Le risque incendie va s’amplifier dans les prochaines années. Pour y faire face, il sera non seulement nécessaire de renforcer les moyens matériels et humains des services publics de secours, mais aussi de mobiliser toute la population en développant la formation et la prévention des risques.
*David Brunner est président de l’union départementale des sapeurs-pompiers de la Gironde.
Janvier 2022, quelque part dans les Landes de Gascogne, en Gironde… Comme chaque année à cette période les sapeurs-pompiers répètent leurs gammes, ils s’entraînent techniquement et tactiquement à lutter contre les feux de forêt. Utilisation des engins, mise en œuvre de la doctrine de lutte nationale (attaque des feux naissants, protection des points sensibles que sont les habitations, les installations techniques, les exploitations agricoles…). Sur le terrain, conducteurs d’engins tout terrain, équipiers de luttes, officiers, tous dans leur rôle se concentrent sur ce qui devrait être leur mission si par malheur un feu venait à se déclencher.

Les petits matins sont frais et les gelées blanches sont fréquentes sur le massif forestier, mais la lande traditionnellement humide – et les parcelles difficilement pénétrables du fait de la présence d’eau affleurant – est inhabituellement peu bourbeuse ; les fossés sont étonnamment peu remplis. Un constat : les pluies habituellement abondantes en hiver ne l’ont pas été.
2022 : ANNÉE TRÈS CHAUDE ET PEU HUMIDE
Le printemps 2022 se classe au troisième rang des plus chauds (13,2 °C) depuis 1900, derrière 2011 et 2020 et ex æquo avec 2007. Après un hiver déjà peu arrosé, le manque de pluie s’est poursuivi. Avec 45 % de déficit de précipitations, le printemps 2022 est également le troisième le plus sec depuis 1959, d’après Météo France. Le mois de juin2022 connaît l’épisode de canicule le plus précoce jamais observé. Le mois de juillet débute lui aussi par un épisode caniculaire ; commencé le 12 juillet, celui-ci atteint son apogée le 18 avec des températures supérieures à 40 °C.
Les éléments contextuels étaient en place pour qu’une catastrophe se produise. Les conditions météorologiques et les feux de forêt sont étroitement liés. Le vent, le taux d’humidité et la chaleur sont des facteurs importants dans le développement du risque. La chaleur provoque la sécheresse des sols, le faible taux d’humidité favorise la distillation des végétaux et le vent permet une propagation rapide du feu.
C’est la main de l’homme qui 7 fois sur 10 déclenche un feu de forêt : 37 % des incendies sont volontaires, 30 % sont déclenchés par imprudence des particuliers. En cet été 2022, ce sont bien les activités humaines qui ont déclenché une vague d’incendies comme rarement la France métropolitaine en a connu. Durant cet été, 48 personnes soupçonnées d’avoir provoqué des incendies ont été interpellées par les forces de l’ordre. Le feu de La Teste-de-Buch a été provoqué par l’incendie d’un véhicule qui s’est propagé au massif.
BATTRE LE FEU : QUELS MOYENS POUR LUTTER EFFICACEMENT ?
La Gironde, le Morbihan, le Jura, le Gard, l’Ardèche et les Bouches-du- Rhône ont vu plusieurs centaines, voire milliers d’hectares de forêts partir en fumée. La tension opérationnelle n’a jamais été aussi forte sur les forces de sécurité civile, la rupture capacitaire a été proche. La France a dû avoir recours à l’aide européenne pour venir à bout d’incendies d’une étendue et d’une violence inhabituelles.
Cette tension a mis en lumière la capacité d’adaptation du modèle français de sécurité civile composé de 197000 sapeurs-pompiers volontaires – ressource indispensable, notamment lorsque la mobilisation nécessite un grand nombre d’intervenants sur des périodes longues – et 41 800 sapeurs-pompiers professionnels auxquels s’ajoutent 13000 militaires. Ces derniers forment la colonne vertébrale d’un système apte à fournir également des cadres et des spécialistes.
Les feux ne seront pas évitables, mais une politique volontariste et réaliste de prévention et d’urbanisme permettra d’en limiter les effets.
Cet été de feu témoigne de la vulnérabilité des espaces naturels face au risque d’incendie. Il s’agit désormais de rendre moins sensibles forêts, landes et cultures. Il s’agit de préparer notre pays au défi climatique.
La stratégie des sapeurs-pompiers français d’attaque massive des feux naissants a fait ses preuves. Par exemple, cet été en Gironde, malgré les 27 000 ha de forêt détruits, sur 614 feux déclarés, seuls 5 ont brûlé des surfaces supérieures à 10 ha. La stratégie de lutte appliquée par les sapeurs-pompiers fixe des priorités, celles de préserver les vies humaines de la population et des intervenants et de protéger les biens (habitations, entreprises, équipements).

Si le risque « feu de forêt » était plutôt caractérisé dans le sud et le sud-ouest de l’Hexagone, désormais il s’étend sur l’ensemble du territoire. D’ici à 2050, 50 % des forêts et landes métropolitaines seront concernées par un niveau élevé d’aléa « incendie ». Le géologue et volcanologue Haroun Tazieff qualifie le risque majeur comme « la menace sur l’homme et son environnement direct, sur ses installations, la menace dont la gravité est telle que la société se trouve absolument dépassée par l’immensité du désastre ». Les feux ne seront pas évitables, mais une politique volontariste et réaliste de prévention et d’urbanisme permettra d’en limiter les effets. Dès à présent, les collectivités en charge de l’urbanisme doivent prendre des mesures d’aménagement des interfaces forêt/habitats. C’est le choix de protéger la forêt, mais aussi de se protéger.
Sélection de plantations d’espèces peu sensibles au feu, aménagement de circulations, installation d’une défense extérieure contre les incendies et obligation de débroussaillement sont des mesures efficaces. Il faut réaliser des zones d’appui à la lutte qui offrent aussi aux zones urbanisées des garanties d’autorésistance.
QUELLES RÈGLES ? QUELLES MESURES ? AVEC QUI ?
La France dispose d’une bibliothèque législative et réglementaire très complète en matière de défense contre les incendies des forêts et des espaces naturels. Mise en œuvre dans les départements considérés comme exposés, elle doit s’appliquer plus largement. Dès à présent il faut établir, dans tous les départements de France, un plan départemental de protection de la forêt contre l’incendie ayant pour objectif d’organiser des aménagements de défense de la forêt contre l’incendie (DFCI) nationalement normalisés, avec des démarches administratives d’aménagement simplifiées.
Les éléments contextuels étaient en place pour qu’une catastrophe se produise. Les conditions météorologiques et les feux de forêt sont étroitement liés.
Les sylviculteurs, les agriculteurs organisent les paysages, ils ont un rôle essentiel dans la préparation des espaces naturels face aux feux. Les plans de gestion des forêts, obligatoires depuis quarante ans pour les massifs supérieurs à 25 ha, sont des outils d’analyse efficaces. Leur généralisation à l’ensemble des espaces forestiers serait un moyen d’y associer des aménagements de DFCI adaptés à la vie du massif, qu’il soit exploité ou non.
Acteur incontournable dont le savoir est unanimement reconnu, l’Office national des forêts doit tenir un rôle central dans la gestion et la protection des forêts publiques ; il faut donc veiller à lui donner les moyens nécessaires à l’exécution de ses missions. « Chacun est responsable de tous », disait Saint-Exupéry. Or, répétons-le, 7 feux sur 10 sont d’origine humaine. Il convient par conséquent de développer la prise de conscience du fait que le massif dans lequel on circule ou à proximité duquel on vit est un milieu fragile qui doit être protégé.
C’est ainsi qu’il faut éduquer la population, et notamment les plus jeunes à connaître le risque, à savoir l’identifier, à accepter sa présence, à savoir se protéger. Cette éducation pourra se faire au travers de campagnes de communication grand public, mais aussi auprès des écoliers et collégiens, en contribuant à parfaire leur conscience écologique et citoyenne. À l’image des journées « Sécurité routière », il peut être envisagé des journées citoyennes de sensibilisation aux risques naturels.
Stay and fight, or fly ! (« se battre ou fuir »). Habiter, exploiter, se divertir à proximité des zones naturelles et forestières relève la plupart du temps de choix de vie. Ces choix imposent des obligations. Celle de protéger les espaces naturels du risque que l’on induit mais aussi celle de prendre conscience de la nécessité de se protéger en cas de menace.
QUE FAIRE ?
Cette nécessaire prise de conscience doit faire évoluer la communication institutionnelle sur le respect impératif des obligations légales de débroussaillement et l’encouragement à l’équipement d’autodéfense, protection indirecte de la forêt. Les obligations qui découlent de ce choix doivent être renforcées et prises en compte dans les prérequis des compagnies d’assurances, et encouragées par les collectivités territoriales à travers la qualité du bâti et des structures, le débroussaillement obligatoire ou la mise en place de moyens de première intervention (réserve d’eau, motopompe thermique ou électrique sur batterie photovoltaïque, petits tuyaux et lances à eau).

L’étendue, le volume de population touchée et la synergie des menaces ne peuvent plus s’accommoder d’une population qui attend tout de ses services publics de secours. Une part active doit être prise par des Français mieux préparés.
Nos services publics de secours vont incontestablement être de plus en plus sollicités, et il s’agit là aussi de renforcer les moyens humains des services départementaux d’incendie et secours (SDIS), augmenter le nombre de sapeurs-pompiers professionnels, recruter plus de sapeurs-pompiers volontaires. Ces forces vives sont nécessaires pour répondre aux situations du quotidien comme à celles qui sont exceptionnelles.
Il faudra également des moyens terrestres et aériens en nombre suffisant et modernisés afin d’augmenter les capacités d’action sur l’ensemble du territoire.
Et pourquoi ne pas envisager un service national universel (SNU) adapté à la protection civile ? Projet d’émancipation de la jeunesse fondé sur la transmission d’un socle républicain, le renforcement de la cohésion nationale, l’expérience de la mixité sociale et territoriale. Vecteur de valorisation des territoires, de développement d’une culture de l’engagement et d’accompagnement de l’insertion sociale et professionnelle, il permettrait de renforcer les actions de prévention et encouragerait, peut-être, un engagement ultérieur comme sapeur-pompier, en particulier volontaire. Ce SNU adapté ne dévoierait pas les objectifs fixés. Ainsi, les jeunes générations, déjà sensibles aux changements climatiques, au développement durable et à la préservation de l’environnement, pourraient s’engager pour cette cause.
Enfin, il faudra également des moyens terrestres et aériens en nombre suffisant et modernisés afin d’augmenter les capacités d’action sur l’ensemble du territoire.
Ce qui a été vécu cet été nous incite à penser que l’action contre les feux d’espaces naturels et de forêts est une priorité écologique nécessitant la mobilisation du plus grand nombre. Cette menace climatique n’attend pas simplement une réponse politique de nos autorités : elle nécessite la mobilisation de tous, une réponse citoyenne à l’urgence climatique.
Monsieur Brenner
J’ai parcouru plusieurs articles sur le sujet dont le votre
Comme Président du MNLE pays de la Loire naturellement, nous popularisons un film “Bienveillance Paysanne” d’Oliver Dickinson qui évoque les bergers et leurs troupeaux de moutons et de chèvres afin de contribuer à prévenir les incendies en forêt des Landes
Qu’en pensez vous
Est ce à développer
Bien à vous