement de l’ordre de 15 à 20 %. Et qui doit payer ce surcoût ? les maîtres d’ouvrage, c’est-àdire les particuliers qui achètent une maison ou un logement, sans forcément savoir si cette dépense supplémentaire sera compensée par les économies promises.
Ces investissements sont par ailleurs financés par les subventions ou des défiscalisations. Ils représentent donc à la fois un manque à gagner pour la collectivité et une nouvelle dépense pour les usagers. En effet, les tarifs de rachat du photovoltaïque (environ 10 fois supérieurs au prix moyen de l’électricité !) se répercutent in fine sur l’ensemble des ménages via la contribution au service public de l’électricité (CSPE), taxe qui figure au bas de chaque facture d’électricité. Ayant déjà sensiblement augmenté depuis son institution, en 2003, celleci va continuer de croître.
… NI DE LA POLLUTION
Il y aura certainement baisse de la quantité d’énergie consommée, mais, outre l’investissement de départ, il ne faudra pas oublier l’entretien annuel des pompes à chaleur ou du chauffe-eau thermodynamique, l’amortissement du matériel et son remplacement au bout d’un certain nombre d’années (une dizaine). Et quelle sera la durée, au-delà de la garantie décennale, des isolations par l’extérieur ?
En résumé la RT 2012 réduira certainement la consommation énergétique des nouvelles constructions, mais, contrairement à l’objectif affiché, sûrement pas les dépenses des ménages liées à l’énergie. Elle fait fi des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, du CO2 en particulier. Au contraire, elle favorise le développement des énergies carbonées (du gaz en particulier).
Les tenants du « capitalisme vert », dont certains ont déjà accumulé des fortunes indécentes, peuvent être rassurés : ils y trouveront leur compte.