Les collectivités au secours du climat ?, Amar Bellal

Les collectivités au secours du climat ?, Amar Bellal

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Les PCET, visant à limiter la crise climatique, s’inscrivent dans le cadre des objectifs du Grenelle de l’environnement et des différentes conférences internationales sur le climat ainsi que des objectifs des trois « 20 » que s’est fixé l’Union européenne d’ici à 2020 : 20 % de GES en moins, 20 % d’énergie renouvelable, 20 % d’économie d’énergie. Pourquoi des plans territoriaux ? La raison invo- quée est la nécessité de lancer une dynamique qui ne soit pas simplement impulsée d’en haut et de rapprocher les lieux de décision de leurs applications concrètes pour une plus grande efficacité. Cet objectif se heurte aux capacités de financement limitées des collectivités et aux nombreux leviers qui doivent être du ressort des politiques nationales et même européennes (financement, réglementation, services publics, formation…). Il est néanmoins utile d’examiner la logique de ces PCET et de s’y impliquer car cela reste une expérience possible de co-élabora- tion démocratique avec les citoyens sur un territoire donné. Tout d’abord, les PCET comprennent deux grands aspects : le climat et l’énergie qui ne recouvrent pas tout à fait les mêmes enjeux et sont, de fait, souvent confondus. Le « C » de climat renvoie à la nécessité delimiter les émissions de gaz à effet de serre (CO2, méthane, ozone…), ce qui suppose prioritairement delimiter les énergies carbonées (charbon, gaz, pétrole). Le « É » de Énergie consiste à diminuer la consommation énergétique indépendamment de l’impact en GES de celle-ci. La nuance est très importante et va influer sur l’approche générale des mesures à prendre. Trois exemples illustrent cette démarche.

Premièrement, un ensemble de mesures conduisent à une baisse de la consommation électrique touchant le volet énergie du plan, mais avec un impact assez faible sur le réchauffement climatique du fait du « mix » électrique français très peu carboné (hydraulique et nucléaire à plus de 95 %). Deuxièmement, desmesures favorisent la voiture électrique en remplacement des voitures à essence et au gazole, ce qui modifie peu la consommation d’énergie mais réduit les dégagements de GES. Troisièmement, les deux postes s’ajoutent, comme, par exemple, des mesures incitant à faire des travaux d’isolation dans un appartement chauffé au gaz.

L’approche « cadastrale » consiste, dans le jargon de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), à recenser les postes les plus émetteurs de GES et d’énergie sur un territoire donné de la collectivité, dans tous les secteurs d’importance : bâtiment, transport, industrie, service, agriculture… Cette logique strictement territoriale ne comptabilise que le bilan direct. L’approche « globale » consiste à ajouter au bilan directement imputable au territoire celui provenant de l’extérieur par le biais de ses importations. Ainsi, tous les produits importés seront pris en compte dans le bilan énergétique et climatique : transport et fabrication. Une ville comme Paris aurait ainsi un bilan moins lourd dans le cas d’une approche de type cadastral que si elle avait opté pour une approche plus globale incluant toutes les industries, les surfaces agricoles et les systèmes de production d’électricité extérieurs à la ville et néanmoins nécessaires à la consommation de ses deux millions d’habitants. L’approche globale est bien évidem- ment beaucoup plus complète et interroge plus profondément le mode de développement de nos sociétés.

En effet, les délocalisations industrielles entraînent également une délocalisation de la pollution. La fermeture d’une aciérie améliorera grandement le bilan carbone d’un territoire et sa délocalisation en Inde ou au Brésil ne changera rien au climat, sans parler de tous les dégâts sociaux que cela engendre. Les PCET ne sont pas uniquement des plans de type « préventif » visant à limiter l’impact sur le climat. Unexemple de mesure préventive consiste à installer des chauffe-eau solaires, sans conséquence bénéfique directe et visible à l’échelle du territoire en question. L’impact sera en effet global, partagé par l’ensemble de la planète et très largement étalé dans le temps. Mais les PCET comportent également des mesures de type «curatif » qui entrent dans une logique de réparation des dégâts liés au réchauffement climatique sur le territoire. Une analyse peut ainsi être faite de la vulnérabilité du territoire en question afin de prévoir des mesures pour anticiper le manque d’eau, la baisse des rendements agricoles, le changement des types d’architecture, les problèmes sanitaires liés aux canicules, les maladies nouvelles… Cela pose le problème de l’inégalité face aux moyens dont on dispose : ceux qui auront les moyens de se protéger seraient tentés de s’enfermer dans une bulle en privilégiant, par exemple, la construction de digue plutôt que d’investir dans des énergies décarbonées.

Les postes les plus importants et directement à la portée des collectivités sont nombreux. Tout d’abord, le bâtiment, aussi bien tertiaire que d’habitation, représente près de 40% de la consommation d’énergie. Pour les constructions neuves, obligation est faite par la réglementation à partir de 2012 de répondre à l’exigence des 50 kW/m2/an de consommation. L’enjeu se situe surtout du côté des bâtiments existants et la question de leur rénovation énergétique. Agir sur l’enveloppe par l’isolation, mais aussi améliorer le rendement des systèmes de production de chaleur (chaudière performante, pompe à chaleur, chauffe-eau solaire, ventilation, etc.). Ensuite, il s’agit de relancer les investissements dans les transports en commun, de densifier leur maillage. Enfin, en ce qui concerne l’aménagement du territoire, il s’agit de lutter contre l’étalement urbain et d’organiser en amont les systèmes de transport en commun. D’autrespostes existent aussi : industrie, production d’énergie, agriculture… Les moyens d’action se situent alorsdavantage au niveau national (réglementation, service public de l’énergie, recherche pour des procédésplus propres…). Mises à part les actions de sensibilisation, les incitations, les études sur l’échelle duterritoire et l’organisation de débats citoyens, les collectivités disposent de peu de moyens d’action car elles sont rapidement confrontées au «mur de l’argent » vu l’ampleur des investissements à réaliser. Le seul programme de rénovation énergétique des bâtiments pourrait coûter de 10 à 15 milliards d’euros par an en France.

Le Grenelle de l’environnement a fortement déçu parce que des objectifs ambitieux ont été affichés, maissans financements sérieux car ils se limitent dans la réalité à un ensem- ble d’incitations fiscales très injustes, ne bénéficiant qu’aux plus riches et privant une fois de plus l’État de précieuses sources de revenus. On retrouve ce problème de financement au niveau mondial. Ceci entraîne aujourd’hui un changement du discours : l’on préfère parler de mesures « d’adaptation » au réchauffement climatique plutôt que de mesures limitant le phénomène. Ce glissement sémantique, renforcé par l’accident de Fukushima qui fait oublier la catastrophe climatique à venir pourtant bien plus grave, est à combattre. Les dégâts climatiques seront pour la plupart irréparables : lorsqu’une espèce disparaît, il n’est pas possible de la ressusciter à coups de milliards. Néanmoins, malgré toutes ces limites, les PCET permettent une prise de conscience et peuvent constituer une préfiguration de la proposition de VIe République, à savoir un début de démarche de co-élaboration avec l’ensemble des citoyens sur un enjeu de portée mondiale. En cela, il est important de les mettre en place afin de porter cette vision.

 

AMAR BELLAL est rédacteur en chef de la revue Progressistes

 

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