«Le monde a les yeux sur nous, le défi est immense, nous en sommes tous ici conscients, mais il n’est pas insurmontable », tels furent les mots de Gustavo Meza- Cuadra Velásquez, président du comité international de négociation du sommet ministériel international sur la pollution plastique qui s’est tenu du lundi 29 mai à vendredi 2 juin.
Il y a urgence à mettre fin à la pollution plastique qui menace notre santé et l’ensemble de la biodiversité, comme l’a documenté la communauté scientifique mondiale, dont nous saluons le travail et le rôle de lanceur d’alerte. En effet, la situation est dramatique : la production mondiale de plastique a connu une croissance exponentielle, passant de 2,3 millions de tonnes en 1950 à 162 millions en 1993. Et elle a presque triplée en trente ans pour atteindre 460 millions de tonnes… et pourrait encore tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait et si le modèle business as usual reste la règle.
Depuis 1950, pas moins de 8 milliards de tonnes de déchets plastiques non biodégradables se sont accumulés dans la biosphère. Tous ces déchets se décomposent au fil des années en micro- et nanoplastiques, contaminant toute la chaîne alimentaire. C’est l’ensemble de la biodiversité marine, des micro-organismes aux mammifères et aux oiseaux, qui est dramatiquement affectée, avec pour résultat une mortalité importante chez les animaux. Ainsi, selon les scientifiques, en Méditerranée, la situation est telle que les microplastiques représentent 15 % de la nourriture des poissons ! Ils affectent aussi directement la santé humaine, notamment à travers l’alimentation, augmentant le risque d’affections cardio-vasculaires, induisant des thromboses ou l’apparition et le développement de cancers. C’est donc aussi un enjeu de santé mondiale.
Face à l’urgence d’agir, l’histoire semble, hélas, se répéter : comme pour les sommets sur le climat où de précieuses décennies d’action ont été perdues du fait des pressions des grands lobbys et d’États pétroliers, nous avons assisté durant toute cette semaine de négociations à une forte résistance de tous les acteurs économiques du secteur du plastique, États comme entreprises, pour empêcher un accord contraignant et ambitieux.
Les solutions sont pourtant connues ; et certes elles heurtent le modèle capitaliste de production et sa fuite en avant consumériste. L’urgence est d’abord de réduire la production à la source, en éliminant le plastique dans tous les secteurs où il peut être remplacé. Il s’agit de remodeler nos modes de consommation en bannissant les usages uniques partout où cela est possible, en favorisant les matériaux dont le recyclage est possible. Il s’agit aussi de favoriser l’économie du partage, de la fonctionnalité privilégiant l’usage plutôt que la vente d’un produit, de généraliser l’écoconception en intégrant bien en amont le cycle complet des produits, les rendant plus robuste, plus facile à réparer, plus facile à recycler. C’est tout le chemin inverse de l’obsolescence programmée qu’il faut prendre.
C’est en réalité toute une économie, centrée non pas sur les profits et l’arbitraire des actionnaires mais sur les besoins humains, et intégrant l’environnement et la santé humaine, qui est à construire pour relever les nouveaux défis que pose l’anthropocène : pollution plastique, climat, ressources, biodiversité. Une économie où les services publics, les salariés dans les entreprises, les citoyens, auront un pouvoir réel de décision, aidés de l’expertise des scientifiques et de moyens financiers à la hauteur pour s’orienter vers de vraies solutions et s’affranchir de l’agenda des actionnaires.
La revue Progressistes continuera de mettre toute ses forces en œuvre pour contribuer à éclairer ces enjeux dans les mois et années qui viennent. Comme pour le climat, c’est en effet par la mobilisation des consciences et la pression citoyenne que nous pourrons aboutir d’ici à fin 2024 à un traité juridiquement contraignant, sous l’égide de l’ONU, pour mettre fin à la pollution du plastique dans le monde.
Une réflexion sur “Pollution plastique : l’urgence d’un accord contraignant sous l’égide de l’ONU, Amar Bellal*”